L’herpès néonatal désigne l’infection du nouveau-né par le virus de l’herpès.
C’est une infection très rare, mais à mortalité élevée (50 % des cas), et des séquelles chez 50 % des survivants.
L’herpès néonatal est une forme grave qui pose un double problème diagnostique et thérapeutique.
1. Epidémiologie :
Le nombre de nouveau-nés présentant une infection herpétique est estimé à 1/10.000 naissances dans la population générale, mais passe à 1/1.000 dans la population de femmes ayant des antécédents d’herpès.
Le mode de contamination principal de l’enfant reste le passage de la filière génitale lors de l’accouchement, avec un taux de transmission de près de 75 % en cas de primo-infection et de 2 à 5 % lors des récurrences.
Enfin, 10 % des contaminations du nouveau-né auraient une autre source que la mère.
Le HSV 2 est retrouvé dans 75 à 85 % des herpès néonataux, mais la gravité de la maladie est indépendante du type viral.
2. Transmission :
Sa transmission, exceptionnelle par voie sanguine pendant la grossesse, se fait essentiellement pendant l’accouchement par voie basse (contact avec les sécrétions maternelles).
Cette infection est plus fréquente au cours de la primo-infection maternelle qu’au cours des récurrences.
Au cours de la primo-infection, l’infection virale intéresse 87 % des cols utérins et persiste 2-3 semaines, alors qu’au cours de la récurrence, elle n’intéresse que 4 à 30 % des cols et dure 3 à 5 jours.
Le risque d’herpès néonatal a donc été évalué à :
– 1/10.000 pour la population générale,
– 1/1.000 en cas d’antécédent d’herpès génital chez la mère ou son partenaire,
– 5 % si récurrence près de l’accouchement (lésions moins riches en virus, transmission d’anticorps maternels),
– 75 % si primo-infection près de l’accouchement.
L’infection néonatale serait favorisée par la prématurité, la RPM, et la pose d’électrodes sur le cuir chevelu fœtal.
A noter qu’en cas d’herpes néonatal : il n’existe aucun antécédent d’herpes génital chez la mère dans la majorité des cas !
● Mode transmission de l’herpès :
– pendant l’accouchement lors du passage de la filière génitale (85 % des cas),
– in utero (5 % des cas ; peut être responsable de fœtopathie),
– post-natale (10 % des cas).
3. Aspects cliniques :
Après une incubation de 2 à 20 jours, le tableau clinique peut prendre deux aspects :
1) Herpès localisé :
– cutané avec vésicules en bouquet au niveau du crâne ou du siège selon le type de présentation, mais peuvent secondairement diffuser à distance,
– oculaire avec conjonctivite, kératite ou choriorétinite, isolées ou associées,
– stomatite isolée,
– la forme localisée au système nerveux central, d’apparition plus tardive (en moyenne J11) réalise une méningo-encéphalite avec somnolence, hypotonie, refus du biberon puis coma avec convulsions ; elle fait tout le pronostic de l’affection. Son évolution est extrêmement péjorative avec des séquelles fréquentes et graves.
2) Herpès généralisé :
Malheureusement le plus fréquent puisqu’il représente deux tiers des cas d’herpès néonatal.
Ces formes disséminées (septicémiques) peuvent être soit primitives, soit secondaires à une forme localisée ; elles sont diagnostiquées à 16 jours de vie par l’apparition d’une défaillance polyviscérale débutant par une méningo-encéphalite. L’infection est alors multifocale :
– cutanée,
– oculaire,
– pulmonaire (dyspnée, cyanose…),
– digestive (hépatosplénomégalie),
– hépatique (ictère),
– neurologique (convulsions, hypotonie, troubles de la conscience…) avec évolution vers un état convulsif et comateux.
Le pronostic est très sévère et la morbidité principalement neurologique (retard mental, cécité par choriorétinite, épilepsie, atteinte neuromotrice).
4. Diagnostic :
Le nouveau-né n’est quasiment jamais symptomatique à la naissance ni durant le séjour à la maternité, les premiers signes apparaissant entre J5 et J12 de vie et même plus.
La fièvre et les lésions vésiculeuses typiques peuvent être absentes à l’admission et même au cours de l’évolution de la maladie…
Le diagnostic d’herpès néonatal s’avère donc difficile car les lésions cutanées évocatrices d’herpès sont absentes dans la moitié des cas, et les signes peuvent apparaître tardivement après la sortie de maternité (jusqu’à 3 semaines de vie).
Le diagnostic doit être évoqué devant tout tableau néonatal atypique (respiratoire, neurologique ou de saignement inexpliqué) ou de sepsis résistant aux antibiotiques.
L’information donnée pendant la grossesse aux mères aux antécédents d’herpès, doit permettre d’éviter le retard au diagnostic qui sera établi par ailleurs à l’aide des prélèvements multiples à la recherche directe du virus (PCR), du sérodiagnostic, de l’examen tomodensitométrique cérébral.
Le diagnostic virologique de l’herpès néonatal repose sur la recherche directe du virus par PCR.
Prélèvements à différents moments et concernant différentes localisations selon la situation clinique (symptomatique ou asymptomatique à risque majeur ou asymptomatique à risque mineur).
Seule une thérapeutique rapide permet d’espérer limiter les risques de diffusion de l’infection.
Même traité, l’herpès néonatal conserve un pronostic sombre puisqu’il entraîne la mort ou des séquelles invalidantes (neurologiques, neurosensorielles) dans 50 % des cas.
Le pronostic de l’herpès néonatal semble être amélioré par les nouvelles thérapeutiques antivirales à condition que celles-ci soient utilisées précocement, avant la phase de dissémination.
Seules les formes strictement localisées jouissent d’un bon pronostic.
5. Traitement :
1) Traitement préventif :
a) Primo-infection symptomatique :
Si la primo-infection survient dans le pré-partum ou le mois précédant l’accouchement, le risque d’atteinte du nouveau-né est majeur (75 %) :
● si césarienne avant entrée en travail :
– traitement antiviral oculaire 5 jours ;
– surveillance clinique ambulatoire 1 à 2 mois ;
– surveillance virologique : tous les 2 jours, pendant 1 à 2 semaines, puis toutes les semaines pendant 1 mois ;
● en cas d’accouchement par voie basse ou de césarienne (après rupture des membranes de plus de 5 heures) :
– surveillance clinique et virologique et traitement antiviral oculaire ;
– aciclovir par voie intraveineuse, 10 mg/kg/8 h pendant 10 à 15 jours.
b) Récurrence vulvo-vagino-cervicale symptomatique :
Si une récurrence vulvo-vagino-cervicale symptomatique survient dans la semaine précédant l’accouchement, le risque d’atteinte du nouveau-né est de 2 à 5 % :
Une césarienne avant rupture des membranes peut être décidée.
● En cas d’accouchement par voie basse ou de césarienne après rupture des membranes pour une autre cause, pour le nouveau-né, dans tous les cas :
– surveillance clinique et virologique (selon les modalités précédemment décrites) ;
– traitement antiviral oculaire ;
– aciclovir si : prélèvements positifs et/ou signes cliniques suspects, prématurité, rupture prolongée des membranes…
c) Antécédents d’herpès génital maternel ou d’herpès chez le partenaire :
– Que ce soit chez la mère ou son partenaire, le risque néonatal d’herpès est de 1 pour 1.000.
– Les récurrences peuvent se limiter à une excrétion virale asymptomatique.
– En pratique :
. examen à l’entrée en travail (vulve, vagin et col) ;
. prélèvements sur milieu de relargage spécifique en cas de doute sur des lésions, que celles-ci soient ou non typiques d’herpès ;
. désinfection soigneuse de la filière génitale à la Bétadine ®.
– Pour le nouveau-né, si les prélèvements maternels sont positifs, discuter d’un traitement par aciclovir.
– Dans tous les cas, en cas d’accouchement malgré des lésions herpétiques, un badigeonnage du vagin à la Bétadine ® est indiqué, les touchers vaginaux seront limités, une désinfection oculaire et un traitement antiviral néonatal seront instaurés.
– Après l’accouchement, le nouveau-né et sa mère seront isolés au sein de la maternité.
– L’allaitement n’est pas contre-indiqué, à la condition d’un minimum de précautions d’hygiène.
d) Après la naissance :
S’il existe une poussée évolutive la mère doit être en chambre seule, mais l’isolement de l’enfant n’est pas obligatoire à condition que les mesures d’asepsie et de prévention soient correctement effectuées. L’enfant ne doit pas être mis dans le lit de sa mère ; celle-ci doit soigneusement protéger les lésions cutanées évolutives par des pansements occlusifs, se laver les mains et utiliser des vêtements propres chaque fois qu’elle prend l’enfant. Par contre, l’allaitement n’est pas contre-indiqué.
Nb : Les règles de prévention de la transmission post-natale de l’HSV doivent être connues des parents et de l’entourage mais également du personnel soignant : hygiène des mains, précautions de contact au niveau des lésions (si possible couvrir la lésion jusqu’à guérison).
e) Herpès extragénital :
L’herpès labial récidivant est la forme la plus commune de la maladie.
La primo-infection se caractérise par une gingivostomatite survenant, en règle, dans l’enfance, plus rarement chez l’adulte. Elle est due, dans la très grande majorité des cas, au HSV 1.
La récurrence prend l’aspect classique du “bouton de fièvre” formé de petites vésicules labiales, groupées en bouquets dont l’apparition est parfois précédée de paresthésie.
L’association herpès labial récurrent et grossesse ne présente aucun risque particulier, sauf pendant la période du post-partum où plusieurs cas de transmission au nouveau-né ont été décrits. L’infection néonatale revêt alors la même gravité que s’il s’agissait d’une contamination d’origine génitale (encéphalite, mort).
Les transmetteurs du virus peuvent être la mère, le personnel soignant ou toute autre personne de l’entourage présentant une lésion active.
Pour la mère, la prévention de la contamination nécessite le port d’un masque et l’interdiction des baisers tant que les lésions ne sont pas asséchées.
Le traitement précoce de la mère par l’aciclovir ne permet pas d’éviter tout risque de contagion, l’aciclovir ne faisant que limiter le nombre de virus dans les lésions. L’agent infectieux persiste ainsi que le risque de transmission au nouveau-né.
2) Traitement curatif :
Chez les nouveau-nés et nourrissons jusqu’à 3 mois, la posologie est calculée sur la base du poids corporel.
Herpès néonatal connu ou suspecté (et souvent avant les résultats virologiques), le schéma recommandé est de 20 mg/kg de poids corporel par voie IV toutes les 8 heures (60 mg/kg/jour) pendant 21 jours pour une maladie disséminée et du SNC, ou pendant 14 jours pour une maladie limitée à la peau et aux muqueuses.