Le Chancre mou ou chancrelle, est une infection sexuellement transmissible (IST) d’origine bactérienne.

Il est dû à un bacille gram-négatif anaérobie facultatif : Haemophilus ducreyi décrit en 1889 par Ducrey.

Le chancre mou se transmet au cours d’un rapport sexuel sans préservatif avec un partenaire ayant développé la maladie et présentant les ulcérations caractéristiques au niveau des organes génitaux. La contamination peut avoir lieu au cours d’un rapport oral, vaginal ou anal, même s’il n’y a pas eu pénétration.

1. Epidémiologie :

Le chancre mou a pratiquement disparu des pays développés. Cette IST est plus répandue dans les pays en voie de développement (Maghreb, Afrique noire, Amérique du Sud et Asie).

Néanmoins, en France et en Europe, il a été rapporté quelques cas sporadiques d’importation ou de petites épidémies à partir d’un foyer de prostitution, touchant avec prédilection les hommes issus des milieux socio-économiques défavorisés.

Le chancre mou est une IST qui peut toucher les deux sexes. Néanmoins, les conséquences de cette infection sont différentes entre les hommes et les femmes. Le chancre mou chez l’homme est beaucoup plus douloureux que chez la femme. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est plus facilement et plus souvent diagnostiquée chez l’homme que chez la femme.

2. Clinique :

Après une courte période d’incubation de 2 à 7 jours (parfois jusqu’à 14 jours), apparaît une ulcération parfois précédée d’une papule sensible (qui évolue vers une pustule qui va rapidement se rompre).

Cette ulcération est profonde, très douloureuse, ronde ou ovalaire, de 1 à 20 mm de diamètre avec une base non indurée et un fond “sale”, irrégulier, recouvert d’un exsudat gris jaunâtre purulent.

Les bords sont nets, décollés, soulignés d’un liseré hémorragique, avec habituellement un érythème cutané autour.

– Chez l’homme, le chancre mou siège surtout sur le prépuce, mais aussi sur le gland, ainsi que sur le corps du pénis, ou à la sortie de l’urètre. L’anus et le rectum peuvent aussi être atteints tout comme le scrotum et les cuisses.

Lorsqu’il apparaît au niveau du prépuce, il peut entraîner un rétrécissement de celui-ci (phimosis), voire un paraphimosis, c’est-à-dire un étranglement du gland, une situation à traiter en urgence.

– Chez la femme, on le trouve principalement sur la vulve (vestibule, fourchette et grandes lèvres), au niveau du périnée, mais aussi dans le vagin et dans la région péri-anale, et rarement sur le col de l’utérus. Les lésions extragénitales sont aussi peu fréquentes (abdomen, cuisse, poitrine, doigts, lèvres). Des lésions intrabuccales sont peu fréquentes.

Les lésions sont typiquement uniques mais peuvent être multiples, probablement du fait d’une auto-inoculation des tissus de proximité.

Il y a rarement des symptômes généraux.  

Le chancre est associé, dans 25 à 50 % des cas, à une adénopathie inguinale unilatérale unique, volumineuse, inflammatoire, douloureuse (ou bubon) avec péri-adénite. Elle peut évoluer vers la fistulisation avec émission prolongée de pus épais, crémeux et visqueux.

Nb : Le chancre mou ne semble pas affecter le cours normal de la grossesse et la transmission de l’infection au fœtus ne semble pas se produire.

On peut facilement traiter la femme enceinte avec des antibiotiques qui sont sûrs durant la grossesse (érythromycine ou céftriaxone).

3. Evolution :

L’évolution spontanée est habituellement chronique, s’étendant sur plusieurs mois.

Les complications sont exceptionnelles : phagédénismes inguino-cruraux, paraphimosis, phimosis et lymphangite dorsale de la verge.

Chez les patients infectés par le VIH, les ulcérations ont une tendance à l’extension et à la chronicité.

4. Diagnostic différentiel :

Le chancre mou nécessite d’être dépisté le plus tôt possible pour limiter le risque de complication et de contamination.

Le diagnostic du chancre mou est réalisé par examen bactériologique. Celui-ci permet de distinguer un chancre mou d’autres pathologies.

En effet, un chancre mou ne doit pas être confondu avec un chancre de syphilis primaire (qui est indolore et présent souvent sous forme d’une seule lésion), un herpès génital (où les lésions sont généralement de plus petite taille), la maladie de Nicolas-Favre ou une donovanose.

Dans 1 cas sur 10, il est accompagné par une autre IST, comme l’herpès ou la syphilis. Ainsi, quand une personne est diagnostiquée pour cette maladie, une recherche d’autres IST (HIV, syphilis, infection à chlamydia ou à gonocoque…) est systématiquement entreprise.

5. Diagnostic positif :

Le diagnostic de chancre mou est confirmé par la mise en évidence de l’Haemophilus ducreyi. Ce germe est isolé à partir d’un prélèvement recueilli soit à l’écouvillon dans la zone de décollement périphérique, soit par ponction au niveau du bubon.

Les débris nécrotiques doivent être retirés de l’ulcère avec une solution de sérum physiologique.

La base et les berges de l’ulcère doivent être prélevées avec un écouvillon de coton et inoculées directement dans le milieu de culture si possible ; les écouvillons peuvent être mis dans le milieu de transport “Amies” si les milieux de culture ne sont pas immédiatement disponibles. Les lames obtenues doivent être étalées avec douceur.

Les organismes peuvent aussi être obtenus par aspiration de ganglions inguinaux.

Les ganglions doivent être ponctionnés en plaçant l’aiguille à travers la peau normale pour éviter la formation de trajets fistuleux. Les ganglions ne doivent pas être incisés.

– L’examen direct des frottis permet d’observer des petits bacilles Gram négatif avec des extrémités arrondies, de coloration bipolaire, en forme “d’épingle de sûreté”, intra ou extracellulaires, isolés ou formant typiquement des agrégats en chaîne…

Le groupement des bacilles en “bancs de poissons” est tout à fait caractéristique mais difficile à repérer au sein d’une abondante flore de surinfection.

– La culture est la méthode de référence (surtout quand l’examen direct est négatif), mais les milieux de culture sélectifs sont souvent non disponibles ; il s’agit d’une technique délicate, ne pouvant être réalisée que par un microbiologiste expérimenté.

Le prélèvement doit être ensemencé rapidement sur un milieu de culture riche et spécifique incubé pendant 2 à 5 jours en atmosphère humide et de préférence enrichie de 5 % de CO2.

Dans ces conditions optimales, des cultures positives peuvent être obtenues dans plus de 80 % des cas.

– Une technique immuno-enzymatique de recherche d’anticorps anti-Haemophilus ducreyi et une méthode d’amplification génique sont actuellement à l’étude.

– Il n’y a pas de test sérologique disponible pour le chancre mou.

6. Traitement :

Le véritable traitement du chancre mou, comme toute IST est un traitement préventif. La prévention repose sur :

– une protection adéquate lors des rapports sexuels, notamment par le port de préservatifs, pour limiter le risque de contamination,

– une bonne hygiène corporelle pour limiter le développement de la bactérie Haemophilus ducreyi

Le traitement actuel du chancre mou se base essentiellement sur une antibiothérapie débutée rapidement, sans attendre les résultats des tests.

Premier choix :

Azithromycine (macrolide) à la dose unique de 1 g per os : ZITHROMAX MONODOSE ® [gélule à 250 mg : boite de 4],

Alternatives :

– Céftriaxone (céphalosporine 3ème G) : ROCEPHINE 500 mg/2 ml ® : poudre et solvant pour solution injectable (IM) [boite unitaire] : une injection unique de 250 ou 500 mg en IM,

Ciprofloxacine (quinolone) per os à la dose de 500 mg 2 fois par jour pendant 3 jours,

Erythromycine per os à la posologie de 1 g 2 fois par jour pendant 7 jours,

Des échecs thérapeutiques, en particulier lors de traitements-minute, ont été observés chez les sujets infectés par le HIV.

En cas d’adénopathie associée au chancre mou, un drainage chirurgical peut être nécessaire.

L’aspiration des bubons à visée diagnostique ou leur incision pour soulager les symptômes sont sans danger si le patient reçoit en même temps une antibiothérapie efficace.

A noter :

– Chercher le(s) partenaire(s) au cours des 15 jours précédents (l’apparition des premiers symptômes) et les traiter.

– Ne pas oublier de demander le bilan spécial IST.

– La prévention de cette maladie (comme de toutes les autres IST) repose sur l’utilisation systématique d’un préservatif pour tout rapport sexuel.

– Contrôle à J7 après l’initiation du traitement anti-infectieux : en principe, une amélioration considérable de l’ulcère doit être observée.

Le temps de guérison dépend de la taille de l’ulcère (peut prendre jusqu’à 2 semaines). La disparition de la lymphadénopathie peut prendre plus de temps.

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