1. Introduction :
La réserve ovarienne désigne le stock de follicules primordiaux présents dans les ovaires d’une femme à un moment donné, reflétant son potentiel reproductif.
Il s’agit d’un concept crucial en médecine de la reproduction, car elle reflète la capacité reproductive d’une femme et sa réponse potentielle aux traitements de fertilité.
Avant d’envisager une PMA, il est indispensable d’évaluer le niveau de la réserve ovarienne, qui conditionnera les chances de réussite.
2. Physiologie de la réserve ovarienne :
La réserve ovarienne est établie pendant la vie fœtale.
Au 5ème mois de gestation, un fœtus femelle possède environ 6 à 7 millions de follicules primordiaux. Ce nombre décroît rapidement avant la naissance pour atteindre environ 1 à 2 millions à la naissance, puis 300.000 à 500.000 à la puberté.
Tout au long de la vie reproductive, cette réserve s’épuise par un processus d’atrésie folliculaire et, dans une moindre mesure, par l’ovulation (environ 400 à 500 follicules au total).
A la ménopause, le stock résiduel est inférieur à 1.000 follicules, marquant la fin de la fertilité naturelle.
La diminution de la réserve ovarienne est influencée par des facteurs génétiques, environnementaux et pathologiques.
Des mutations (ex. : gène FMR1 dans le syndrome de l’X fragile) ou des expositions toxiques (tabac, chimiothérapie) peuvent accélérer cette perte.
La qualité des ovocytes décline également avec l’âge, en raison de l’accumulation d’anomalies chromosomiques et de dysfonctions mitochondriales.
3. Pourquoi évaluer la réserve ovarienne :
L’évaluation de la réserve ovarienne permet de :
– Identifier une insuffisance ovarienne précoce (IOP) : certaines femmes peuvent présenter une baisse prématurée de leur réserve ovarienne, même avant l’âge attendu de la ménopause.
Une réserve ovarienne faible peut expliquer des difficultés à concevoir naturellement ou à répondre aux traitements de fertilité.
– Prédire la réponse à une éventuelle stimulation ovarienne.
– Adapter les protocoles de stimulation et leurs dosages.
– Déterminer la pertinence de poursuivre les investigations d’infertilité.
– Évaluer les chances de succès d’une prise en charge en PMA.
4. Comment évaluer la réserve ovarienne :
L’évaluation de la réserve ovarienne repose sur des marqueurs indirects, car il est impossible de quantifier directement le stock folliculaire sans analyse histologique.
Les outils les plus utilisés incluent :
1) Compte des follicules antraux ou CFA :
Réalisée classiquement par échographie transvaginale en début de cycle (jours 2–5) pour compter les follicules antraux (CFA). Actuellement, on préfère le J7.
Elle permet de compter le nombre de petits follicules antraux (2-10 mm) présents dans les ovaires.
Un nombre faible (< 5 à 7 follicules) est indicatif d’une réserve ovarienne réduite.
Ce marqueur est un des meilleurs reflets de la réserve ovarienne.
La présence de moins de 5 follicules antraux par ovaire évoque une mauvaise réserve ovarienne (risque de non-réponse à la stimulation ovarienne en cas de FIV).
A contrario, la présence de plus de 10 petits follicules antraux par ovaire fera craindre une réponse excessive en cas de stimulation ovarienne avec un risque de survenue d’un syndrome d’hyperstimulation ovarienne.
2) Bilan hormonal :
Il est possible de se faire une idée du statut ovarien par le dosage de marqueurs sanguins.
Ces examens sont généralement effectués au troisième jour du cycle pour une femme réglée.
Ce sont par ordre d’intérêt :
– L’AMH (ou hormone antimüllérienne).
– La FSH (ou Follicle stimulating Hormone) + LH (en cas de suspicion d’OPK).
– L’estradiol (ou E2).
a) AMH (ou hormone antimüllérienne) : Cf chapitre spécial
b) FSH (ou hormone folliculo-stimulante) :
Contrairement à l’AMH, la FSH, qui doit être impérativement dosée au 3ème jour du cycle, est un facteur plus fluctuant qui doit être interprété en fonction de l’âge.
Les valeurs normales à J3 varient entre 3 et 6,5 UI/l.
La FSH augmente lorsque la réserve ovarienne diminue, car l’hypophyse sécrète plus de FSH pour stimuler les ovaires moins réactifs.
Une FSH > 10 UI/L (J3) est à interpréter avec attention, car la valeur de la FSH plasmatique dépend beaucoup de la valeur de l’estradiolémie. Toutefois, l’association d’un taux de FSH élevé avec un taux d’AMH faible reste une interrogation à la mise en route d’une tentative d’AMP, chez les femmes plus âgées.
c) Autres marqueurs :
– Estradiol (E2) :
En début de cycle, il doit normalement être inférieur à 50 ng/ml.
Son taux témoigne de la qualité de la sécrétion ovarienne : trop élevé ou trop faible, il devra être interprété en fonction des autres paramètres biologiques et cliniques.
– Inhibine B :
Produite par les petits follicules antraux, l’inhibine B est un autre marqueur de la réserve ovarienne, bien que son utilisation clinique soit moins courante. Ses niveaux diminuent avec l’âge et une faible réserve ovarienne.
Bien que moins couramment utilisée que l’AMH et l’AFC, elle peut fournir des informations supplémentaires.
Nb : L’inhibine B et l’œstradiol (E2) basal ont été utilisés historiquement, mais leur variabilité intra-cycle limite leur utilité.
5. Facteurs influençant la réserve ovarienne :
– Âge : l’âge est le principal facteur influençant la réserve ovarienne. La diminution de la réserve ovarienne est accélérée après 35 ans, ce qui affecte la fertilité.
– Génétique : des variations génétiques peuvent influencer la réserve ovarienne. Par exemple, des mutations dans certains gènes peuvent entraîner une insuffisance ovarienne prématurée.
– Facteurs environnementaux : l’exposition à des toxines environnementales, comme les pesticides et les perturbateurs endocriniens, peut affecter la réserve ovarienne.
– Maladies médicales : certaines conditions médicales, comme l’endométriose et les maladies auto-immunes, peuvent réduire la réserve ovarienne.
– Traitement médical : la chimiothérapie et la radiothérapie peuvent endommager les follicules ovariens, réduisant ainsi la réserve ovarienne.
6. Implications cliniques :
1) Fertilité et PMA :
Une faible réserve ovarienne (AMH < 1,1 ng/ml, CFA < 7) peut nécessiter des protocoles de stimulation ovarienne plus intensifs ; en effet, elle prédit une réponse ovarienne réduite lors des stimulations en FIV, avec un risque accru d’annulation de cycle ou de faible récolte ovocytaire. Cependant, elle ne reflète pas directement la qualité ovocytaire ni les chances de grossesse spontanée.
2) Insuffisance ovarienne prématurée (IOP) :
Définie par une aménorrhée avant 40 ans avec FSH > 25 UI/l à deux reprises, l’IOP touche 1 % des femmes et peut être liée à des causes génétiques (Turner, X fragile), auto-immunes ou iatrogènes (chirurgie, chimiothérapie).
L’évaluation de la réserve ovarienne permet un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée (préservation de la fertilité, THS).
3) Vieillissement reproductif :
La réserve ovarienne diminue naturellement avec l’âge, avec une accélération après 35 ans. Cela explique la baisse de fertilité et l’augmentation des taux d’aneuploïdie chez les femmes plus âgées.
7. Perspectives thérapeutiques :
Actuellement, il n’existe pas de traitement pour augmenter la réserve ovarienne. Cependant, des stratégies visent à optimiser la fertilité résiduelle :
– Préservation de la fertilité : la vitrification ovocytaire est proposée aux patientes à risque (ex. : avant chimiothérapie) ou souhaitant différer la maternité.
Le dosage de l’AMH permet aujourd’hui de détecter précocement une diminution de la réserve ovarienne, même chez les femmes jeunes entre 20 et 35 ans. Face à ce constat, et sachant que de nombreuses femmes diffèrent leur projet de maternité pour des raisons personnelles ou professionnelles, la médecine propose une solution préventive : la préservation ovocytaire.
Cette technique consiste en une stimulation hormonale contrôlée permettant d’obtenir plusieurs ovocytes matures en un seul cycle. Ces ovocytes sont ensuite vitrifiés dans l’azote liquide, où ils peuvent être conservés indéfiniment. Cette méthode offre aux femmes la possibilité de préserver leur potentiel de fertilité et de concrétiser leur désir d’enfant au moment qu’elles jugeront opportun.
– Stimulation ovarienne adaptée : chez les patientes à faible réserve, des protocoles à forte dose de gonadotrophines ou l’ajout de DHEA (déhydroépiandrostérone, encore controversée) peuvent être envisagés.
– Recherche émergente : les thérapies basées sur les cellules souches ovariennes ou l’activation in vitro de follicules dormants (technique IVA) sont expérimentales mais prometteuses.
8. Conclusion :
La réserve ovarienne est un indicateur essentiel de la santé reproductive féminine. Sa mesure et son interprétation sont cruciales pour la gestion de la fertilité et la planification des traitements de PMA.


