L’amniocentèse est un prélèvement de liquide amniotique par ponction transabdominale transutérine, dont la but est d’en étudier les différents composantes.

Sa réalisation, hasardeuse jusque dans les années 1970, a été révolutionnée par l’apparition de l’échographie, permettant un acte simple, rapide, précis, au taux très faible de complications.

Son indication principale reste l’établissement du caryotype fœtal pour dépister une aberration chromosomique.

Le diagnostic anténatal subit actuellement un essor exceptionnel et son champ d’application s’élargit.

Mais il est très probable que l’amniocentèse précoce sera détrônée prochainement dans bien des cas par le prélèvement de villosités choriales, permettant un diagnostic à des termes plus variés et avec un délai de résultat plus court.

Actuellement, la relative innocuité de ce geste repose sur des conditions strictes de prélèvement (asepsie chirurgicale).

1. Principe :

L’amniocentèse précoce (et programmée) est effectuée avant 20 SA.

Elle permet une approche du fœtus à partir de l’étude du LA et plus précisément de ses 2 composants : les cellules amniotiques (étude du caryotype, de l’ADN) et le surnageant (α-FP, acétylcholinestérase, phosphatases alcalines).

La conséquence de ce geste est le plus souvent heureusement de préserver une grossesse désirée et de permettre à une femme de terminer dans la joie une grossesse débutée dans l’angoisse.

Mais quelques fois, l’interruption de grossesse est la conséquence de cet examen.

Cette situation délicate a pour conséquence que le diagnostic anténatal ne peut être qu’un travail d’équipe, réunissant obstétriciens, généticiens et biologistes.

2. Date de l’examen :

Elle repose nécessairement sur un terme précis, établi obligatoirement par une échographie de datage, effectuée après 11 à 12 SA (qui permet une précision du terme par l’association longueur crânio-caudale + bipariétal ± longueur fémorale) et une localisation du trophoblaste, futur placenta.

 – Pour sa principale indication (l’étude du caryotype), le terme idéal se situe entre 16 et 19 SA ; la 17ème SA représentant la période idéale, où la culture cellulaire subit le moins d’échecs, est la date retenue de principe.

Certes, on a largement dépassé le terme pour une évacuation utérine par aspiration si l’on découvre une anomalie fœtale grave. Mais :

. la période de plus grand risque d’avortement spontané est passée,

. les cellules vivantes provenant du fœtus ou de l’amnios sont assez nombreuses pour permettre une culture,

. le geste est techniquement facilité car : l’œuf occupe toute la cavité utérine, le liquide amniotique est en quantité suffisante (≈ 100 à 280 ml), l’utérus est bien dégagé du pelvis, le risque de blessure du fœtus et du cordon est réduit car le liquide est abondant.

– Il peut être indiqué de réaliser la ponction plus tard : 18ème semaine pour le diagnostic de la mucoviscidose (critère impératif : bipariétal > 40 mm) ; 20 à 21ème semaine pour certaines maladies métaboliques.

Enfin, dans le cas particulier de l’hyperplasie congénitale des surrénales, elle est effectuée vers 11 SA pour doser la 17-hydroxyprogestérone.

3. Précautions préliminaires :

Comme pour tout geste prénatal, l’indication d’une amniocentèse est discutée au sein d’une équipe. Elle est retenue après concertation entre l’obstétricien, le généticien et le biologiste. Elle nécessite auparavant une consultation de conseil génétique afin :

– d’évaluer le risque précis de survenue de l’affection recherchée, pour l’enfant à naître,

– d’informer le couple sur les risques de la procédure, les contraintes, les limites des moyens diagnostiques…

4. Contre-indications :

Il n’y en a pas, hormis le cas où la connaissance du diagnostic n’aboutirait à aucune démarche particulière, du fait de la volonté du couple. L’examen serait alors inutile.

5. Protocole technique : Cf chapitre spécial

6. Indications :

1) Recherche d’anomalies chromosomiques :

Détermination du caryotype par culture des cellules fœtales (délai minimum : 15 jours) ; elle repose sur des arguments épidémiologiques :

– L’âge maternel ≥ 38 ans (et surtout > 40 ans) car le risque d’aberration chromosomique augmente avec l’âge. En effet, si certaines aberrations chromosomiques sont incompatibles avec la vie (trisomie 13, 18), d’autres au contraire sont viables comme la trisomie 21, où l’effet de l’âge maternel est particulièrement net.

– Anomalies chromosomiques parentales (les couples dont un des membres est porteur d’une anomalie de structure chromosomique) (un couple sur 300),

– Antécédent d’anomalie chromosomique dans la fratrie (les mères ayant déjà eu un enfant trisomique : si le risque de récurrence est faible (1 %), l’angoisse familiale est si forte qu’il faut pouvoir dédramatiser la situation),

– Signes d’appels échographiques : anomalies morphologiques du fœtus (nuque au 1er trimestreRCIU précoce, dilatation pyélique au 2ème trimestre…).

A ces indications absolues, on pourrait peut-être ajouter des indications relatives : ABRTS spontanés précoces à répétition, métrorragies précoces avec taux hormonal anormalement bas, et plus encore sans doute les deux à la fois.

– Plus récemment dans le cadre du dépistage, par dosage préliminaire des ß-HCG plasmatiques.

2) Recherche de maladies génétiques (sur cellules fœtales) :

– Dans le cadre des maladies récessives liées à l’X (hémophilie, myopathie de Duchenne de Boulogne…) : son utilité diminue nettement puisqu’elle est remplacée par la biopsie de villosités choriales. Son intérêt persiste éventuellement pour un diagnostic tardif.

– De même, l’amniocentèse reste un recours possible, chaque fois que le diagnostic anténatal d’une affection héréditaire est possible par étude de l’ADN et que la biopsie de trophoblaste n’a pas pu être pratiquée ; l’ADN est alors extrait des amniocytes.

Exemples de mutations génétiques recherchées : mucoviscidoseachondroplasie.

3) Maladies métaboliques :

Pour la plupart des maladies métaboliques dépistables in utero, c’est la ponction de villosités choriales qui prévaut maintenant. Elle permet soit la recherche directe d’une anomalie métabolique, soit parfois un diagnostic génotypique par étude de l’ADN par les procédés de biologie moléculaire.

Cependant, l’amniocentèse garde encore un intérêt pour un diagnostic tardif, notamment chaque fois que l’anomalie métabolique peut être mise en évidence sur les amniocytes, ce qui nécessite dans tous les cas une quantité suffisante de cellules.

4) Etude du surnageant (analyses biochimiques) :

Elle reste entièrement du domaine de l’amniocentèse ; plusieurs substances peuvent en effet être recherchées, dosées ou analysées dans le liquide amniotique :

– alphafœtoprotéine et acétylcholinestérase, en cas de malformation ouverte du tube neural.

Il existe une augmentation très importante de l’α-FP dans le sérum maternel et dans le LA en cas d’anomalie de fermeture du tube neural : anencéphaliespina bifida (à condition qu’il s’agisse d’un myéloméningocèle non épidermisé).

Intérêt du dosage de l’α-FP amniotique : vérifier que la mère, après la naissance d’un premier cas d’enfant atteint de spina bifida (ou d’anencéphalie) n’attend pas un 2ème enfant atteint ; il faut rappeler ici que l’anencéphalie a comme mode de récurrence non seulement l’anencéphalie, mais aussi le spina bifida.

Pour certains, un dosage élevé de l’acétylcholinestérase dans le LA serait le témoin du spina bifida.

– enzymes digestives dans le cadre de la mucoviscidose,

– 17 OH-progestérone et testostérone pour l’hyperplasie congénitale des surrénales,

– glycosaminoglycanes dans les mucopolysaccharidoses (électrophorèse),

– acides organiques dans certaines acido-aminopathies (chromatographie),

– enfin, de nombreuses substances, dont la liste exhaustive ne peut être rapporté ici, peuvent être étudiées pour le diagnostic d’une grande variété de maladies héréditaires du métabolisme.

5) Analyses parasitologiques ou virales :

Recherche de toxoplasme (PCR + cultures), de cytomégalovirus (PCR + cultures)…

7. Résultats :

Les résultats sont obtenus :

– en 2 à 5 semaines, pour une étude sur cellules fœtales cultivées (moyenne 3 semaines pour un caryotype, souvent 5 semaines minimum pour les maladies métaboliques).

Les échecs de culture (insuffisance de multiplication des cellules prélevées) sont exceptionnels (≈ 0,5 %) inhérents à des aléas incontrôlables, l’insuffisance quantitative des prélèvements, un délai trop important avant la mise en culture, un prélèvement trop éloigné de la date idéale (avant 16 SA ou au contraire après 20 SA) ou une ponction sanglante. On ne peut donc pas étudier le caryotype.

– Beaucoup plus rapidement pour une étude sur le surnageant puisqu’ils sont disponibles en 24 à 48 heures.

8. Conclusion :

L’amniocentèse se révèle être un geste capital dans ce grand domaine en pleine expansion qu’est la médecine du fœtus. 

En aucun cas ce geste, potentiellement à risque, ne doit être imposé à la patiente. Il doit être discuté dans le cadre de l’équipe soignante, exposé et proposé à une patiente parfaitement informée des avantages et inconvénients qu’elle doit en attendre.

En fait, la ponction de villosités choriales tend à supplanter l’amniocentèse dans de nombreux domaines, tout particulièrement pour le diagnostic des maladies passant par l’étude de l’ADN ou le dosage des activités métaboliques, et ceci avec un risque qui devrait approcher celui, très faible, de l’amniocentèse.

Mais, l’amniocentèse garde encore sa place, surtout quand il s’agit du dépistage d’une affection à faible risque et que l’équipe n’a pas la pratique ou une habitude parfaite des autres techniques.

Elle reste enfin la seule méthode pour l’étude du surnageant.

En France, la prise en charge de l’examen de laboratoire est assurée par la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) dans le cadre des indications retenues par la convention régulièrement renouvelée entre la CNAM et les Centres de Diagnostic Anténatal. Ceci fait souligner la nécessité impérative d’une consultation de génétique avant de poser l’indication d’une amniocentèse.

Dans les autres cas, elle sera à la charge du couple.

Par contre, le prélèvement lui-même et l’échographie sont soumis à un remboursement par la Sécurité Sociale, comme tous les actes médicaux cotés à la nomenclature.

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