Le granulome inguinal, aussi connu sous le nom de donovanose, est une maladie ulcérative lentement évolutive touchant principalement la peau et les tissus sous-cutanés des régions génitale, inguinale et anale.
La donovanose est une infection bactérienne due à un bacille Gram négatif dénommé Klebsiella granulomatis (anciennement appelé Calymmatobacterium granulomatis), de localisation principalement génitale et de transmission essentiellement sexuelle, prédominant en zone tropicale.
Des contacts sexuels multiples avec un partenaire infecté semblent être nécessaires pour une transmission de l’infection.
C’est le major Charles Donovan qui a décrit, en 1905, les corps intracellulaires dans les exsudats d’une lésion buccale.
1. Epidémiologie :
La donovanose est décrite partout dans le monde sauf en Europe (en dehors des voyageurs).
Elle est principalement répandue dans les pays tropicaux et subtropicaux : Inde, Papouasie-Nouvelle Guinée, partie nord de l’Amérique du Sud (Brésil), Afrique du Sud, et chez les aborigènes australiens.
La maladie est plus fréquente chez l’homme que chez la femme (2 hommes pour 1 femme).
2. Clinique :
La durée d’incubation varie de 3 à 60 jours chez 92 % des patients.
L’affection débute le plus souvent par une ulcération d’emblée ou précédée d’une papule ou d’un nodule sous-cutané (qui s’exulcère et se transforme en une lésion granulomateuse surélevée).
L’ulcération de couleur rouge vif mesure 1 à 4 cm de diamètre. Elle est indolore, surélevée en plateau avec une base souple non indurée. Son évolution est chronique.
Sa surface est granulomateuse un peu végétante, avec des bords réguliers en relief (“leishmaniose génitale”). On ne note pas d’adénopathie satellite.
L’ulcération génitale est plus souvent localisée sur la peau que sur la muqueuse.
– Chez l’homme : les localisations sont principalement génitales (gland, prépuce, bourse, sillon balano-préputial), exceptionnellement anales (homosexuels) ou inguinales, raisons pour lesquelles mieux vaut privilégier le terme de donovanose que celui de granulome inguinal (pourtant plus souvent utilisé dans la littérature anglo-saxone).
– Chez la femme : les localisations sont le plus souvent vulvaires ou périnéales, plus rarement anales, inguinales, vaginales ou cervicales. Des formes pseudo-néoplasiques sont décrites (génitales, buccales, du col utérin) du fait de la prolifération locale granulomateuse.
L’évolution en l’absence de traitement est lente et inexorable avec nécrose et fibrose.
3. Diagnostic différentiel :
Le diagnostic différentiel comprend les tumeurs, le lymphogranulome vénérien, le chancre mou, la syphilis et d’autres maladies granulomateuses ulcéreuses.
Le chancre mou s’en distingue d’ordinaire par ses bords profonds irréguliers, qui ne sont pas vus dans les cas habituels de granulome inguinal.
L’examen au microscope à fond noir et les tests sérologiques doivent aider à le distinguer de la syphilis.
Des biopsies peuvent être nécessaires pour distinguer le granulome inguinal de certaines tumeurs.
4. Complications :
Des complications peuvent survenir à type d’hémorragie, de surinfection, de lymphœdème génital, de mutilation génitale voire de carcinome.
Des formes extra-génitales et septicémiques ont été décrites avec diffusion osseuse, hépatique, pulmonaire à la suite d’actes chirurgicaux ou d’accouchements.
5. Diagnostic :
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de “corps de Donovan” intracellulaires dans les histiocytes et autres cellules mononuclées provenant d’un frottis (obtenu par raclage appuyé) d’une ulcération génitale ou périnéale coloré au Giemsa.
Dans les régions d’endémie les corps de Donovan sont identifiables chez 60 à 80 % des patients considérés, sur des éléments cliniques, comme atteints de donovanose.
Découvertes par Charles Donovan, ces inclusions intracellulaires représentent des bactéries qui ont été absorbées par des cellules immunitaires nettoyeuses (histiocytes).
L’examen histologique d’un prélèvement biopsique montre un granulome inflammatoire dermique avec présence de “corps de Donovan”.
Cet examen histologique est souvent nécessaire pour le différencier d’un carcinome épidermoïde.
La culture n’est pas d’usage pratique à l’heure actuelle (laboratoires spécialisés).
La PCR et les sérologies ne sont pas de pratique courante.
6. Traitement :
Le traitement de première intention est un macrolide : soit érythromycine (2 g/j en 2 à 4 prises quotidiennes) pendant une durée minimale de 21 jours, soit azithromycine.
Il existe plusieurs modalités d’administration de l’azithromycine : 1 g/semaine pendant quatre semaines ou jusqu’à guérison, 500 mg/j pendant une semaine, en traitement monodose avec une prise unique de 1 g (aucune n’a été comparée avec l’autre).
Les fluoroquinolones peuvent aussi être utilisés : ofloxacine (200 mg x 2/j), ciprofloxacine (1 g/j) ainsi que le cotrimoxazole.
La durée de traitement recommandé est au minimum de 2 à 3 semaines.
Les autres traitements, d’efficacité plus variable, sont les cyclines (doxycycline), la streptomycine et la ceftriaxone.
Recommandations thérapeutiques : Donovanose
– azithromycine : 1 g per os par semaine jusqu’à guérison,
– ou érythromycine : 1 gr x 2/jour per os x 21 jours,
– ou ofloxacine : 200 mg x 2/jour per os x 21 jours,
– ou ciprofloxacine : 500 mg x 2/jour per os x 21 jours.
Chez la femme enceinte ou allaitante et les enfants, les macrolides sont le traitement de première intention.
Les enfants nés de mère ayant des lésions génitales non traitées sont à risque d’infection et doivent bénéficier d’un traitement.
Toute personne ayant eu un contact sexuel avec le patient source dans les 60 jours avant l’apparition des lésions cliniques doit être examinée et éventuellement traitée.
Les autres causes d’ulcération génitale, notamment la syphilis ou l’herpès ainsi que le chancre mou, doivent être éliminées voire prises en compte dans l’approche thérapeutique.
* Après traitement, les bords de la lésion commencent à se réépithélialiser au 7ème jour du traitement et l’ulcération cicatrise habituellement lentement en 3 à 5 semaines, laissant une dépigmentation passagère.
La crainte de rechute, voire de transformation épithéliomateuse, impose la surveillance régulière des patients pendant plusieurs mois.
7. Mesures de prévention :
En tant qu’IST, il existe des mesures préventives efficaces pour l’éviter, en premier l’information quasi constante des personnes à risques. Il faudra les apprendre à changer leurs comportements sexuels en commençant par se protéger à chaque rapport intime et faire des choix sains comme ne pas pratiquer la prostitution.
Observation :
Un homme de 47 ans avait depuis un mois une ulcération indolore du gland, d’extension progressive, sans notion de voyage récent à l’étranger.
La biopsie cutanée trouvait, grâce aux colorations de Giemsa et de Whartin-Starry, des corps de Donovan dans le cytoplasme des macrophages.
Devant ces résultats, un nouvel interrogatoire du patient rapportait un contact sexuel non protégé qui avait eu lieu 2 mois auparavant en France.
Un traitement par azithromycine orale était mis en place, à raison de 1 g le premier jour, suivi d’une prise de 500 mg par jour pendant trois semaines.
L’évolution clinique était spectaculaire, avec une régression presque totale de l’ulcération en 7 jours.
Discussion :
Cette observation rappelle que la donovanose peut survenir en France métropolitaine (ou dans n’importe quel pays)…