1. Epidémiologie :
L’anémie ferriprive est l’anémie la plus fréquente (50 %) ; elle représente environ 1 milliard de personnes dans le monde.
– Pays riches : carence martiale par saignements (digestifs ou gynécologiques) ou augmentation des besoins.
– Pays pauvres : malnutrition (carence d’apport).
Elle est réversible par correction de la carence.
2. Physiologie : Cf chapitre spécial
3. Aliments riches en fer : Cf chapitre spécial
4. Etiologies :
Deux grandes causes de l’anémie ferriprive :
1) Carence en fer :
a) Carences d’apport en fer :
– malabsorptions : maladie cœliaque +++, de Crohn, gastrite atrophique, gastrectomie totale ou subtotale, syndrome des buveurs de thé,
– défaut d’apport en fer : dénutrition, anorexie, régime pauvre en fer (bas niveau socio-économique), personnes végétariennes,
– médicaments antiacides (pas de dissociation du fer à partir de ses complexes alimentaires par manque d’acidité gastrique),
b) Pertes excessives et continues en fer (hémorragies aiguës ou chroniques) :
– saignements gynécologiques : ménorragies, métrorragies, fibrome utérin, déséquilibre hormonal, stérilet, anomalie de l’hémostase, cancers utérins,
– saignements occultes, d’origine digestive : hernie hiatale +++, ulcère gastrique, hémorroïdes, cancers digestifs,
– parasitoses (hématuries microscopiques) : ankylostomiases, trichocéphalose.
2) Augmentation des besoins en fer :
– grossesse, surtout si patiente très jeune (en période de croissance),
– grossesse gémellaire,
– grossesse et spoliation sanguine chronique : menace d’ABRT, placenta prævia…
En conclusion : le fer alimentaire suffit à peine aux besoins quotidiens de la plupart des individus. Malgré cela, un régime alimentaire occidental typique est peu susceptible de provoquer une carence en fer. Donc, des pertes, même modestes, des exigences accrues, ou une diminution de l’apport provoquent facilement la carence en fer.
5. Signes cliniques :
La principale conséquence d’une carence en fer est l’ANÉMIE.
Avec ou sans anémie, les symptômes d’une carence en fer sont variés :
– asthénie, faiblesse et perte d’endurance,
– étourdissements, vertiges,
– pâleur cutanéo-muqueuse,
– diminution de la force physique,
– dyspnée d’effort (essoufflement) avec palpitations (tachycardie),
– fonctions cognitives altérées (difficultés de concentration, d’apprentissage, troubles de la mémoire, irritabilité),
– chute de cheveux,
– sensibilité au froid,
– syndrome des jambes sans repos (envie désagréable de bouger les jambes pendant les périodes d’inactivité).
Une personne carencée en fer peut exprimer un ou plusieurs de ces symptômes.
Nb : En plus de ces manifestations habituelles de l’anémie, des symptômes inhabituels se produisent dans la carence en fer sévère : les patients peuvent avoir un pica (désir anormal de manger des substances diverses (p. ex., de la glace, de la poussière, de la peinture)).
D’autres symptômes de carence grave comprennent la glossite, la chéilose (fissures des commissures labiales), des ongles fins, fragiles, des cheveux secs et cassants.
6. Signes biologiques : diagnostic :
L’anémie ferriprive est suspectée en cas de perte de sang chronique ou d’anémie microcytaire. Chez ces patientes, on effectue différents tests pour un diagnostic précis :
– hémogramme (NFS) : il révèle une anémie de profondeur variable, hypochrome, microcytaire, hyposidérémique, arégénérative ; Globules blancs normaux, plaquettes normales ou élevées ;
– fer sérique : il est diminué en cas de carence en fer (mais aussi dans de nombreuses maladies chroniques), et est élevé dans les troubles hémolytiques et dans les syndromes de surcharges en fer ;
– ferritine sérique : une ferritine abaissée (< 20 ng/ml ou µg/l) confirme l’existence d’une carence en fer, auquel cas, d’autres dosages ne sont pas nécessaires ;
– capacité totale de saturation de la transferrine (CTST), coefficient de saturation de la transferrine (CSTf) : en cas de carence en fer, la capacité de fixation du fer augmente, tandis que le coefficient de saturation de la transferrine diminue ;
– taux de réticulocytes : leur taux est bas dans la carence en fer ;
– frottis sanguin périphérique : il montre généralement des GR hypochromiques avec une anisocytose, poïkilocytose ;
– myélogramme : il est inutile ; le critère le plus sensible et le plus spécifique d’une érythropoïèse ferriprive est l’absence de stock médullaire de fer.
Nb : La ferritine est également un marqueur inflammatoire de phase aiguë, et son taux augmente dans les maladies inflammatoires et infectieuses (ex : hépatite) et dans des pathologies néoplasiques (leucémies aiguës, lymphome d’Hodgkin, et tumeurs gastro-intestinales). Dans ces conditions, une ferritine sérique jusqu’à 100 ng/ml reste compatible avec une carence en fer.
Cinétique d’apparition :
La carence martiale n ’est pas d’emblée associée à une anémie
1. Diminution des réserves : baisse de la ferritinémie ;
2. Diminution de la concentration intra-érythrocytaire en hémoglobine : hypochromie ;
3. Puis microcytose et anémie.
>>> L’anémie ferriprive doit être différenciée des autres anémies microcytaires : Cf chapitre spécial
7. Traitement :
1) Prophylaxie :
Le traitement systématique au cours de la grossesse n’est pas justifié dans les pays développés car une surcharge en fer n’est pas dénuée de risques pour la mère et le fœtus, une ration alimentaire variée et suffisante semble couvrir les besoins.
En pratique, seul un bilan sanguin au 1er trimestre de la grossesse (NFS, ferritinémie) va fournir un état précis des réserves en fer :
– si les résultats sont bons, aucun supplément ne sera prescrit,
– un taux de ferritine < 50 μg/l en début de grossesse justifie une supplémentation en insistant sur la diversification de l’alimentation.
* Un traitement martial systématique pourra être prescrit, dans des cas particulièrs : grossesses gémellaires, grossesses rapprochées, grossesse chez une femme très jeune, patiente végétarienne.
En règle générale : “Il faut donner des suppléments aux femmes enceintes au cas par cas. Certaines vont être carencées dès le début de leur grossesse. D’autres, pour la plupart, auront une prescription en fer au 4ème ou 5ème mois”.
2) Curatif :
a) Traiter la maladie causale :
b) Traiter la carence en fer :
Ce n’est qu’en cas d’anémie par carence martiale confirmée qu’un supplément médicamenteux en fer est indiqué, jusqu’à correction de l’anémie et reconstitution des réserves.
Supplémenter en fer en dehors de ces situations n’est pas justifié et n’est pas sans risque (effet oxydant du fer) ; risque d’hypotrophie fœtale en cas d’hémoglobine > 14 g/dl.
Les besoins en fer dépendent du taux d’hémoglobine et de la valeur de la ferritine.
L’interprétation des valeurs de la ferritine est décrite dans le tableau suivant :
Taux de ferritine (µg/l) | Réserves de fer |
< 15 | Épuisées |
15 à 29 | Très faibles |
30 à 50 | Faibles |
> 50 | Suffisantes |
– Lorsque le niveau de ferritine est < 30 µg/l : un tel traitement se justifie.
– Entre 30 et 50 µg/l de ferritine : on se trouve dans une fourchette intermédiaire. Il faut décider de manière individuelle si un traitement à base de fer doit être administré.
– Lorsque le niveau de ferritine est > 50 µg/l : on suppose que les réserves de fer sont suffisantes : il ne faut pas administrer de fer (étant donné qu’une surcharge en fer peut être dangereuse)…
● Fer par voie orale (comprimés) :
– Le fer per os peut être fourni sous forme de différents sels ferreux (sulfate ferreux, gluconate ferreux, fumarate ferreux, saccharate), avec ou sans vitamine C, par voie orale, 30 min avant les repas (certains aliments ou les antiacides peuvent réduire l’absorption).
On distingue des préparations bivalentes (Fe2+) et trivalentes (Fe3+).
Il est recommandé de commencer par une dose de 80 à 100 mg/jour et de l’augmenter à 200 mg à partir de la deuxième semaine de traitement.
Des doses plus élevées sont en grande partie non absorbées, mais augmentent les effets indésirables (en particulier la constipation).
– Avec les préparations bivalentes : la résorption du fer est optimale environ une heure avant les repas.
– Pour les préparations trivalentes : il est recommandé de prendre les comprimés pendant les repas.
La plupart du temps, le traitement doit durer entre 3 et 6 mois.
La tolérance aux préparations trivalentes est meilleure que pour les préparations bivalentes.
Les effets indésirables les plus fréquents sont des troubles gastro-intestinaux tels que : nausées, vomissements, constipation, diarrhée, ou crampes ; prévenir les femmes de la coloration noire des selles…
Par contre, les préparations bivalentes sont généralement mieux résorbées que les préparations trivalentes.
– Ajouter de la Vitamine C (acide ascorbique) sous forme de comprimés (0,5 à 1 gr/j) : pour augmenter l’absorption du fer.
– Les transfusions sanguines sont à proscrire, sauf en cas d’anémie sévère (Hb < 8 g/dl).
● Fer par voie intraveineuse :
L’apport de fer par voie intraveineuse permet une restauration des réserves plus efficace et plus rapide que par voie orale en cas d’anémie sévère, mais il peut provoquer des effets indésirables, le plus souvent des réactions allergiques (minimes) ou des réactions à la perfusion (ex : fièvre, arthralgies, myalgies).
Les réactions anaphylactoïdes graves qui étaient plus fréquentes dans le passé étaient principalement dues au fer-dextran de haut poids moléculaire, qui n’est plus disponible.
La dose parentérale de fer est déterminée de préférence par un hématologue.
* Dans quelles circonstances faut-il opter pour l’intraveineuse ?
Dans les situations suivantes :
– Traitement oral très mal toléré ou doutes concernant la prise du traitement ;
– Refus de prendre du fer per os ;
– Anémie importante en raison d’un important saignement survenu brutalement (hémorragie en début de grossesse, placenta prævia, HRP, accouchement hémorragique, hémorragie en nappe en per-opératoire…) ;
– Perte de fer (hémorragies gastro-intestinales récurrentes, par exemple) trop importante par rapport au complément de fer per os ;
– Maladies gastro-intestinales chroniques : maladie de Crohn, RCH, maladie cœliaque, chirurgie avec ablation importante du colon ou de l’intestin grêle.
8. Suivi du traitement :
La patiente doit présenter une amélioration des symptômes après quelques semaines de traitement par le fer.
Pour vérifier l’efficacité du traitement de l’anémie, on pratique un bilan sanguin de surveillance prenant en compte deux critères :
a) La numération formule sanguine (NFS) :
Elle doit se normaliser rapidement.
L’hémoglobine commence à augmenter après 1-2 semaines de traitement (1g/dl par semaine) et retrouve un taux normal après 6-8 semaines.
Le taux de réticulocytes augmente pour atteindre un taux maximal après 7-10 jours.
b) Le taux de ferritine :
. lors d’un traitement per os : la ferritine est contrôlée après 3 mois, après avoir préalablement interrompu le traitement par fer pendant au moins 2 semaines.
. lors d’un traitement par perfusion : le contrôle de la ferritine a lieu au moins 2 à 3 mois après la dernière injection, étant donné que la ferritine augmente fortement dans le sang juste après la pose de la perfusion de fer, sans que cela ait de lien avec les réserves de fer. Lorsque le taux est normal, on envisage l’arrêt du traitement.
L’anémie doit être corrigée dans les 2 mois ; une réponse inférieure à la normale est en faveur d’une hémorragie continue, d’une infection ou d’un cancer sous-jacent, d’un apport insuffisant en fer, ou d’une malabsorption du fer oral.
Le traitement ne sera stoppé qu’après normalisation de la ferritinémie.
CONSEILS POUR LES PATIENTES
Les aliments riches en fer
Le fer est naturellement présent dans votre alimentation. Vous pouvez en faire le plein en mettant dans votre assiette : des viandes et poissons, du boudin noir (bien cuit ou recuit) mais aussi des légumes secs (lentilles, haricots blancs, pois chiches). Ce sont ces aliments qui sont les plus riches en fer.
A noter que le fer d’origine animale est mieux assimilé par l’organisme que celui d’origine végétal. Alors, pour garantir une meilleure absorption du fer, tenez compte des conseils alimentaires suivants :
– A jeun. Il est clair que les suppléments en fer sont mieux absorbés par l’organisme si l’on a l’estomac vide.
– Avec de la vitamine C. Qu’il s’agisse de suppléments ou de fer issu des aliments, votre organisme en tirera un meilleur bénéfice s’il le reçoit en même temps que de la vitamine C. Pressez du jus de citron sur vos poissons, terminez vos repas par une orange ou un pamplemousse.
– Les aliments qui peuvent contrarier l’absorption du fer. Certains aliments compliquent cette assimilation à l’organisme. Il s’agit notamment du thé et du café, des fibres et du calcium. Par conséquent, il n’est pas recommandé d’accompagner son régime “anti-anémie” d’un verre de lait ou de sauces élaborées avec des laitages. Si vous prenez par ailleurs un supplément en calcium, n’avalez pas ces 2 suppléments au même moment : leurs effets se contrarieraient.
Points clés
– L’anémie ferriprive est habituellement causée par une perte de sang (ex : digestive, menstruelle), mais elle peut être due à une hémolyse, à une malabsorption ou à une augmentation de la demande en fer (ex : pendant la grossesse, l’allaitement).
– Différencier une carence en fer des autres anémies microcytaires (ex : anémie des maladies chroniques, hémoglobinopathies).
– Mesurer le fer sérique, la capacité de fixation du fer et la ferritine sérique.
– La carence en fer provoque un fer sérique bas, une capacité élevée de fixation du fer et une ferritine sérique basse.
– Des suppléments oraux en fer sont en général adaptés ; il convient de réserver l’utilisation du fer parentéral aux hématologues du fait des risques d’effets indésirables (réactions à la perfusion et de rares réactions anaphylactoïdes).
Exemple d’utilisation du Fer parentéral :
● Anémie aiguë en post-partum immédiat (accouchement hémorragique avec pâleur, signes de choc…) :
VENOFER AMP INJ [ Ampoules de 100 mg de fer élément / 5 ml – Boîte de 5 ] :
Dose recommandée : 3 ampoules / 450 cc de sérum salé isotonique (chlorure de sodium à 0,9 %), en perfusion lente (ou bien 1 ampoule / 150 cc de SSI).
Il ne doit pas être mélangé avec d’autres médicaments.
Œsophage | – Œsophagite – Cancer de l’œsophage – Erosions intra-herniaires – Ulcère de Barrett – Varices œsophagiennes |
Estomac/Duodénum | – Erosions gastriques médicamenteuses – Ulcère gastrique ou duodénal – Cancer de l’estomac – Ectasies vasculaires antrales – Polype gastrique, duodénal ou ampullaire |
Intestin grêle | – Ulcérations médicamenteuses, en particulier par les AINS – Tumeurs (bénignes ou malignes) – Lymphome – Angiodysplasies – Maladie de Crohn – Grêle radique – Parasitoses (ankylostomiase) – Diverticule de Meckel |
Côlon/Rectum/Anus | – Cancer colique – Angiodysplasies – Rectocolite hémorragique – Maladie de Crohn – Polype colique > 15 mm – Colite radique – Hémangiomes – Maladie hémorroïdaire |