La coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) ou coagulopathie de consommation ou syndrome de défibrination correspond à l’activation généralisée de la coagulation sanguine dans un système vasculaire anatomiquement intact.

Le phénomène prédomine au niveau de la microcirculation, où se forment des microthromboses qui consomment, dans les formes aiguës, une quantité importante des facteurs de la coagulation (du fibrinogène en particulier), entraînant ainsi et de façon paradoxale un risque d’hémorragie. En agissant directement sur les cellules endothéliales, elles déclenchent une fibrinolyse réactionnelle.

Lors de ce processus, l’agrégation des plaquettes est activée et les facteurs de la coagulation sont consommés.

On distingue 2 types de CIVD :

– Les CIVD chroniques qui évoluent lentement (pendant des semaines ou des mois) et entraînent surtout des manifestations thrombo-emboliques veineuses. L’héparine est utilisée comme traitement curatif (ou en prévention) dans les CIVD à évolution lente en cas de thrombose veineuse avérée ou chez le patient à risque thrombo-embolique.

– les CIVD aiguës qui évoluent rapidement (en quelques heures ou en quelques jours) et induisent principalement des manifestations hémorragiques.

Le diagnostic repose sur les tests de coagulation. Le traitement est la CIVD est avant tout celui de son étiologie.

1. Etiologies :

La CIVD résulte habituellement de l’apparition du facteur tissulaire dans la circulation sanguine ce qui initie la cascade de la coagulation.  

1) CIVD et complications obstétricales :

– hématome rétroplacentaire (HRP),

– embolie amniotique,

– interruption provoquée de grossesse par injection de sérum salé, 

– mort in utero (MIU).

Le tissu placentaire renfermant le facteur tissulaire entre en contact avec la circulation maternelle.

2) CIVD et infection :

– infections bactériennes sévères : surtout à germes Gram négatif (ex: méningococcémie avec purpura fulminans) : l’endotoxine des germes Gram négatif entraîne l’expression du facteur tissulaire au niveau des cellules phagocytaires, endothéliales et de divers tissus,

– infections virales,

– infections parasitaires : ex paludisme (à Plasmodium falciparum).

3) CIVD et affections malignes :

– Dans les leucoses aiguës :

La CIVD est possible dans toutes les formes cytologiques ; elle est parfois déclenchée par les chimiothérapies cyto-réductrices qui libèrent de grandes quantités de substance coagulante.

– Dans les cancers :

. les cancers en cause sont le plus souvent des cancers glandulaires (estomac, prostate, pancréas),

. la survenue d’une CIVD au cours d’un cancer témoigne de son extension métastatique.

Les cellules tumorales expriment ou libèrent le facteur tissulaire.

4) CIVD en traumatologie et chirurgie :

– lésions tissulaires sévères dues à un traumatisme crânien, des brûlures, des engelures, ou à des blessures par balle,

– les complications de la chirurgie de la prostate qui permettent à du tissu prostatique contenant des facteurs tissulaires actifs (et des activateurs du plasminogène) de passer dans la circulation.

5) CIVD et hémolyse intravasculaire (ex : incompatibilité transfusionnelle).

6) CIVD non liée à l’activation de la thrombine :

– pancréatite aiguë : la CIVD de type compensée est attribuée à l’action directe de la trypsine,

– les enzymes de certains venins de serpent qui entrent dans la circulation activent un ou plusieurs facteurs de coagulation et génèrent de la thrombine ou convertissent directement le fibrinogène en fibrine.

2. Physiopathologie :

– En cas de CIVD d’évolution rapide et grave, une thrombopénie, une chute des facteurs de la coagulation et du fibrinogène, apparaissent, ainsi que des phénomènes hémorragiques.

Des saignements intratissulaires associés à des thromboses des microvaisseaux peuvent être à l’origine d’insuffisances fonctionnelles graves au niveau des organes considérés.

La dissolution retardée des polymères de fibrine par le phénomène de fibrinolyse à l’intérieur des vaisseaux sanguins peut entraîner une rupture mécanique des globules rouges, la génération de schizocytes et une légère hémolyse intravasculaire.

– Une CIVD d’évolution lente entraîne principalement des manifestations thromboemboliques veineuses (exemple : thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire) ; les phénomènes hémorragiques sont rares.

3. Symptomatologie :

1) Formes aigues :

Dans les formes aiguës, deux signes prédominent : le choc et les hémorragies, qui sont présents dans 75 % des cas.

Les hémorragies sont disséminées le plus souvent, en suintement diffus au niveau des muqueuses nasopharyngées, digestives ou génitales et aux points de ponctions cutanées (artérielles ou IV) sous forme d’ecchymoses extensives ou d’hématomes. Mais elles peuvent être localisées, et il importe de rechercher une cause favorisante sous-jacente.

Les thromboses de la microcirculation sont responsables des signes ischémiques périphériques allant de l’acrocyanose à la gangrène ischémique des extrémités des membres.

2) Formes subaiguës :

Dans les formes subaiguës ou chez les malades ayant surmonté la phase initiale, on peut voir apparaître des symptômes de thrombose veineuse et/ou d’embolie pulmonaire, ou d’autres troubles viscéraux traduisant les lésions nécrotiques.

L’atteinte viscérale peut-être isolée, mais le plus souvent il s’agit d’un tableau plurifocalisé.

4. Diagnostic :

Une CIVD est suspectée en cas d’hémorragie ou de thrombose veineuse inexpliquées, en particulier s’il existe une pathologie prédisposante.

Si une CIVD est suspectée, une numération plaquettaire, avec TQ, TCA, taux de fibrinogène plasmatique et d-dimères sont effectués.

1) Diagnostic des CIVD à évolution rapide :

Ces CIVD surviennent dans des circonstances très particulières : accouchements pathologiques (deux tiers des cas), certains types de chirurgie.

Un examen toujours disponible en urgence revêt ici une valeur diagnostique particulière : le dosage du fibrinogène toujours abaissé, parfois totalement absent. 

– Tests de dépistage : ils objectivent :

. une thrombopénie (un taux inférieur à 50 G/l est constaté dans 52 % des cas),

. une élévation du TQ et du TCA, 

. une diminution du taux de fibrinogène plasmatique. 

– Tests dits de confirmation :

. augmentation des d-dimères et des PDF (produits de dégradation de la fibrine),

. allongement du temps de thrombine ; il s’explique classiquement par une hypofibrinémie (< 0,8 g/l) et par l’action anticoagulante des PDF,

. mise en évidence de complexes solubles : test à l’éthanol,

. d’autres anomalies peuvent être mises en évidence :

= diminution de l’antithrombine III et présence de complexes thrombine-antithrombine (TAT),

= chute (inconstante) des facteurs labiles : facteurs V et VIII qui expriment l’action directe de la thrombine.

2) Diagnostic des CIVD à évolution lente :

Les mêmes paramètres sont modifiés, mais les anomalies seront moins marquées et les discordances biologiques plus irritantes. 

Une CIVD à évolution lente induit :

– une thrombopénie légère,

– un TQ normal à peu prolongé et TCA (les résultats sont généralement exprimés en INR),

– un taux de fibrinogène normal ou modérément diminué,

– un taux de d-dimère plasmatique augmenté.

De nombreuses situations pathologiques pouvant majorer la synthèse du fibrinogène (protéine de la phase aiguë de l’inflammation), une diminution de son taux sur 2 mesures successives peut représenter un élément contributif au diagnostic de CIVD. 

Nb : le dosage des PDF acquiert dans ce contexte une valeur sémiologique irremplaçable. En dehors des CIVD, leur taux est augmenté seulement dans les circonstances rares suivantes : résorption d’hématome, dysfibrinogénémie, et fibrinogénolyse primitive.

5. Principes thérapeutiques :

1) Traitement étiologique :

Le traitement de la CIVD est avant tout celui de la pathologie causale.

Corriger immédiatement la cause sous-jacente est la priorité (exemple antibiothérapie à large spectre en cas de suspicion de sepsis à germe Gram négatif, évacuation utérine en cas d’HRP).

Si le traitement est efficace, la CIVD doit régresser rapidement.

2) Traitement symptomatique (substitutif) :

Le traitement causal est associé à un traitement symptomatique qui a pour but de réduire les conséquences hémorragiques et thrombotiques du processus de coagulation et de limiter son extension. 

– Le plasma frais congelé (PFC) :

Il est utilisé à la dose de 10 à 20 ml/kg pour maintenir les taux de facteurs (notamment V et VIII) aux alentours de 35 %.

– Les concentrés de fibrinogène :

Ils sont utilisés à la dose de 0,5 à 1 g/10 kg pour compenser rapidement les hypofibrinogénémies < 1 g/l.

– Les concentrés plaquettaires :

Ils sont utilisés à la dose de 1 U/ 5 à 10 kg pour corriger les thrombopénies < 50 G/l.

Ces thérapeutiques substitutives sont indiquées lorsque le risque hémorragique est au tout premier plan. Leur utilisation à titre préventif ou pour compenser des anomalies biologiques sans retentissement clinique est injustifiée.

– Héparine et concentrés d’antithrombine III :

L’héparine tout à fait logique sur le plan théorique n’est pas obligatoire et ne diminue pas toujours la mortalité ou la morbidité de l’affection principale. Son indication est limitée aux CIVD médicales non infectieuses (cancer, leucémie, erreur transfusionnelle…) et préconisée à dose faible (10 U/kg/h), en association si besoin avec le traitement substitutif.

Elle doit être particulièrement mesurée voire réfutée lorsque le malade présente certaines localisations hémorragiques, en cas de thrombopénie ou chez le sujet âgé.

L’ATIII (Aclotine ®) représente une thérapeutique à la fois logique (elle neutralise directement le médiateur biologique du syndrome) et bien tolérée (elle n’expose pas le malade au risque hémorragique de l’héparine). Son utilisation peut être envisagée en cas de déficit acquis sévères (< 60 %) au cours du choc septique. L’administration de 1 U/kg augmente le taux circulant de 2 %.

3) Traitement selon la gravité :

a) Saignements graves :

Si le saignement est grave ou concerne un emplacement critique (cerveau, tube digestif…), la thérapie de remplacement adjuvante est indiquée. Le remplacement peut consister en :

– des concentrés plaquettaires pour corriger la thrombopénie (en cas de baisse rapide du nombre de plaquettes ou de plaquettes < 10.000 à 20.000/μl) ;

– des cryoprécipités pour remplacer le fibrinogène (et le facteur VIII) si le taux de fibrinogène diminue rapidement ou est < 100 mg/dl ;

– plasma frais congelé pour augmenter les taux d’autres facteurs de coagulation et d’anticoagulants naturels (antithrombine, protéines C, S et Z).

La restauration volumique en cas d’hypotension est essentielle pour arrêter la CIVD.

b) CIVD à évolution lente :

L’héparine est utile dans le traitement des CIVD d’évolution lente avec thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire.

L’héparine n’est généralement pas indiquée dans les CIVD à évolution rapide avec risque de saignement ou saignement. Une exception sont les femmes présentant une rétention de fœtus mort et une CIVD évolutive associée à une diminution progressive des plaquettes, du fibrinogène et des facteurs de la coagulation. Chez ces derniers patients, l’héparine est administrée pendant plusieurs jours pour contrôler la CIVD, augmenter les taux de fibrinogène et de plaquettes et diminuer la consommation excessive de facteurs de la coagulation avant l’évacuation utérine. L’héparine est alors arrêtée et l’évacuation utérine a lieu.

Points clés

Dans la CIVD, la coagulation est généralement activée lorsque le sang est exposé à un facteur tissulaire. En association avec la coagulation, la voie fibrinolytique est également activée.

La CIVD commence habituellement rapidement et provoque des saignements et des occlusions microvasculaires, conduisant à une défaillance organique.

La CIVD commence parfois lentement et provoque des phénomènes thromboemboliques plutôt que des saignements.

Une CIVD sévère d’apparition rapide induit une thrombopénie aiguë, une prolongation marquée du TQ et du TCA, une chute rapide du fibrinogène plasmatique et une majoration importante du taux plasmatique des d-dimères.

La correction immédiate de la cause est la priorité ; une hémorragie sévère peut également nécessiter un traitement substitutif par des concentrés plaquettaires, un cryoprécipité (contenant du fibrinogène) et du plasma frais congelé (contenant d’autres facteurs de coagulation).

L’héparine est utile en cas de CIVD d’apparition lente mais rarement en cas de CIVD d’apparition rapide (excepté en cas de MIU).

Facteurs de la coagulation
Facteur IFibrinogène
Facteur IIProthrombine
Facteur IIIThromboplastine (ou facteur tissulaire)
Facteur IVCalcium (Ca++)
Facteur VProaccélérine (ou facteur labile)
Facteur VIFacteur non défini (il n’y a pas de facteur VI actuellement. Il était autrefois attribué à une substance qui s’est révélée n’être présente que dans les échantillons de laboratoire, pas dans le sang humain)
Facteur VIIProconvertine (ou facteur stable)
Facteur VIIIAntihémophilique A
Facteur IXAntihémophilique B (ou facteur Christmas)
Facteur XThrombokinase (ou facteur Stuart-Prower)
Facteur XIAntihémophilique C (ou facteur Rosenthal)
Facteur XIIFacteur Hageman
Facteur XIIIFacteur de stabilisation de la fibrine
Facteur de Von Willebrand.
Nb : ce dernier facteur n’est pas un facteur de la coagulation à proprement parler, mais il joue un rôle important dans le processus de coagulation. Il s’agit d’une protéine qui aide à la formation du caillot sanguin en facilitant l’adhésion des plaquettes sanguines aux parois des vaisseaux sanguins endommagés.
Ces facteurs jouent un rôle crucial dans la cascade de coagulation, contribuant à former un caillot sanguin en réponse à une lésion vasculaire.
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