Le streptocoque du groupe B (SGB) ou Streptococcus agalactiæ est actuellement le principal agent responsable d’infections néonatales graves (septicémies, méningites et pneumonies) chez le nouveau-né et le nourrisson.

1. Epidémiologie :

Le taux de sepsis néonatal à SGB (hémocultures et/ou cultures du LCR positives) varie de 0,3 à 5/1000 naissances vivantes. La mortalité associée est de 5 à 20 %, faisant la gravité et l’importance du problème posé par cet agent infectieux.

L’infection à SGB du nouveau-né est le plus souvent d’origine maternelle et ante- ou pernatale, rarement il s’agit d’une contamination postnatale. 

Selon le site, on distingue le portage vaginal et cervical (4 à 28 %), le portage rectal (4 à 80 %), le portage périnéal (54 %), le portage urinaire et le portage pharyngé.

Le portage rectal est le portage le plus constant ; c’est le réservoir de germes à partir duquel peuvent se développer les contages vaginaux et périnéaux.

On peut distinguer quatre types de portages avec une variation du portage au cours de la grossesse ; ce qui rend illusoires les mesures thérapeutiques préventives.

– Le portage chronique correspond à l’isolement du même sérotype de SGB au minimum trois fois consécutivement au cours de la même grossesse.

– Le portage transitoire. 

– Le portage intermittent. 

– Le portage indéterminé.

* La grossesse favorise nettement les colonisations à SGB et la prolifération de ce germe au niveau vaginal : il est retrouvé chez 15 à 35 % des femmes enceintes à terme.

Le taux de transmission du SGB au nouveau-né à partir de mères colonisées non traitées est de l’ordre de 45 à 75 %.

La relation entre portage maternel vaginal de SGB et accouchement prématuré est démontrée en cas de forte colonisation maternelle vaginale.

La relation entre bactériurie à SGB et accouchement prématuré apparaît encore plus évidente ; l’efficacité du traitement antibiotique sur la réduction du risque d’accouchement prématuré dans ce contexte confirme le rôle du streptocoque dans cette pathologie. En fait, la présence d’une bactériurie asymptomatique maternelle à SGB est reconnue comme liée à une forte colonisation vaginale.

En pratique, seule la présence du SGB aux niveaux rectal et vaginal à l’approche du terme, voire au moment du travail, peut nous renseigner sur le risque de contage de l’enfant. De plus, le porteur sain, n’est, pas obligatoirement responsable de la contamination ou de l’infection du nouveau-né.

2. Pathogénie de la contamination maternelle :

* Le SGB peut-il être transmis par voie sexuelle (est-il un germe lié à une IST) ? OUI dans une certaine mesure, puisque la fréquence des rapports sexuels semble augmenter la contamination maternelle ; le SGB se retrouve en particulier dans l’urètre des partenaires masculins, et certains auteurs ont montré la transmission vénérienne de la contamination en identifiant le même sérotype de SGB chez le partenaire et la femme contaminée. Cependant l’association IST et SGB n’est pas flagrante puisque le SGB est retrouvé le plus souvent seul et très rarement en association avec gonocoques, trichomonas, mycose.

Cependant, le rôle exact de la transmission sexuelle du SGB est probablement “marginal” ; en fait le réservoir principal du SGB est le rectum. Le portage vaginal n’est que second par rapport au portage rectal, le germe se déplaçant de la marge anale au périnée, puis au vagin, peut-être à la faveur de relations sexuelles.

* Le SGB peut également être transmis à la suite d’ingestion d’aliments (surtout le lait et ses dérivés) contaminés par ce germe (situation similaire à celle de Listeria) ; dans ce cas, la colonisation intestinale par le SGB entraînerait une colonisation secondaire aux niveaux vaginal et urétral.

3. Pathogénie de la contamination néonatale :

* Contamination verticale de la mère à l’enfant : 

C’est le mode de contamination le plus fréquent et à l’origine de l’infection néonatale précoce et de la plupart des formes mortelles.

– Contamination anténatale : la contamination fœtale par voie hématogène transplacentaire directement (ou à partir d’un foyer placentaire) va se traduire par une septicémie, un avortement, un accouchement prématuré, un RCIU, voire la MIU parfois.

La contamination transmembranaire, à œuf fermé, est possible mais beaucoup plus fréquemment favorisée par une rupture prématurée et prolongée de la poche des eaux.

– Contamination pernatale : il s’agit de la modalité la plus fréquente, la contamination se fait par voie respiratoire ou cutanéomuqueuse, d’où l’intérêt des prélèvements périphériques chez le nouveau-né : liquide gastrique, gorge, nez, conduit auditif, ombilic.

* Contamination horizontale :

Le risque de contage par le personnel est exceptionnel.

4. Facteurs de risques d’infection à SGB :

Ces facteurs sont les suivants :

– fièvre maternelle intrapartum et infection patente,

– une bactériurie à SGB pendant la grossesse, témoignant d’une forte colonisation génitale,

– rupture prématurée des membranes : plus la rupture est prolongée, plus le risque est grand,

– un accouchement prématuré.

Dans ces circonstances, l’élément déterminant va être de savoir si la mère est déjà porteuse de SGB, soit que l’on ait déjà cette information du fait d’un prélèvement antérieur à l’accouchement, soit parce qu’on recherche ce SGB au moment de l’accouchement.

5. Aspects cliniques de l’infection à SGB :

1) Chez la mère :

a) Durant la grossesse :

La mère peut être porteuse asymptomatique. C’est donc une population difficile à détecter si ce n’est par le dépistage systématique.

La mère peut avoir une infection tout à fait banale : leucorrhées isolées, facteur de risque important dans la RPM en fin de grossesse et donc d’accouchement prématuré.

Ce peut être une infection urinaire qui peut être asymptomatique dans deux tiers des cas.

b) Durant le travail :

Elle se manifeste par une hyperthermie et peut surtout retentir sur le fœtus en créant une SFA, avec sa cohorte habituelle de signes : tachycardie fœtale, liquide teinté.

c) Dans le post-partum :

Elle est responsable de “l’infection puerpérale” : il s’agit d’une endométrite survenant dans les 24 heures qui suivent l’accouchement. 

L’infection puerpérale atteint 2 accouchements sur 1.000 et le SGB en est l’agent responsable dans 20 % des cas.

Il est à noter que la mortalité néonatale augmente de manière importante lorsque la mère présente une infection puerpérale.

2) Chez l’enfant :

C’est la première cause d’infection néonatale et certainement la plus dangereuse puisque la mortalité peut atteindre 50 %, surtout chez le prématuré.

a) Infection néonatale précoce :

Elle apparaît moins de 48 heures après la naissance. C’est la forme la plus fréquente (70 % des cas).

Cette infection précoce est observée chez un nouveau-né pour 100 à 200 femmes colonisées.

* Circonstances de survenue : 

L’infection néonatale doit être systématiquement suspectée devant :

– une fièvre maternelle avant, pendant ou après l’accouchement (40 à 50 % des cas),

– une chorioamniotite (13 à 40 % des cas),

– une RPM (50 à 60 % des cas),

– un accouchement prématuré,

– un score d’APGAR inférieur à 7,

– un liquide amniotique teinté,

– mais aussi : une concentration élevée de SGB au niveau vaginal, une bactériurie à SGB.

Toutes ces circonstances sont d’autant plus évocatrices qu’elles peuvent s’associer ; cependant, elles manquent totalement dans 25 à 50 % des cas. 

C’est donc une infection qui peut tuer sans prévenir et qui justifie le dépistage des femmes porteuses de SGB.

* Tableau clinique :

Elle se manifeste essentiellement par une septicémie, une pneumonie et/ou une méningite, avec des particularités évocatrices d’infection à SGB :

– le début avant la sixième heure de vie,

– la sévérité de la détresse respiratoire avec parfois persistance de la circulation fœtale,

– l’existence d’un choc septique et parfois une coagulopathie de consommation.

On a déjà souligné la gravité de ces formes précoces : la mort peut s’observer dans 50 % des cas, surtout chez l’enfant prématuré, dans un tableau foudroyant en quelques heures, parfois même avant la mise en route du traitement ou malgré le traitement antibiotique.

A côté de ces formes dramatiques, il existe des formes peu parlantes, voire asymptomatiques, et qui exposent à des complications soudaines et parfois à la mort.

b) Infection néonatale tardive :

Elle apparait plus de 7 jours après la naissance et peut se manifester jusqu’à la 16ème semaine. Surtout liée au SGB de sérotype III, sa mortalité est plus faible, entre 15 et 20 %.

* Circonstances de survenue :

Le plus souvent, aucun fait particulier n’avait été noté à la naissance et en particulier aucun signe d’infection maternofœtale.

Il se peut qu’un certain nombre de nouveau-nés “porteurs sains” de SGB dès la naissance puissent devenir malades tardivement ou bien qu’une contamination nosocomiale postnatale soit responsable.

Cela pose le problème difficile de l’attitude thérapeutique divergente selon les équipes vis-à-vis des porteurs sains de SGB.

* Tableau clinique : 

Il s’agit le plus souvent d’un tableau de méningite avec ou sans complications telles que empyème ou hydrocéphalie. La ponction lombaire sera donc la clef diagnostique. 

Parfois, on peut observer des atteintes ostéo-articulaires et rarement des septicémies.

6. Diagnostic :

1) Diagnostic de l’infection à SGB chez l’enfant :

a) Diagnostic bactériologique :

L’identification bactériologique du SGB peut être réalisée par les méthodes classiques de la coloration de Gram et de l’examen direct des prélèvements. La culture nécessite 18 à 24 h.

On peut utiliser le test d’agglutination, d’immunofluorescence directe (6-7 h), ou, encore plus rapide, la détection des antigènes streptococciques par agglutination de particules de latex sensibilisées qui donne une réponse en 1 h.

La recherche d’antigènes solubles, témoins de la présence du SGB dans tous les liquides de l’organisme (sang, urine, LCR) permet, quand elle est positive, un diagnostic rapide.

Le SGB peut être recherché chez l’enfant dans des prélèvements :

– périphériques (oreilles, nez, pharynx, liquide gastrique, anus, ombilic, frottis placentaire), mais aussi

– centraux (hémoculture, LCR, urines). 

Il existe une suspicion d’infection à SGB quand au moins trois sites sont positifs et de certitude d’infection lorsque le SGB est retrouvé dans un des prélèvements centraux : hémocultures +++, LCR ++ ou urines +.

b) Diagnostic d’infection néonatale à SGB :

– Anamnèse maternelle :

Les circonstances favorisant l’éclosion d’une infection à SGB chez le nouveau-né doivent conduire à rechercher la présence de SGB dans les prélèvements néonataux (périphériques et centraux) mais aussi chez la mère. 

– Histoire clinique :

Elle peut être malheureusement brutale et bruyante : détresse respiratoire, collapsus cardio-vasculaire, méningite. La présence de SGB dans un seul prélèvement périphérique ou a fortiori central doit conduire au diagnostic de certitude d’infection et nécessite un traitement antibiotique lourd.

– Signes paracliniques :

. Hématologiques : le signe le plus constant est la leuconeutropénie < 6.000 GB. On peut également observer une hyperleucocytose (> 30.000 GB) avec polynucléose, une thrombopénie < 100.000 plaquettes.

. Biochimiques : les deux marqueurs d’infection les plus fréquemment recherchés sont la CRP et le fibrinogène.

. Radiologiques : la radiologie du poumon, en cas de détresse respiratoire, peut être très évocatrice d’infection, s’il existe des opacités grossières, macro ou micronodulaires, soit réparties de façon asymétrique dans les deux champs pulmonaires, soit parfaitement symétriques, soit affectant spécifiquement un territoire bien systématisé. Parfois il peut exister un épanchement pleural. Enfin, paradoxalement, une image pulmonaire normale, contrastant avec la persistance d’une détresse respiratoire, doit faire évoquer le diagnostic d’infection.

2) Diagnostic de l’infection à SGB chez la mère :

Il repose sur des signes cliniques : fièvre maternelle, chorioamniotite, infection urinaire, mais aussi sur des signes biologiques : CRP élevée, hyperleucocytose.

Diagnostic bactériologique :

Comme chez l’enfant, les mêmes techniques bactériologiques permettront d’isoler le SGB, soit dans les prélèvements cervicovaginaux faits pour des leucorrhées soit au niveau du placenta (frottis), soit en postnatal dans les lochies.

On peut selon le contexte clinique pratiquer une hémoculture ou un examen d’urine.

Bien entendu, si la présence de SGB dans des prélèvements vaginaux permet de définir les femmes “porteuses” et pas obligatoirement infectées, retrouver le SGB dans le liquide amniotique, le placenta, les lochies ou l’hémoculture permet de définir une population à très haut risque d’infection pour l’enfant.

Ce petit lot de femmes réellement infectées par le SGB nécessitent un traitement antibiotique spécifique, alors que les femmes “porteuses saines” ne doivent pas être traitées préventivement. 

7. Traitement :

Voir Stratégie thérapeutique des “Infections cervico-vaginales et grossesse”.

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