La rubéole est une infection virale bénigne, pouvant être dangereuse chez la femme enceinte car le virus responsable de la maladie traverse la barrière placentaire.
C’est une virose qui, lorsqu’elle est contractée pour la première fois, au cours de la grossesse, peut être responsable de graves malformations et/ou d’infection fœtale sévère.
Elle est provoquée par un virus à ARN : le togavirus (togaviridae).
Il importe de distinguer primo-infection et réinfection, car le risque de rubéole congénitale est lié aux seules PI maternelles.
Chez un sujet infecté pour la première fois, le virus inhalé se multiplie dans les voies respiratoires pour diffuser largement par virémie au 16ème jour après le contage ; chez la femme enceinte, l’enfant pourra être atteint du fait de la virémie par passage transplacentaire.
Les sujets, après une PI, peuvent se réinfecter auprès d’un sujet contagieux, mais dans ce cas l’infection va se limiter à la porte d’entrée du virus (voies respiratoires), sans donner de virémie, et donc sans risque de rubéole congénitale.
Le diagnostic de la rubéole doit se faire de préférence en prénuptial, sinon au cours du premier trimestre de la grossesse.
Notons enfin que la prévention par vaccination reste le seul moyen de lutte contre l’infection, car il s’agit d’une maladie virale.
1. Epidémiologie :
Le réservoir est strictement humain et la rubéole sévit sous forme d’endémie saisonnière.
Le malade atteint de rubéole acquise est contagieux par voie aérienne une semaine avant l’éruption et une semaine après.
La mère primo-infectée peut transmettre le virus à son enfant par voie transplacentaire (rubéole congénitale).
Le nouveau-né est contagieux pendant 3 à 6 mois.
L’immunité conférée par la maladie est en principe définitive.
90 % des femmes sont immunisées à 20 ans. Une femme sur 10 est donc réceptive.
2. Rubéole acquise :
1) Diagnostic clinique :
– Incubation silencieuse de 14 à 21 jours (en moyenne 16 jours),
– La phase d’invasion est brève (24 heures) et discrète (fébricule),
– Phase d’état : elle associe éruption, fièvre discrète et adénopathies cervicales postérieures,
. L’éruption : elle dure en général 1 à 3 jours et disparaît sans desquamation : elle débute au visage puis atteint le tronc en 24 h et enfin les membres ; elle est faite de macules de couleur rose pâle, petits (< 3 mm), non prurigineuses, à topographie généralisée, séparées par des intervalles de peau saine, qui prédominent au visage et aux fesses et disparaissent en 3 jours.
. Elle est très souvent associée à des adénopathies multiples, en particulier cervicales postérieures, et à une fièvre modérée (38 °C) qui dure 1 à 2 jours. Des arthralgies sont fréquentes.
En fait, aucun de ces éléments n’est constant ni caractéristique pour 3 raisons :
– il existe des formes inapparentes fréquentes (50 % des cas), ce qui explique que 90 % des femmes en âge d’être enceintes ont des anticorps.
– il existe des éruptions atypiques morbilliforme, scarlatiniforme ou purpurique.
– enfin, certains autres virus (adénovirus, échovirus, coxsackie) peuvent donner des éruptions rubéoliformes.
Il faut donc retenir le caractère trompeur de la clinique, ce serait une faute de récuser le diagnostic de rubéole sur les caractères cliniques de l’éruption.
La période de contagiosité va de 8 jours avant, à 8 jours après le début de l’éruption.
L’évolution est généralement bénigne, et les complications sont exceptionnelles (purpura thrombopénique, polyarthrite, encéphalite).
2) Diagnostic biologique :
– Il repose sur la mise en évidence d’une séroconversion ou d’une multiplication du titre des IgG par 4 sur 2 sérums prélevés à 15 jours d’intervalle et examinés simultanément dans le même laboratoire (inhibition de l’hémagglutination),
– dans les cas difficiles, on recherche des IgM spécifiques qui témoignent d’une infection récente.
3. Rubéole congénitale :
La contamination fœtale peut être responsable d’avortements au cours du premier trimestre, sinon elle est responsable de rubéole congénitale.
Celle-ci peut être purement sérologique ou s’exprimer sous deux formes : la rubéole congénitale évolutive et les séquelles de l’embryopathie rubéoleuse.
1) Embryopathies :
– Elle se voit lorsque la contamination a eu lieu pendant l’embryogenèse (premier trimestre de la grossesse), mais après cette période et jusqu’à 20 sem, il peut encore se produire une atteinte auditive qui peut être à révélation retardée.
– Ainsi, le risque de malformation varie selon l’âge gestationnel lors de la virémie, et ce risque est estimé à :
. 90 % si l’infection a lieu avant 11 sem,
. 25 % ” ” ” ” ” ” entre 11 et 16 sem,
. 15 % ” ” ” ” ” ” entre 16 et 20 sem,
. 0 % ” ” ” ” ” ” au-delà de 20 sem.
. enfin, en cas de rubéole survenant peu avant la conception, on évalue le risque de malformation à 2 % si la rubéole est survenue dans les 14 jours qui précèdent les dernières règles.
Il s’agit de malformations :
– cardiaques (les plus fréquentes) : persistance du canal artériel (PCA) et sténose de l’artère pulmonaire surtout, mais aussi : CIA, CIV, coarctation aortique,
– oculaires : cataractes unies ou bilatérales souvent associées à une microphtalmie, plus rarement choriorétinite ou glaucome,
– auditives : surdité de perception définitive par atteinte de la cochlée (et de l’organe de Corti),
– neurologiques : microcéphalie avec retard psychomoteur.
Quoi qu’il en soit, le risque d’anomalie congénitale est maximum au premier mois, mais persiste encore au-delà du premier trimestre, avec notamment un risque de surdité à révélation retardée, nécessitant des bilans répétés après la naissance d’un enfant apparemment indemne.
2) Fœtopathie (rubéole congénitale évolutive) :
Le tableau clinique n’est pas spécifique de la rubéole, il traduit la fœtopathie qui peut se rencontrer dans toutes les autres maladies infectieuses (listériose, toxoplasmose, syphilis, maladie des ICM).
C’est un tableau de septicémie néo-natale, associant à des degrés divers une hypotrophie (RCIU) et des lésions pluriviscérales évolutives :
– troubles neurologiques variés (encéphalite) : crises convulsives, troubles du tonus…,
– hépatosplénomégalie, des adénopathies généralisées,
– atteinte hématologique : purpura thrombopénique, plus rarement anémie hémolytique,
– atteinte osseuse enfin, purement radiologique : bandes claires métaphysaires.
Cette fœtopathie peut être isolée ou associée à un syndrome malformatif +++.
Les séquelles psychomotrices (retard mental) sont fréquentes (15 %) et l’évolution peut être mortelle (30 % des cas).
Les enfants sont, à la naissance et pendant la première année de la vie porteurs du virus.
C’est une source importante de contagion ⇒ il faudra les isoler à la maternité.
Le diagnostic de rubéole congénitale repose, chaque fois que c’est possible, sur l’isolement du virus dans la gorge, les larmes, les urines et/ou le sang.
Dans certains cas privilégiés, un diagnostic prénatal est possible par ponction directe du cordon.
A défaut d’isolement viral, on recherchera des IgM spécifiques à la naissance et/ou la persistance d’IgG spécifiques au-delà de 6 à 12 mois.
4. Diagnostic :
Le diagnostic direct est difficile (isolement et identification du virus), on utilise donc le diagnostic sérologique ou indirect (titrage des anticorps).
Nb :
– le diagnostic doit se faire en prénuptial,
– en cas de grossesse : le faire au premier trimestre,
– si une femme enceinte est séronégative, il faut la surveiller sérologiquement chaque 1 à 2 mois jusqu’à l’accouchement.
A) Prélèvement : Deux sérums sont prélevés à 15 jours d’intervalle.
LE PREMIER SERUM EST PRELEVE DES L’APPARITION D’UNE ERUPTION OU APRES UN CONTAGE.
B) Technique : Plusieurs méthodes sont utilisées, par exemple :
– IHA (inhibition de l’hémagglutination) : méthode de référence : agglutination sur lame, de réalisation facile, très sensible,
– ELISA : méthode enzymatique très sensible,
– autres techniques : réaction de fixation du complément (RFC), séroneutralisation…
Les sérums précoces et tardifs doivent être traités en même temps par le même protocole pour éviter les erreurs de manipulation.
On recherche les IgG, parfois les IgM.
C) Interprétation :
On peut avoir plusieurs situations :
1) Diagnostic chez une femme enceinte ayant une éruption :
a) Prélevée durant l’éruption :
● S1=S2=absence d’anticorps : diagnostic négatif,
● S1=S2=le même titre : rubéole ancienne,
● S1=absence d’anticorps, S2=taux d’anticorps (X) : séroconversion, donc rubéole probable.
● S1=taux d’anticorps (X), S2=taux d’anticorps > 4 fois S1 : augmentation significative du titre d’anticorps : 2 situations peuvent se présenter, la recherche des IgM est très importante :
@ IgM (+) : primo-infection, donc rubéole probable,
@ IgM (-) : réinfection.
b) Prélevée 1 semaine ou un mois après l’éruption :
UN SEUL sérum suffit, car les IgG sont à leur phase maximale (en plateau) :
● Sérum négatif : diagnostic négatif,
● Sérum positif : recherche des IgM :
@ IgM (+) : primo-infection, donc rubéole probable,
@ IgM (-) : rubéole ancienne, mais il faut se méfier de la disparition des IgM (3 sem).
2) Diagnostic chez une femme ayant eu un contage :
a) Le S1 est prélevé 10 jours après le contage :
● Sérum positif : rubéole ancienne,
● S1=S2=absence d’anticorps : diagnostic négatif, mais il faut faire un 3ème prélèvement, car il pourrait s’agir de la phase d’incubation d’une primo-infection.
b) Le sérum est prélevé 7 sem après le contage :
Même interprétation que 1) b).
A LA NAISSANCE : le diagnostic repose sur :
– l’isolement du virus dans les sécrétions pharyngées en sachant que le nouveau-né reste infecté et contagieux longtemps (plusieurs mois à la différence de la rubéole acquise),
– la recherche des anticorps dans le sang du cordon et surtout le TITRAGE DES IgM.
En effet, ces immunoglobulines ne passent pas le placenta en raison de leur fort poids moléculaire, et témoignent donc, si on en trouve dans le sang du cordon, d’une rubéole congénitale ; de plus, la sérologie reste positive chez le nourrisson au-delà du 6ème mois.
Un nouveau-né infecté doit :
– avoir un examen pédiatrique complet, comprenant en particulier un examen cardiologique et ophtalmologique, ainsi que la mesure des potentiels évoqués dans les semaines suivant la naissance.
– et surtout être ISOLE : les nouveau-nés atteints de rubéole congénitale restent porteurs du virus et constituent en conséquence une source de contamination pour l’entourage.
Ceci est important dans les maternités surtout pour les nouveau-nés, qui risquent de faire une rubéole néo-natale parfois sévère.
5. Traitement :
1) Curatif :
– En cas de contamination fœtale, il n’y a pas de traitement curatif.
– Compte tenu de la fréquence de la contamination et des malformations fœtales lorsque la PI a lieu avant 11 sem, on propose l’ITG.
– Au-delà, la certitude de l’atteinte fœtale peut être obtenue par ponction de sang du cordon dès la 20ème sem et recherche d’IgM spécifiques (ne passant pas la barrière placentaire, elles signent l’atteinte fœtale) : l’avortement sera proposé pour les seuls fœtus contaminés.
2) Préventif :
Il ne repose pas tant sur les gammaglobulines spécifiques administrées à la mère dans les 48 h suivant le contage que sur la vaccination.
● Quand faut-il vacciner ?
– soit systématiquement avant la puberté, sans contrôle sérologique.
– Le vaccin doit être administré chez tous les enfants de 12-15 mois.
– Les filles doivent être revaccinées entre 11 et 13 ans.
Nb : La vaccination systématique des petits enfants et des petites filles de 12 ans ne supprimera pas la nécessité de l’examen préconceptionnel, car on n’est pas assuré de l’efficacité de cette vaccination prépubertaire jusqu’à l’âge de la grossesse. Il semble donc, dans ce cas, prudent de vérifier les anticorps post-vaccinaux avant la grossesse.
– soit après la puberté après contrôle sérologique : toutes les femmes mariées séronégatives doivent être vaccinées sous contraception efficace (1 mois avant, 3 mois après) ; en effet, la vaccination se fait avec un virus vivant atténué ⇒ elle est contre-indiquée pendant la grossesse.
– Le titre des anticorps peut-être contrôlé deux mois après la vaccination, qui doit être renouvelé une fois en l’absence de réponse.
– NB : une vaccination en début de grossesse n’est pas une indication à l’ITG.
● Les femmes enceintes séronégatives doivent être sérologiquement surveillées de façon mensuelle ; elles doivent éviter d’entrer en contact avec des collectivités d’enfants.
Elles doivent être vaccinées au décours de la grossesse.
● En ce qui concerne les gammaglobulines spécifiques administrées à la mère dans les 48 h suivant le contage, leur l’efficacité est discutée.
Leur seule indication actuelle autre que psychologique pourrait être les femmes qui ont une sérologie négative.
La prévention consiste en 2 injections de 15 à 30 ml à 48 h d’intervalle, faite dans les 48 h après le contage.
Il faut avertir de l’efficacité incertaine de ce traitement qui, parfois, ne fait que retarder la séroconversion, d’où la nécessité d’une surveillance prolongée pendant 12 semaines.