Même si cette maladie n’atteint que 1 femme pour 10 hommes, l’augmentation exponentielle du nombre de sujets atteints et l’âge de prédilection (20 à 50 ans pour plus de 85 % des cas recensés) font de la femme en âge de procréer une malade potentielle.
Actuellement, sur une population urbaine tout-venant, la fréquence des femmes séropositives pour le HIV en milieu obstétrical serait d’environ 0,5 %.
La transmission mère-enfant, qui atteint 15 à 20 % en l’absence de traitement prénatal, est désormais d’environ 1 % avec les trithérapies antirétrovirales (ARV) actuelles.
Le virus n’est pas tératogène.
1. Dépistage des mères contaminées :
Pour certains, le dépistage doit être systématique par sérologie au cours du bilan obligatoire de déclaration de grossesse, mais aucun texte ministériel ne l’oblige.
Il est simplement proposé en présence de facteurs de risque.
En effet, la séropositivité de la mère mérite d’être connue, pour son intérêt et celui de son l’enfant.
De toute façon, il ne faut jamais effectuer de prélèvement sans en informer la patiente, afin de pouvoir lui transmettre les résultats.
Bien sûr, une sérologie négative ne garantit pas d’une contamination récente avec virémie en cours.
* Comment reconnaître une femme atteinte ?
C’est facile si elle est symptomatique (SIDA maladie), car on est attiré par l’amaigrissement, une fièvre, une diarrhée, et surtout par la répétition d’infections opportunistes.
Mais il faut aussi savoir y penser devant une thrombopénie idiopathique.
2. Risques encourus en cas de grossesse chez une femme séropositive :
1) Pour la mère :
La survenue d’une grossesse n’aggrave pas l’évolution des femmes séropositives pour le HIV.
Ce n’est pas le cas pour les patientes symptomatiques (SIDA maladie) chez lesquelles les infections opportunistes, favorisées par la grossesse (septicémies listériennes…), modifient le cours de la maladie.
2) Pour le fœtus :
La séropositivité pour le HIV influence peu ou pas l’évolution de la grossesse.
Un taux de fausses couches spontanées, d’accouchements prématurés, de morts in utero, d’hypotrophie, plus important avait été avancé lors de l’apparition de cette maladie, mais il s’agissait plus de complications de la toxicomanie souvent associée dans les premiers cas recensés.
Par contre, le risque pour le fœtus est lié à la transmission materno-fœtale.
La transmission in utero est démontrée, mais le passage du virus n’est pas obligatoire. Toutes les femmes séropositives ne contaminent pas systématiquement leur enfant.
La contamination se fait vraisemblablement en fin de grossesse et au moment de l’accouchement.
– De nombreux éléments sont en faveur d’une TRANSMISSION TRANSPLACENTAIRE plutôt tardive (après la 20ème SA) : exemple la négativité de nombreux produits d’interruption thérapeutique de grossesse précoce…
– Le risque de contamination néonatale est élevé (15 à 20 %), dû à une transmission verticale au troisième trimestre. Ce risque est augmenté en cas de contamination par le HIV pendant la grossesse chez les patientes symptomatiques (SIDA maladie) et celles ayant un taux bas de lymphocytes CD4.
La présence d’une sérologie HIV positive chez le nouveau-né signifie un passage transplacentaire d’anticorps maternels ou une réponse immunologique propre à l’enfant infecté in utero.
Pour différencier ces deux situations, il est nécessaire de contrôler par des dosages d’anticorps à 6, 9 et 12 mois de naissance. La persistance d’une séropositivité de l’enfant au-delà de 12 mois traduit la présence du virus et sa contamination.
Le pronostic est alors gravissime : 60 % de mort à 2 ans et probablement 90 % de décès après un délai plus long.
Les signes de la maladie sont une hépatomégalie, une splénomégalie, une lymphadénopathie, un retard de croissance, des infections opportunistes digestives et pulmonaires ou, enfin, une encéphalopathie.
Classiquement, on conseille :
– un avortement thérapeutique avant 20 semaines,
– on autorise la poursuite de la grossesse après 26 semaines, et,
– entre 20 et 26 semaines, il faut prendre une décision longuement concertée avec les parents.
Si la grossesse est poursuivie, son déroulement est habituellement normal. Le risque d’accouchement prématuré et de retard de croissance semble plus important, mais il n’est pas certain que la séropositivité en soit responsable. Les conditions socio-économiques défavorables jouent probablement un certain rôle.
3. Risque de transmission materno-fœtale (TMF) :
Il est influencé par plusieurs facteurs :
– maternels : la TMF est augmentée avant l’accouchement chez les femmes très immunodéprimées avec signes cliniques (sida), à la charge virale élevée, avec diminution du taux de lymphocytes CD4,
– obstétricaux : la TMF est augmentée en cas de rupture prématurée des membranes (RPM), de décollement placentaire, d’accouchement prématuré, de chorioamniotite,
– par l’allaitement : facteur important de contamination post-natale dans les pays en voie de développement,
– par des infections maternelles associées : infections génitales, IST et surtout co-infection HVC-HIV.
4. Prévention de la transmission materno-fœtale :
Il existe des situations pouvant faire retarder le projet de grossesse, voire le contre-indiquer : maladie en pleine évolution (charge virale élevée, CD4 bas, signes cliniques de sida, maladie opportuniste…), échec virologique chez une femme déjà multitraitée ou non observante.
Trois axes de prévention permettent de limiter la TMF.
1) Durant la grossesse :
On cherche à obtenir une charge virale négative car le risque de TMF maximal se situe en période périnatale.
Toutes les mères seront traitées durant la grossesse, même celles qui ne le nécessitent pas pour elles-mêmes.
Le traitement ARV le plus efficace est l’association de 2 INTI (inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) et d’un IP (inhibiteur de protéase).
Le choix des ARV dont certains sont contre-indiqués durant la grossesse dépend des infectiologues, des virologues et des centres de pharmacovigilance.
– En cas de charge virale négative en début de grossesse : ces traitements seront prescrits au plus tard avant la fin du 2ème trimestre, plus tôt si la charge virale s’élève ou en cas de menace d’accouchement prématuré.
– Si la charge virale est positive en début de grossesse : le traitement sera prescrit avant 26 SA.
Les ARV nécessitent une surveillance de l’observance maternelle du traitement, de leurs effets indésirables et de leur efficacité par les infectiologues (Cf encadré).
* Un point particulier concerne le souhait de dépistage de la trisomie 21 en cas de positivité HIV : il faut proposer un DPNI (ADN fœtal sur sang maternel) plutôt qu’un geste invasif.
Suivi biologique d’une femme enceinte infectée par le HIV-1
Avant instauration du traitement pendant la grossesse : | Suivi du traitement, à adapter selon les ARV : |
• Bilan préthérapeutique comportant : lymphocytes CD4, charge virale HIV, génotype de résistance (si non fait antérieurement), NFS-plaquettes, transaminases, phosphatases alcalines, créatininémie, glycémie à jeun. • Sérologies HVA, HVB, HVC, syphilis (en l’absence de sérologies disponibles récentes), toxoplasmose et rubéole (si non documentées ou négatives antérieurement). | • Suivi mensuel : charge virale HIV, NFS-plaquettes, transaminases, créatininémie et bandelette urinaire. • Suivi trimestriel : lymphocytes CD4. • HGPO 75 g de glucose. • Dosages des concentrations plasmatiques des ARV : à discuter au cas par cas ; recommandés si la charge virale HIV n’est pas indétectable. |
2) Lors de l’accouchement :
Deux situations peuvent se présenter :
– Cas favorable : la charge virale est indétectable (< 400 copies/ml) : l’accouchement se déroule par VOIE BASSE sauf pour raisons obstétricales. On ne prévoit pas de perfusion prophylactique de zidovudine systématique car son efficacité n’est pas démontrée, ni de prélèvements au scalp pour pH et/ou lactates ou électrode d’ECG fœtal (tableau 2),
– Cas défavorable : incluant charge virale ≥ 400 copies/ml, CD4 bas, traitement trop tardif ou non pris : la prise en charge repose sur la CESARIENNE et la PERFUSION PROPHYLACTIQUE DE ZIDOVUDINE.
Conduite à tenir lors de l’accouchement d’une patiente HIV +
Gestes contre-indiqués : | Critères indiquant la perfusion de zidovudine : |
– pH au scalp, – électrode au scalp, – Tocométrie interne. | – Absence de traitement ARV pendant la grossesse, – Prématurité < 34 SA, – Métrorragies actives, – Chorioamniotite. |
3) En post-partum :
Le virus a été retrouvé au niveau du lait maternel.
L’allaitement maternel est CONTRE-INDIQUE chez les sidéennes et les séropositives, au moins dans les pays économiquement favorisés où l’allaitement artificiel est possible sans risques infectieux pour le nouveau-né.
Il est plus discutable dans les pays en voie de développement.
Le nouveau-né reçoit :
– un traitement par zidovudine si le bilan maternel est satisfaisant et si l’accouchement s’est déroulé dans de bonnes conditions (ex : accouchement non prématuré ou sans manœuvres instrumentales),
– une trithérapie en cas de prématurité, de mère avec charge virale élevée ou d’accouchement compliqué, en attendant les résultats virologiques.
Le statut contaminé ou non du nouveau-né sera recherché par des techniques PCR à la naissance, à 1, 3 et 6 mois.
5. Accueil et devenir du nouveau-né de mère séropositive pour le HIV :
Il s’agit en général d’un enfant de trophicité normale, non dysmorphique, asymptomatique.
Le diagnostic sérologique néonatal est malaisé, car l’enfant a le même profil sérologique que sa mère (anticorps maternels type IgG en ELISA et « Western blot »).
Le diagnostic d’atteinte nécessite donc la mise en évidence chez le nouveau-né du génome proviral dans les lymphocytes circulants.
– En cas de contamination, l’évolution est assez rapide, avec apparition de symptômes dès la première année de vie : infections opportunistes, encéphalopathie virale.
. Le décès est en général rapide (50 % à 18 mois, 100 % à 4 ans).
. Tout doit être fait pour prévenir l’aggravation : contre-indication des vaccins vivants (BCG par exemple), prise en charge par une équipe pédiatrique spécialisée.
6. Prévention du Sida en service de maternité :
Précautions à prendre lors de l’accouchement et dans les jours qui suivent :
1) Pour le personnel :
Le personnel doit respecter un certain nombre de mesures de protection :
– le port de gants, lunettes, bavette, bottes pour la manipulation de produits humains (sang, sérosités, placenta, ponctions veineuses…), éviter de se blesser,
– l’utilisation de matériel à usage unique (si possible) ou la désinfection par glutaraldéhyde à 2 % et le passage en autoclave,
– des containers spéciaux pour le recueil du matériel contondant (aiguilles, cathéters, lames de bistouri…),
– lavage de tout le mobilier (table d’examen et locaux) à l’eau de Javel,
– sacs spéciaux pour l’évacuation du matériel souillé (linge, pansements) avant incinération.
2) Pour l’enfant :
Il faut aussi respecter un certain nombre de précautions :
– Ne pas instaurer de monitorage interne, ni de mesure de pH.
– L’allaitement est contre-indiqué, le virus étant retrouvé dans le lait.
– Il ne faut pas vacciner l’enfant avec des vaccins vivants (BCG, poliomyélite, rougeole, rubéole, oreillons) tant que la certitude de non-contamination n’est pas acquise.
Il faut, par contre, réaliser une vaccination contre l’hépatite B, le virus HBV étant fréquemment retrouvé dans le sérum des femmes séropositives.
– Le placement en crèche est possible, aucune contamination de nourrisson à nourrisson n’ayant été observée.
Points clés
• Les infections néonatales sont désormais rares (1 %).
• Le traitement ARV par 2 INTI et 1 IP permet de négativer la charge virale afin de réduire la transmission materno-fœtale, même chez les femmes qui n’étaient pas traitées, à mettre en œuvre à 26 SA.
• On ne prévoit pas de césarienne sauf pour raisons obstétricales.
• On n’instaure pas de traitement ARV perpartum si la charge virale est négative.
• L’allaitement n’est pas autorisé.