L’hématome rétro-placentaire (HRP) est une URGENCE OBSTETRICALE nécessitant 2 conduites simultanées :

– Réanimation : restauration des pertes sanguines et assurer l’hémostase ;

– Evacuation utérine rapide : base du traitement obstétrical ; elle est nécessaire pour obtenir l’arrêt du saignement et éviter les complications.

Le mode d’évacuation de l’utérus sera déterminé en fonction de l’état maternel et de l’âge gestationnel du fœtus.

1. Traitement curatif : 

1) Traitement médical en urgence :

Le traitement est mis en œuvre en urgence, en salle de travail chez une patiente préparée.

a) Restaurer les pertes sanguines :

– mise en place de 2 cathéters veineux avec apport de macromolécules puis de sang frais,

– si possible, un cathéter de mesure de la PVC (pour les cas graves) : indispensable quand les quantités passées sont > 3 l ou quand la diurèse reste très basse,

– oxygénothérapie,

– sonde urinaire avec mesure de la diurèse horaire.

Le bilan sanguin initial comporte un groupage, une hématocrite et un bilan de la crase sanguine.

La patiente est déchoquée à l’aide de solutés de remplissage et surtout de sang frais ; actuellement on utilise essentiellement des concentrés globulaires.

Le remplissage sera fondé sur le choc et l’hématocrite plutôt que sur l’hémorragie extériorisée, le contrôle de la pression veineuse centrale permettant d’éviter les surcharges.

b) Assurer l’hémostase :

Lors du 1er bilan d’hémostase, une CIVD est souvent mise en évidence.

– En dehors du traitement obstétrical, la défibrination peut être traitée à l’aide de :

. sang frais riche en facteurs de la coagulation,

. plasma frais congelé,

. concentrés plaquettaires,

. fibrinogène en perfusion lente.

– Traitements adjuvants :

. héparinothérapie à faible dose : CIVD (en raison de son danger, il s’agit d’une thérapeutique peu utilisée dans ces cas d’urgence mais plutôt dans les suites),

. antifibrinolytiques : iniprol ® : dans les fibrinolyses primitives.

– L’évaluation des troubles de l’hémostase sera faite d’heure en heure.

. Sont considérés comme particulièrement graves des taux de fibrinogène < 1 gr, et une thrombopénie < 50.000.

. Dans de tels cas, il n’est pas possible d’envisager des interventions chirurgicales ou obstétricales sans faire courir de gros risques à la mère.

. Il est donc capital de compenser ces troubles avant tout geste.

2) Traitement obstétrical :

Il débute chez une patiente déchoquée, après correction des troubles de la crase.

a) Evacuation utérine : impérative et urgente :

● Enfant mort :

– L’évacuation se fera par voie naturelle, toujours aidée par une rupture précoce des membranes (le travail s’effectue alors rapidement spontanément).

– Si la dynamique est insuffisante, la prescription d’ocytociques est justifiée.

– Le risque de rupture utérine est relativement important dans l’évolution spontanée de l’HRP, et il est augmenté par une perfusion inadéquate d’ocytociques.

– Césarienne sur enfant mort : son indication exceptionnelle est le SAUVETAGE MATERNEL devant une évolution rapidement défavorable : stagnation de la dilatation, aggravation de l’hémorragie… avant que ne s’aggravent les troubles de l’hémostase qui compliqueraient gravement l’intervention et les suites opératoires.

Ne pas oublier la prévention Rh (dose d’anti-D calculée à partir des tests de Kleihauer).

● Enfant vivant :

Le but est alors de terminer l’accouchement le plus RAPIDEMENT possible.

Suivant le degré d’avancement du travail, ce sera le plus souvent par césarienne, parfois par voie basse après perfusion d’ocytociques.

La césarienne s’impose rapidement si le fœtus est vivant, de viabilité certaine et si l’accouchement n’est pas imminent.

La césarienne sera pratiquée sous anesthésie générale (contre-indication à la péridurale du fait du risque de troubles de la coagulation).

Si l’accouchement par voie basse se produit, on pratique, sans attendre, une délivrance artificielle et une révision utérine sous ocytociques, ainsi qu’un examen minutieux du vagin sous valves et la réfection parfaite d’une éventuelle épisiotomie. C’est en effet au moment de la délivrance que risque d’apparaître brutalement une décompensation hémodynamique faisant basculer la situation.

b) Abstention obstétricale :

Elle ne se conçoit que dans les formes légères ou muettes (échographiques), non évolutives à un terme éloigné de la maturité, ou en cas d’enfant de poids présumé < 1000 gr ⇒ surveillance clinique, biologique et échographique en attendant la maturité.

c) Révision utérine :

La révision utérine est systématique, de même que l’utilisation d’ocytociques (prévenant l’atonie utérine).

d) Hystérectomie d’hémostase :

Ses indications ont devenues exceptionnelles.

Elle est pratiquée d’emblée après l’évacuation utérine en cas de persistance d’une hémorragie utérine incontrôlable médicalement, plus rarement devant une apoplexie utérine (le myomètre, malgré son aspect souvent alarmant, récupère mieux qu’on ne le pense)…

e) Suites de couches :

Dans les suites de couches, il faudra toujours :

– surveiller la fonction rénale, l’hémogramme et la coagulation,

– prescrire une antibiothérapie du fait du haut risque infectieux de ces patientes, de même qu’un traitement anticoagulant (prévention des complications thrombo-emboliques).

f) Pronostic :

Le pronostic de l’HRP reste mauvais :

– la mortalité fœtale est de 30 à 60 % ;

– la mortalité maternelle atteint 1 % du fait des complications liées aux coagulopathies de consommation, aux nécroses ischémiques, en particulier rénales.

2. Traitement préventif :

Sa place est relativement restreinte car la majorité des HRP est imprévisible.

La récidive est estimée entre 6 et 10 % ⇒ nécessité d’une surveillance intensive.

En cas de risque d’HRP (antécédent d’HRP ou HTA gravidique), il est nécessaire de pratiquer :  

● un bilan initial dès le 1er trimestre :

– surveillance tensionnelle régulière,

– bilan biologique.

● un TRT médical :

– de l’HTA (si elle existe) ;

 antiagrégant plaquettaire (aspirine) : Aspégic ® 150 mg/jour ; cette prescription est efficace si elle est prescrite dès le premier trimestre : à partir de 12 SA et jusqu’à environ 37 SA ;

● une surveillance :

– fœtale au Doppler utérin, dès le 2ème trimestre ; en effet, la découverte d’un index de résistance élevé sur une artère utérine ou la persistance d’une incisure protodiastolique “Notch”  +++, doit faire craindre l’éventualité d’un accident d’HRP (et faire envisager une surveillance accrue) ; cette surveillance fœtale sera intensive dès 32 SA ;

– maternelle intensive au 3ème trimestre avec détermination uni ou bi-hebdomadaire des paramètres prédictifs : NFS, urée, créatinine, uricémie, plaquettes, fibrinogène, PDF.

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