Les malformations utérines sont relativement fréquentes puisqu’elles concernent 3 – 4 % des femmes. Heureusement, beaucoup d’entre elles sont asymptomatiques.

Il est important d’évoquer ce diagnostic chez toute patiente présentant une notion de fausses couches à répétition, de fausses couches tardives ou d’accouchement prématuré, chez l’adolescente qui consulte pour une aménorrhée primaire ou une dysménorrhée et chez les patientes qui présentent une dyspareunie ou une stérilité.

Les malformations utérines sont davantage incriminées dans les avortements du 1er ou du 2ème trimestre ou dans les accouchements prématurés que dans la stérilité. 

La classification la plus utilisée en Europe reste la classification morphologique de Musset (1964).

Le problème posé par ces pathologies est donc principalement le pronostic obstétrical qui est classiquement peu modifié dans les hémi­-utérus, mais est réputé mauvais dans les utérus cloisonnés.


Les différentes techniques utilisées dans le bilan de malformations utérines sont l’échographie en 2D ou 3D, l’hystérosonographie, l’hystérosalpingographie, l’IRM, l’hystéroscopie et la laparoscopie. 

Ces différentes techniques peuvent être combinées entre elles.

L’échographie 3D et l’IRM sont actuellement les techniques montrant les meilleurs résultats en termes de sensibilité et spécificité.

ORGANOGENESE :

 

Dès la 7ème semaine du développement, les voies génitales féminines se différencient : en l’absence d’hormone anti-müllérienne, les canaux de Wolff régressent et les canaux de Müller vont se développer.

Ce développement comporte trois phases :

– la migration des canaux de Müller vers le sinus urogénital (6ème à 9ème semaine),

– l’accolement du tiers inférieur des canaux de Müller formant la cavité utérine et les deux tiers supérieurs du vagin (9ème à 13ème semaine),

– la résorption de la cloison inter-müllérienne (13ème à 18ème semaine).

 

La plupart des malformations utérines peuvent être expliquées par un défaut ou un arrêt du développement lors de ces trois phases :

– l’absence de migration ou la migration caudale incomplète des canaux de Müller vers le sinus urogénital sera responsable d’atrésies et/ou d’aplasies utérines complètes ou non,

– un défaut de fusion des canaux de Müller conduit à une duplication utérine (utérus didelphe, utérus bicorne),

– un défaut de résorption de la cloison inter-müllérienne conduit à un utérus cloisonné.

 

Autres points importants :

– Les deux tiers supérieurs du vagin ayant la même origine embryologique que l’utérus, les malformations utérines sont souvent associées à des malformations vaginales hautes.

– Un élément relativement constant est l’association d’anomalies de l’appareil génital et du système urinaire, l’embryogenèse de ces deux systèmes étant intimement liée.

– Le développement des ovaires n’étant pas lié à celui des canaux de Müller, la morphologie et la fonction ovarienne sont généralement normales lors de malformations utéro-vaginales.

– Les malformations utérines ne sont pas associées à une anomalie des chromosomes ou à des anomalies de la différenciation sexuelle.

CLASSIFICATION (PLAN) :

 

1) Aplasies utérines :  

– Aplasies bilatérales des canaux de Müller : 

. complète de l’utérus,
. partielle de l’utérus (syndrome de Rokitansky-Kuster-Hauser).

– Aplasies unilatérales des canaux de Müller :

. complète (utérus unicorne vrai),
. incomplète (utérus pseudo-unicorne (ou utérus unicorne avec utérus rudimentaire controlatéral)).

 

2) Utérus bicornes (ou hémi-matrices) : 

– utérus bicorne bicervical :

. avec rétention menstruelle unilatérale,
. avec vagin et col utérin perméables.

– Utérus bicorne unicervical :

. parfait (ou complet) : composé d’un col unique, un isthme divisé en deux et deux corps utérins fusiformes distincts,

. simple (ou partiel) : composé d’un col unique, un isthme unique et deux cornes divergentes,

. à cornes inégales : il existe une asymétrie nette des deux cornes, 

. utérus à fond échancré (utérus cordiforme).

 

3) Utérus cloisonnés :  

– total,
– sub-total,
– corporéal.

 

4) Autres malformations utérines :

– Utérus communicants,
– Hypoplasie utérine,
– Filles du DES (diéthylstilboestrol ou Distilbène).

1. Famille des aplasies utérines :

Elle représente 12 % du total des malformations utérines.

Elle est la conséquence d’une agénésie d’un ou des deux canaux de Müller, et se produit entre la 6ème et la 9ème semaine de la période embryonnaire. 

On distingue les aplasies bilatérales et les aplasies unilatérales :

1) Aplasie utérine bilatérale :

a) Complète :

Elle est incompatible avec la vie car elle est associée à une agénésie rénale.

b) Incomplète :

Elle réalise le syndrome de Rokitansky-Küster-Hauser. Les cornes utérines sont représentées par deux nodules pleins et réunis entre eux par un repli péritonéal.

2) Aplasie utérine unilatérale :

a) Complète (utérus unicorne vrai) :

Elle est le plus souvent asymptomatique. Elle est rare (3 à 5 % des malformations utérines).

– un seule corne utérine est développée, et elle est franchement latéro-déviée,

– il n’existe qu’une seule trompe et un seul ligament rond reliés à l’utérus unicorne,

– un seul cul-de-sac vaginal bien développé, du coté de la corne unique,

– du côté controlatéral se trouve dans la plupart des cas un ovaire normal, parfois accompagné par quelques franges de pavillon,

– l’aplasie rénale et l’ectopie rénale du coté aplasique utérin sont fréquentes.

L’échographie, outre l’anomalie rénale, montre un utérus latéralisé avec un isthme dévié.

Le diagnostic n’est pas toujours évident et nécessite souvent une IRM ou une hystérographie et une cœlioscopie.

Cette anomalie augmente le taux de fausses couches spontanées et d’accouchements prématurés.

b) Incomplète (utérus pseudo-unicorne (avec corne rudimentaire controlatérale)) :

Dans ce cas, on décrit :

– une corne bien développée (présence d’une trompe, un ligament rond, un hémi-utérus formé d’un corps utérin, un isthme et un col utérin),

– une corne rudimentaire :

. son développement est variable,

. il est parfois plein, parfois creusé d’une petite cavité tapissée de muqueuse, communiquant ou pas avec la demi-cavité bien développée,

. l’opacification par hystérographie ne permet pas de franchir le conduit de communication, contrairement à l’utérus bicorne unicervical à cornes inégales,

. Il n’existe jamais d’hématométrie dans ces cornes rudimentaires, car selon le principe de Musset : même en présence de l’endomètre, l’isthme est indispensable pour l’établissement des règles. 

Nb : En cas de corne fonctionnelle, une grossesse ectopique peut se développer dans la corne rudimentaire par migration transpéritonéale de spermatozoïdes (1 sur 150.000 grossesses). Le risque majeur et fréquent (9 fois sur 10) est la rupture utérine au cours du 2° trimestre de la grossesse. Le diagnostic peut être évoqué devant l’absence de continuité entre la cavité utérine gravide et le canal cervical et en coupe transversale par la présence d’une masse distincte correspondant à l’hémi-utérus normal.

2. Famille des utérus bicornes (ou hémi-matrices) :

Elle correspond à un défaut plus ou moins complet de fusion des canaux de Müller qui se produit entre la 9ème et la 13ème semaine du développement embryonnaire.

Les utérus bicornes représentent 40 % du total des malformations utérines. Il existe deux variétés : 

1) Utérus bicorne bicervical :

L’utérus bicorne bicervical peut présenter ou non une cloison vaginale. Lorsque celle-ci est présente, elle peut être responsable de la fermeture d’une des cavités vaginales (utérus bicorne bicervical avec hémivagin borgne). Seule cette dernière présente une symptomatologie : douleurs pelviennes, plus ou moins permanentes, à renforcement cyclique. 

a) Avec hémi-vagin borgne (et rétention menstruelle unilatérale) :

Il résulte de l’abouchement d’un des deux cols dans un hémi-vagin borgne.

Le tableau est celui d’une dysménorrhée primaire chez une jeune fille, accompagnée bientôt de douleurs permanentes avec recrudescence cyclique et développement d’une tumeur pelvi-abdominale cyclique. 

L’échographie montre la nature liquidienne hétérogène de la poche rétentionnelle avec au-dessus une formation utérine. Il n’y a en général pas de rein de ce côté, ce que confirme l’échographie (ou l’IRM).

Un traitement chirurgical s’impose, soit conservateur (ouverture du vagin borgne), soit radical (hémi-hystérectomie avec résection de la poche vaginale).

b) Avec vagin perméable (cloisonné ou non) :

L’utérus est fréquemment abouché dans un vagin cloisonné longitudinalement (deux hémi-vagin perméables).

Il se caractérise par la présence de :

– deux demi-cols

– de deux demi-isthmes, et de 

– deux demi-corps utérins indépendants. 

Les deux hémi-utérus indépendants sont habituellement accolés au niveau de leur col, mais peuvent exceptionnellement être éloignés l’un de l’autre (utérus didelphe). 

Les deux hémi-utérus peuvent être de taille égale ou différente. 

Un ligament vésico-rectal sépare souvent les deux hémi-utérus (intérêt chirurgical).

Asymptomatique, l’utérus bicorne bicervical est diagnostiqué par l’échographie qui montre deux masses utérines distinctes séparées par un sillon particulièrement net à vessie pleine.

La face postérieure de la vessie s’immisce entre les deux masses utérines (signe du coin vésical ou “V” vésical). Cela sera éventuellement confirmé par la cœlioscopie.

On ne proposera pas d’intervention sur les utérus pour les réunir (opération de Strassman), car elle n’apporte pas de bénéfice en termes de fertilité.

Le taux de grossesses et de complications obstétricales est identique aux utérus unicornes.

3) Utérus bicorne unicervical :

C’est la malformation la plus fréquente dans la famille des hémi-matrices.

Il correspond à la persistance partielle et haute de la dualité des canaux de Müller fusionnés à la partie basse de l’utérus.

On peut distinguer quatre types :

– utérus bicorne unicervical parfait (ou complet) : composé d’un col unique, un isthme divisé en deux et deux corps utérins fusiformes distincts, divergents et souvent séparés par un ligament vésico-rectal,

– utérus bicorne unicervical simple (ou partiel) : composé d’un col unique, un isthme unique et deux cornes divergentes,

– utérus bicorne unicervical à cornes inégales : il existe une asymétrie nette des deux cornes ; à la différence de l’utérus pseudo-unicorne, le conduit unissant les deux hémi-cavités est toujours perméable et permet la migration des spermatozoïdes et la fécondation,

– utérus à fond échancré (utérus cordiforme) : forme mineure des utérus bicornes unicervicaux, marqué par la présence d’un sillon médian bien visible au niveau du fond utérin ; généralement sans valeur pathologique. 

Dans 25 % des cas, il existe une aplasie rénale unilatérale.

3. Famille des utérus cloisonnés +++ :

Elle est la plus fréquente des malformations utérines (50 % des cas).

Elle est liée à un défaut de résorption plus ou moins complète de la cloison d’accolement des canaux de Müller entre la 13ème  et la 18ème semaine de la vie intra-utérine (donc jamais d’anomalie rénale associée).

En effet, l’absence de résorption de la zone d’accolement des canaux de Müller conduit à la persistance d’une cloison ou d’un septum fibreux sagittal médian au sein de la cavité utérine.

Cette cloison est de hauteur variable pouvant intéresser le col ou être limitée à la cavité utérine.

Les deux reins sont toujours présents.

La cloison peut être totale, subtotale ou corporéale.

On distingue donc :

1) Utérus cloisonné total (du fond utérin au vagin avec deux hémi-col) :

Il correspond à l’absence complète de résorption de la cloison d’accolement sur toute la hauteur de l’organe. 

L’aspect extérieur est normal ou presque (légère encoche visible sur le fond utérin). 

La cloison sépare complètement l’utérus en deux demi-cavités : elle s’étend sur le corps utérin, l’isthme et le canal cervical et elle peut :

– soit s’arrêter au niveau de l’endocol, 

– soit se prolonger par une cloison vaginale longitudinale. 

Le col est unique (mais cloisonné) : il présente deux orifices séparés par une cloison fibreuse assez mince, ce qui est différent de l’aspect de l’utérus bicorne bicervical. 

La cloison, constituée par du tissu musculo-conjonctif, est toujours faiblement vascularisée, et est tapissée de muqueuse sur ses deux faces. Elles peut être perforée au niveau de l’isthme.

2) Utérus cloisonné subtotal (du fond utérin à l’orifice interne du col) :

La cloison s’étend sur le corps utérin, l’isthme et épargne le canal cervical.

3) Utérus cloisonné corporéal (cloisonnement limité au corps utérin) :

La cloison est limitée à la cavité du corps utérin, de longueur variable mais il n’atteint pas l’isthme utérin.

Il existe une seule masse utérine ; la cloison est visualisée sous la forme d’une zone peu échogène, séparant les deux hémi-cavités très échogènes (image en masque de carnaval).

On peut mesurer l’épaisseur de la cloison et sa longueur.

4) Utérus à fond arqué (utérus arcuatus) : une forme mineure d’utérus cloisonné.

L’utérus cloisonné s’accompagne d’un risque élevé de fausse couche, qui survient en cas d’implantation du trophoblaste à proximité ou au contact du septum faiblement vascularisé.

Faut-il les opérer ? Il était classique d’attendre deux ou trois fausses couches avant d’intervenir. Actuellement on propose l’intervention de principe pour éviter les accouchements prématurés, les présentations anormales, ceci d’autant plus que les interventions se font par hystéroscopie ou sous échoguidage au lieu de l’intervention à ventre ouvert de Bret-Palmer.

Après résection endoscopique, on peut espérer 80 % de naissances et seulement 10 % de fausses couches.

4. Autres formes de malformations utérines :

1) Famille des utérus communicants :

Elle est la plus rare et est liée à une anomalie complexe survenant vers la 12ème semaine lors de la coexistence des phases d’accolement des canaux de Müller et de la résorption de la cloison. 

Ce sont des utérus comportant deux hémi-cavités avec une communication qui se fait toujours au niveau de l’isthme. 

Les deux demi-cavités peuvent appartenir à : 

– un utérus bicorne bicervical corporéal communicant (avec ou sans hémi-vagin borgne). L’échographie ou l’IRM montre deux utérus distincts mais la communication isthmique est très difficile à visualiser. Le diagnostic est avant tout hystérographique avec aspect en “X” caractéristique.

– utérus cloisonné total communicant, l’échographie ne montrant qu’une seule masse utérine.

2) Hypoplasies utérines :

Elles sont caractérisées par la petitesse de l’utérus, constatée chez les femmes en période d’activité génitale et diagnostiquée à l’occasion de l’exploration d’une stérilité ou d’avortements à répétition.

Ces anomalies utérines sont la conséquence d’une insuffisance de développement global des ébauches Müllériennes. 

Il s’agit donc d’un petit utérus dont : 

– l’hystérométrie est inférieure à 70 mm,

– et la distance entre les deux cornes utérines, sur l’hystérographie, est inférieure à 40 mm, 

– possibilité d’inversion du rapport col-corps. 

La capacité utérine est réduite à moins de 3 cc. 

3) Anomalies utérines dues au DES (diéthylstilbestrol : Distilbène ®) ou utérus “DES like :

Cette hormone synthétique a été utilisée entre les années 1950 et 1977 pour prévenir les avortements spontanés du premier trimestre.

Elle peut être responsable d’anomalies morphologiques de la cavité utérine responsables d’hypofertilité, d’avortements spontanés précoces ou tardifs. 

Le risque d’adénocarcinome à cellules claires du vagin et du col est nettement augmenté. 

Il n’y a jamais de malformation urinaire associée.

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