Les salpingites aiguës, qu’il est préférable de dénommer « infections utéro-annexielles » ou » infections génitales hautes » (IGH) sont des infections viscérales, profondes et graves (100 à 200.000 cas par an en France).
Elles font souvent suite à une infection génitale basse sexuellement transmissible.
C’est une pathologie de la femme jeune qui comporte un risque de séquelles importantes, en premier lieu la stérilité.
En dehors des infections iatrogènes (pyogènes et anaérobies), on trouve C. trachomatis (50 %), le gonocoque (20 %) puis les gram + et -.
Le traitement est essentiellement médical.
Il est débuté en milieu hospitalier s’il s’agit d’une forme grave ou d’une femme jeune ou nullipare.
Ce traitement associe un élément majeur : le repos et une antibiothérapie.
Il doit tenir compte de la difficulté à obtenir la preuve bactériologique de l’infection utéro-annexielle et de l’origine polymicrobienne probable de l’infection.
Le traitement de la salpingite, pour de nombreux auteurs, ne se conçoit qu’après une cœlioscopie qui permet, d’une part, d’authentifier l’affection, d’autre part, d’effectuer des prélèvements bactériologiques.
ARBRE DECISIONNEL
En cas de :
– situation de doute diagnostique,
– terrain, en particulier chez une femme jeune, nulligeste ou désireuse de maternité,
– signes cliniques sévères : fièvre élevée, nausées, vomissements ;
– suspicion d’abcès pelvien,
– échec ou insuffisance d’une antibiothérapie d’épreuve (de 72 h),
⇒ HOSPITALISATION + CŒLIOSCOPIE (affirmer le diagnostic, prélèvements bactériologiques, bilan lésionnel, lavage péritonéal et traitement des complications).
En cas de :
– Femme âgée,
– pas de désir de grossesse,
– pas de réaction péritonéale,
⇒ TRAITEMENT MEDICAL (EN AMBULATOIRE).
Un élément est essentiel : la salpingite ne doit pas être traitée par une monothérapie car il est rare qu’une salpingite soit due à un seul germe et il peut exister des résistances à un antibiotique déterminé.
La durée de l’antibiothérapie doit être prolongée, même si les signes fonctionnels ont rapidement disparu.
1. Infections génitales hautes sévères (malades hospitalisées) :
Ce traitement comporte :
Une bi-antibiothérapie parentérale probabiliste, bactéricide et synergique à bonne diffusion intracellulaire administrée par voie intraveineuse, puis adaptée secondairement à l’antibiogramme.
Il sera prolongé par voie intraveineuse 48 heures après l’apyrexie puis sera relayé par un traitement per os.
1) En première intention :
Il est proposé les associations suivantes par voie parentérale :
– Amoxicilline – acide clavulanique + quinolone,
– Amoxicilline – acide clavulanique + cycline,
– Amoxicilline – acide clavulanique + aminoside + métronidazole (association classique).
Mais aussi :
– Quinolone + doxycycline + métronidazole.
* Détails :
– Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) IV + quinolone (Ofloxacine : OFLOCET ®) IV ou per os,
– Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) IV + cycline (doxycycline : 100 mg 2 fois/j) IV ou per os,
– Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) IV + aminoside (GENTAMYCINE ® 80 mg) IM pendant 8 jours + métronidazole (FLAGYL ® 500 mg) IV pendant 3 jours.
– Quinolone : Ofloxacine (OFLOCET ®) IV + cycline (doxycycline) 100 mg IV ou per os + métronidazole (FLAGYL ®) 500 mg IV.
* Posologies standards :
Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) : 2 à 4 g/jour IV, pendant 5 jours,
Aminoside (GENTAMYCINE ® 80 mg IM) : en 2 inj/j IM, pendant 8 jours,
Métronidazole (FLAGYL ® 500 mg) : 1 flacon, 2 à 3 fois/j en perf. IV lente (en 30 à 60 mn), pendant 3 à 5 jours,
Ciprofloxacine : Ofloxacine (OFLOCET ®) : 200 mg IV toutes les 12 heures,
Quinolone : Ofloxacine (OFLOCET ®) : 200 à 400 mg 2 fois/j per os,
Doxycycline : 200 mg/j per os.
Azithromycine :
– Pathologie sévère : dose de charge de 500 mg per os à J1, suivie à partir de J2 par 250 mg/j.
– Pathologie légère ou modérée : 1 g per os 1 fois par semaine.
2) Puis adaptation du traitement à l’antibiogramme :
– Chlamydia, mycoplasmes ou pas de germe :
. Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) : 1g x 3/j pendant 15 j + quinolone : Ofloxacine (OFLOCET ®) : 200 mg x 2/j pendant 3 semaines, ou bien :
. Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) pendant 15 j + cycline (doxycycline) : 3 à 6 semaines,
– Gonocoque : Céfixime (OROKEN ®) : 200 mg x 2/j pendant 15 j ou Ceftriaxone (ROCEPHINE 500 mg/3,5 ml ®) : 1 injection unique IM de 500 mg,
– Entérobactérie : Amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) : 1 g x3/j pendant 15 j,
– Anaérobie : Métronidazole (FLAGYL cp 500 mg ®) : 500 mg x 3/j pendant 15 j.
2. Infections génitales hautes légères ou modérées (traitement en ambulatoire) :
Une antibiothérapie probabiliste doit être mise en place sans attendre le résultat des examens bactériologiques (pour préserver la fertilité). La voie orale ou intramusculaire à domicile est recommandée.
Le choix des antibiotiques est basé sur deux notions :
– la fréquence du chlamydia et du gonocoque,
– la surinfection habituelle par une flore diverse associant des bactéries Gram + et – et des anaérobies.
Le traitement doit donc comporter obligatoirement une association d’antibiotiques actifs sur l’ensemble de ces bactéries.
La plupart des schémas visent à associer un ou deux antibiotiques à large spectre et un antichlamydien +++ :
1) Association classique :
– L’antibiotique à large spectre : amoxicilline – acide clavulanique (AUGMENTIN ®) : 1 g/125 mg 3 fois/jour (pour 10 à 15 jours),
– L’antichlamydien : il s’agit soit :
. d’une quinolone : ofloxacine (OFLOCET ®) à la dose de 400 mg/j (3 semaines), soit
. d’une cycline : doxycycline (VIBRAMYCINE ®) à la dose de 200 mg/j (6 semaines).
Nb : Dans le traitement ambulatoire des IGH, les fluoroquinolones occupent aujourd’hui une place privilégiée : leur spectre est particulièrement bien adapté à la flore pathogène responsable d’IGH, incluant : C. trachomatis, gonocoque, M. hominis et les entérobactéries. Toutefois, elles doivent être utilisées (comme les cyclines) en association à un antibiotique actif sur les anaérobies et les streptocoques (B et D).
2) Si allergie aux pénicillines :
– céphalosporines 3ème G : ceftriaxone (ROCEPHINE 500 mg/3,5 ml ®) : 500 mg une seule injection IM, associée à :
– un antichlamydien type :
. doxycycline (VIBRAMYCINE ®) (100 mg x 2/j per os), ou
. quinolone : ofloxacine (OFLOCET ®) (400 mg x 2/j per os),
– et au métronidazole (FLAGYL cp 500 mg ®) (500 mg x 2/j per os).
Ce traitement oral est prolongé jusqu’à disparition complète des signes cliniques (douleur, fièvre) et normalisation des signes biologiques (NFS, VS, CRP). Il ne sera pas inférieur à 14 jours.
Les patientes doivent impérativement être revues au bout de 3 jours (72 heures) ; celles qui ne répondent pas à ce traitement par voie orale au bout de ce délai doivent être hospitalisées pour réévaluation, cœlioscopie et traitement par voie parentérale.
Mesures associées :
– Ablation d’un éventuel DIU et envoi en bactériologie pour identification du germe,
– Repos strict au lit,
– Antalgique et antispasmodique, glace sur le ventre,
– En cas de pelvis très douloureux : PRODAFALGAN ® (proparacétamol) : 1 g 3 fois/j, en intraveineux,
– Poursuite d’une contraception orale en cours, sinon prescrire une pilule estroprogestative pour mise au repos des ovaires (durée minimum 3 mois),
– Prévention des troubles induits par l’antibiothérapie (candidoses digestives et vaginales, prévention du risque de photosensibilisation possible, avec en particulier les cyclines),
– Arrêt de travail 1 mois après la sortie,
– Arrêt des rapports sexuels,
– Traitement du partenaire après prélèvement urétral et ECBU,
– Administration d’anti-inflammatoires : dès que l’apyrexie est obtenue (soit 2 à 3 jours après le début d’une antibiothérapie efficace) ; elle limiterait l’inflammation péritonéale (et donc le risque d’adhérences) (discutée) :
. non stéroïdiens (AINS) :
. stéroïdiens (corticothérapie) :
= prednisone (CORTANCYL 5 mg ®) : 2 cp 3 fois/j pendant 5 jours, puis diminution progressive de 5 mg tous les 3 jours.
= prednisolone (SOLUPRED ® 5 mg et 20 mg).
Eliminer une contre-indication générale, surtout digestive ; régime peu salé ; sel de potassium ; pansement gastrique.
Il est obligatoire d’arrêter la corticothérapie avant l’arrêt du traitement antibiotique (durée totale d’utilisation : 2 à 3 semaines).
A la sortie de l’hôpital :
– poursuite du traitement adapté aux germes…
Exemple : Augmentin ® (2 cp matin et soir), Vibramycine N ® (2 cp à 100 mg/j en une prise), Flagyl ® 500 (1 cp 2 fois/j).
– diminution progressive de la corticothérapie prescrite,
– arrêt de travail pour 1 mois,
– préconiser une abstention sexuelle pendant la durée du traitement,
– s’assurer du traitement du partenaire.
3. Prise en charge du (des) partenaire(s) :
Il est indispensable pour la prévention des récidives.
Il faut recommander le dépistage des IST chez le(s) partenaire(s) qui a (ont) eu des rapports sexuels dans les 60 jours, voire dans les 6 mois qui précèdent…
Un consensus s’est fait sur la nécessité de prélever, si possible, le partenaire (ECBU : recherche de chlamydia par PCR +++) et de le traiter systématiquement par un antibiotique efficace sur le gonocoque et C. trachomatis (même en cas de négativité) :
Le traitement sera adapté en fonction de la bactérie en cause :
– pour gonocoque : Ceftriaxone : ROCEPHINE 500 mg/3,5 ml ® [boite unitaire] : 500 mg une seule injection IM,
– pour C. trachomatis : Azithromycine : ZITHROMAX MONODOSE ® [gélule à 250 mg : boite de 4] : prendre les 4 gélules en une seule fois, à distance des repas.
Dans le cas où le partenaire aurait eu des signes cliniques d’urétrite, il est recommandé de rechercher une prostatite associée par l’examen clinique et l’échographie avec sonde rectale.
En cas de prostatite ou d’épididymite, un traitement prolongé utilisant des antibiotiques à bonne pénétration prostatique est indiqué.
Ne pas oublier l’éducation en matière d’IST et de recommander l’usage de préservatifs pour les rapports sexuels.
4. Traitement chirurgical :
1) Percœlioscopique :
Rôle important, surtout dans les formes graves, abcédées des infections génitales hautes (IGH).
– formes peu sévères : adhésiolyse, mise en place d’antibiotiques locaux (pour diminuer les séquelles),
– formes sévères (pyosalpinx, abcès tubo-ovarien, abcès du Douglas), lorsqu’elle est techniquement réalisable, la cœlioscopie permet un véritable sauvetage tubaire : adhésiolyse, ponction-aspiration des abcès, lavage des zones abcédées, mise en place d’antibiotiques.
Les études font apparaître une différence notable entre les abcès récents dans lesquels le traitement cœlioscopique peut réellement détruire toutes les adhérences friables et les fausses membranes (excellent pronostic), et les abcès anciens, dans lesquels le traitement ne peut qu’évacuer le pus, sans traiter les adhérences anciennes, déjà organisées.
2) Traitement chirurgical classique :
– Indications :
. péritonite généralisée (d’emblée ou par rupture d’un abcès pelvien),
. apparition d’une collection suppurée pelvienne (pyosalpinx, abcès tubo-ovarien) où la réalisation d’un traitement percœlioscopique est impossible, et où le traitement antibiotique ne montre pas rapidement d’efficacité.
La laparotomie doit être exceptionnelle : elle peut être une simple intervention de nettoyage (analogue à la cœlioscopie) ou être mutilante : annexectomie totale ou partielle.
– Règles chirurgicales à respecter :
. réanimation énergique en pré et post-opératoire,
. incision médiane,
. prélèvements intra-abdominaux,
. on s’efforcera d’être le plus conservateur possible, d’autant qu’il s’agira de femmes jeunes et paucipares ; surtout on insistera sur la nécessité de conserver le maximum de parenchyme ovarien pour d’une part garder une activité endocrinienne convenable, d’autre part permettre une éventuelle FIV,
. nettoyage parfait du pelvis et de la grande cavité abdominale avec mise en place de solutions antibiotiques ou anti-inflammatoires,
. système de lavage continu par 2 drains si nécessaire,
. surveillance post-opératoire clinique et biologique stricte.
5. Suivi de l’évolution :
1) Eléments du suivi :
Le médecin traitant habituel de la patiente, généraliste ou gynécologue, joue un rôle primordial dans cette surveillance qui doit avoir lieu chaque semaine pendant le 1er mois puis, selon l’état, toutes les 2 à 4 semaines pendant les 2 mois suivants.
L’efficacité du traitement médical est appréciée sur des critères cliniques (chute de la température, disparition des douleurs, régression clinique des signes utéro-annexiels) et biologiques (retour à la normale de la FNS, VS et CRP).
En cas d’infection à C. trachomatis, la sérologie n’a aucune valeur de surveillance évolutive car les anticorps peuvent persister à un taux élevé pendant plusieurs mois.
En l’absence d’amélioration constatée après 3 à 4 jours de traitement, l’indication d’une cœlioscopie doit être posée.
2) Critères de guérison :
– Les critères cliniques : la disparition de la fièvre, des douleurs spontanées et provoquées… est nécessaire mais insuffisante car une infection silencieuse peut continuer après guérison de la salpingite aiguë.
– Les critères biologiques ont de la valeur : retour à la normale de la NFS si elle était perturbée, de la VS, de la CRP (plus précoce que celui de la VS).
En cas d’infection chlamydienne, des travaux récents attachent de l’importance à la diminution des IgA et à la disparition des IgM si elles étaient positives.
En fait, les deux seuls critères de guérison sont la cœlioscopie de contrôle avec prélèvements bactériologiques et histologiques négatifs et surtout la survenue d’une grossesse, chez les patientes désirant procréer.
3) Indications de la cœlioscopie de « contrôle » :
La cœlioscopie de « contrôle » se justifie chez la patiente nullipare ou désireuse de grossesse ultérieure et chez la patiente chez qui persistent douleurs résiduelles ou signes inflammatoires.
Si la guérison clinique parait obtenue, il est indiqué de la réaliser 3 à 6 mois après l’épisode initial.
Elle a plusieurs intérêts :
– évaluer les séquelles, en particulier tubaires de ces infections,
– pratiquer des prélèvements multiples tubo-péritonéaux (histologiques et bactériologiques) afin de vérifier la disparition de l’infection et dépister une éventuelle salpingite chronique évoluant à bas bruit.
Au total : Seule l’observation stricte de tous ces principes du traitement peut permettre une guérison avec des séquelles à minima évitant ainsi le redoutable passage à la chronicité.