Le virus de l’herpès génital, Herpès-virus 2 (HSV 2) est responsable de la quasi-totalité des herpès néonataux.
1. Généralités :
L’infection génitale à Herpès virus entraîne un risque d’infection gravissime chez le nouveau-né en cas de portage viral lors de l’accouchement.
La césarienne reste la règle en cas de poussée contemporaine de l’accouchement.
La prévention repose sur le dépistage des femmes à risque et la reconnaissance des poussées en fin de grossesse.
Le risque de transmission concernerait environ 1 à 3 nouveau-nés pour 10.000 naissances.
Ce risque est de :
– 1 pour 1.000 en cas d’antécédent maternel d’herpès génital récidivant (sans poussée récente),
– 2 à 5 % en cas d’herpès génital récurrent dans les jours précédant l’accouchement,
– 75 % en cas de primo-infection au cours du 9ème mois de la grossesse.
Nb : 50 % à 75 % des herpès néonataux surviennent chez des enfants dont les mères n’ont aucun symptôme d’herpès.
2. Epidémiologie :
Dans une population de femmes enceintes ayant des antécédents d’herpès génital, une récurrence herpétique est retrouvée pour 80 % d’entre elles. En effet, la grossesse semble augmenter la fréquence des récurrences de l’herpès génital.
De plus, le risque de récidive augmente significativement avec le terme de la grossesse.
3. Transmission mère-enfant :
Le virus de l’herpès peut être transmis par la mère : pendant la grossesse, au moment de l’accouchement ou après celui-ci.
1) Contamination anténatale :
Elle peut être consécutive à deux mécanismes :
– par voie transplacentaire (hématogène) ; elle s’observe lors de la virémie qui accompagne une primo-infection sévère,
– par voie transcervicale ascendante à partir de lésions virales siégeant sur le col utérin ; elle est favorisée par la rupture des membranes, mais existe probablement aussi à membranes intactes. Le risque d’atteinte du fœtus est corrélé à la durée d’exposition : rare lorsque la rupture est inférieure à 4 heures, habituellement constante après 24 heures.
L’infection anténatale entraîne des conséquences d’autant plus graves, qu’elle survient plus tôt au cours de la grossesse.
2) Contamination per-natale :
La descente de l’enfant dans les voies génitales (contaminées) au moment de l’accouchement représente le mode habituel de la contamination, avec comme conséquence possible, le redoutable herpès néonatal.
3) Contamination post-natale :
La contamination est possible dans le post-partum, après manipulation du nouveau-né par un porteur de virus que ce soit la mère, l’entourage ou le personnel soignant (herpès génital ou céphalique).
4. Clinique :
L’herpès génital de la femme enceinte est le plus souvent dû à l’HSV 2.
L’infection maternelle peut se manifester sous 3 formes : primo-infection herpétique, récurrence clinique et excrétion virale asymptomatique.
1) Primo-infection herpétique :
Elle est rare pendant la grossesse. En effet, l’abaissement de l’âge des premières relations sexuelles, la multiplication des partenaires et l’âge souvent tardif des grossesses font que la femme a plus de chance de faire une primo-infection herpétique avant la grossesse que pendant.
L’aspect clinique d’une primo-infection herpétique génitale est le plus souvent sévère.
Après une période d’incubation courte (2 à 7 jours parfois un peu plus), l’infection herpétique se manifeste par une vulvo-vaginite aiguë très douloureuse et prurigineuse à début très brutal. La muqueuse vulvaire (face interne des petites et grandes lèvres) est érythémateuse et œdématiée, couverte de petites vésicules à contenu clair, isolées ou groupées en bouquet, laissant rapidement place à des érosions douloureuses.
Il existe souvent des lésions identiques sur la paroi vaginale, le col utérin (où prédominent les lésions ulcérées), la région anale.
– Une fois sur deux environ, cette vulvite aiguë douloureuse s’accompagne de signes généraux (syndrome pseudo-grippal) : fièvre à 39°C, altération de l’état général avec asthénie, céphalées, myalgies…
– Il existe fréquemment une dysurie et parfois une rétention urinaire liées à une atteinte urétrale.
La guérison se fait spontanément en 15 à 20 jours.
Parfois la primo-infection herpétique se manifeste de façon beaucoup moins sévère, voire asymptomatique…
La primo-infection génitale à HSV survenant dans la ou les semaines précédant l’accouchement est un événement rare mais le risque de transmission y est très élevé (75 % sans traitement).
2) Récurrence herpétique :
Elle est beaucoup plus fréquente. Il est possible que la grossesse augmente la fréquence des récurrences. L’aspect clinique est bien connu des patientes. Le début se manifeste par une sensation de cuisson ou de brûlure locale. Puis apparaît une plaque érythémateuse sur laquelle vont apparaître quelques petites vésicules groupées en bouquet.
Le siège de la lésion est souvent identique chez la même patiente : vulvaire, cutané, péri-anal, voire au niveau de la fesse. La guérison spontanée se fait en 7 à 10 jours.
3) Excrétion virale asymptomatique :
Sa fréquence est estimée entre 0,2 à 7 % des femmes enceintes.
Elle constitue une forme habituelle de récurrence (et exceptionnelle de primo-infection).
L’absence de manifestations cliniques n’exclut donc pas la possibilité d’une excrétion virale asymptomatique dans la filière génitale au moment de l’accouchement. Cette source de contamination ne peut être dévoilée que par les examens complémentaires, puisque aucune lésion visible ne la fait soupçonner.
Nb : L’excrétion virale asymptomatique est la première cause d’herpès néonatal (deux tiers des cas). C’est alors l’herpès néonatal qui révèle l’infection génitale maternelle, ce qui souligne les difficultés de mise au point des stratégies de prévention.
5. Dépistage :
1) Dépistage pendant la grossesse :
Le dépistage ne peut pas être systématique pour toutes les femmes en fin de grossesse, c’est pourquoi il restera toujours des cas inconnus.
La définition d’une population à risques est donc primordiale :
– patientes ayant des antécédents d’herpès génital,
– patientes dont le partenaire signale un herpès génital avéré, et
– patientes ayant présenté des lésions cutanéomuqueuses suspectes pendant la grossesse.
Le diagnostic sérologique étant d’un intérêt limité, le dépistage de la maladie herpétique est basé d’une part sur la reconnaissance clinique des lésions, d’autre part, devant toute lésion suspecte, sur l’isolement du virus par cultures cellulaires.
Nb : Lorsqu’il existe un herpès génital chez le partenaire, il faut conseiller au couple d’avoir des rapports avec préservatifs ou de suspendre tout contact sexuel au cours du dernier trimestre.
2) Dépistage pendant l’accouchement :
Les problèmes posés par l’isolement du virus (nécessité d’un laboratoire spécialisé et disponible, délai minimal de 36 heures pour obtenir un résultat) font que cette technique n’est pas utilisable pendant l’accouchement.
Seules des méthodes rapides et fiables basées notamment sur la mise en évidence de l’antigène viral seraient un progrès important. Cependant, leur sensibilité est encore insuffisante et leur généralisation difficile actuellement.
Le diagnostic de l’herpès génital pendant l’accouchement repose donc encore sur la découverte de lésions cliniques au niveau du col et au niveau de la vulve nécessitant toute l’attention de l’examinateur.
6. Diagnostic :
– C’est l’interrogatoire et l’examen clinique soigneux qui sont à la base du diagnostic.
L’examen au spéculum permet le prélèvement de lésions objectivées en macroscopie, sinon un prélèvement endocervical sur milieu de relargage spécial peut toujours être fait, mais est de fiabilité douteuse.
– Cependant, le diagnostic est encore trop souvent fait par isolement du virus sur culture de cellules par immunofluorescence et la sérologie dans le sérum et le LCR chez un nouveau-né ayant un tableau herpétique dans les premières semaines de vie.
– La sérologie maternelle n’a que peu d’intérêt diagnostique, sauf dans les primo-infections puisque les IgM, fortement positives, permettent alors une certitude diagnostique.
7. Evolution et pronostic :
1) Risques pour la mère :
– En cas de primo-infection sévère disséminée, la grossesse est un facteur péjoratif avec un risque accru de décès maternels (environ 40 %).
– Par contre, une poussée d’herpès occasionne une simple gêne sans conséquence supplémentaire.
2) Risques pour le fœtus :
Surtout importants en cas de PRIMO-INFECTION HERPETIQUE :
– avec un risque élevé d’avortements spontanés en cas d’atteinte au 1er trimestre,
– risque de prématurité et de RCIU en cas d’atteinte au 2ème et 3ème trimestres,
– tableau infectieux sévère avec lésions viscérales du fœtus aboutissant à la MIU ou à de graves séquelles neurologiques dans la moitié des cas, en particulier lorsque la contamination a lieu avant la 20ème semaine : choriorétinite, microphtalmie, microcéphalie.
3) Et surtout, risques néonataux :
Le taux de mortalité de l’herpès néonatal varie en fonction du type d’atteinte : de zéro pour les infections de la peau, des yeux et de la bouche, à 15 % dans les encéphalites et 60 % dans les infections néonatales disséminées, même avec un traitement antiviral approprié. Non seulement ces infections ont une mortalité élevée, mais elles ont également une morbidité significative, et seuls 40 % des enfants (survivants) avec une encéphalite ou une infection disséminée auront un développement ultérieur normal, même traités avec un antiviral adapté.
Aussi, le dépistage clinique et la recherche du virus herpétique s’imposent chez une femme enceinte à haut risque (femme ayant des antécédents d’herpès génital récidivant, femme présentant des herpès génitaux pendant la grossesse, femme dont le partenaire est atteint d’herpès génital) afin, éventuellement de proposer un accouchement par césarienne.
8. Conduite à tenir :
Plusieurs situations peuvent être distinguées :
1) Primo-infection herpétique en cours de grossesse :
Il s’agit d’une situation beaucoup plus rare que les récurrences.
a) Primo-infection survenant dans le mois précédant l’accouchement : elle fait courir un risque d’herpès néonatal de 75 % en cas d’accouchement par les voies naturelles ⇒ la césarienne est impérative.
En outre, il est de plus en plus souvent proposé un traitement maternel antiviral dans le but d’éviter les formes graves pour la mère et également de diminuer le risque de transmission au fœtus (aciclovir).
b) Primo-infection avant 36 SA : certains ont récemment proposé d’utiliser systématiquement l’aciclovir jusqu’au terme, afin de permettre un accouchement par voie basse en l’absence de lésion clinique.
2) Récurrence d’herpès en cours de grossesse :
Une poussée dans la semaine précédant l’accouchement entraîne un risque de contamination néonatale de 2 à 5 % ⇒ la césarienne doit être proposée.
L’intérêt d’un traitement antiviral maternel n’a pas fait la preuve de son efficacité.
– En cas de récurrence avant 34 SA : l’attitude est comparable à celle proposée en cas d’antécédent avant la grossesse.
– En cas de poussée survenue après 34 SA : certains proposent encore des prélèvements hebdomadaires et n’autorisent la voie basse qu’après un prélèvement négatif.
Dans tous les cas où l’accouchement par voie basse est accepté, les précautions déjà décrites doivent être scrupuleusement observées.
3) Antécédents de poussée herpétique avant la grossesse :
C’est la situation de loin la plus fréquente.
L’interrogatoire doit s’efforcer de préciser la réalité de cet antécédent (d’où l’intérêt d’obtenir au moins une confirmation virologique lors d’une poussée chez une femme désirant des enfants).
Le risque de contamination per partum est évalué autour de 1 ‰ dans cette population.
L’attitude classique qui consistait à proposer des prélèvements virologiques hebdomadaires au 9ème mois est actuellement abandonnée, compte tenu de son rapport coût-efficacité prohibitif.
La règle admise par la majorité des auteurs est celle du “pas de lésions, pas de césarienne”.
Il convient donc, chez toutes ces patientes, à l’entrée en travail, d’effectuer un examen minutieux de la filière génitale (y compris examen au spéculum) et d’interroger sur l’absence de prodromes avant d’autoriser l’accouchement par voie basse.
Les autres précautions classiques restent nécessaires : désinfection des voies génitales à la Bétadine ®, contre indication des électrodes ou prélèvements au scalp fœtal, et pour le nouveau-né, bain bétadiné et collyre antiviral.
Certains proposent, en outre, la réalisation d’un prélèvement virologique en début de travail (isolement viral, faces interne et externe des petites lèvres + col utérin), ou chez le nouveau né (conjonctives et cavité buccopharyngée), le résultat étant le plus souvent disponible dans les jours suivants, permettant un traitement “de rattrapage” du nouveau-né.
Traitement MEDICAL en cas d’association Herpès + grossesse :
A] Traitement antiviral curatif :
1) PRIMO-INFECTION :
Il est recommandé d’initier un traitement antiviral en cas de primo-infection d’herpès génital pendant la grossesse :
● Aciclovir 200 mg x 5/jour ou,
● Valaciclovir 1 gr x 2/jour pendant 5 à 10 jours.
Efficacité similaire du valaciclovir (2 gr) avec seulement 2 prises par jour comparé à l’aciclovir (1 gr reparti en 5 prises/jour).
Ce traitement antiviral peut être initié devant une suspicion d’herpès génital sans attendre les résultats des examens biologiques, en fonction de l’état clinique et du délai attendu des résultats.
Les traitements topiques antiviraux sont moins efficaces que les traitements par voie générale.
Les données relatives aux potentiels effets secondaires fœtaux et néonataux d’un traitement par aciclovir ou valaciclovir pendant la grossesse sont rassurantes.
2) RECURRENCES :
Un traitement par aciclovir (200 mg x 5 par jour) ou valaciclovir (500 mg x 2/jour) peut être proposé, pour 5 jours pour réduire la durée et l’intensité des symptômes, devant des prodromes ou une récurrence d’herpès génital, dans les 24 heures suivant le début de l’éruption chez une femme enceinte très invalidée par ses symptômes.
Néanmoins, le bénéfice du traitement est modeste, avec une réduction de la durée de l’excrétion virale et de la durée des symptômes de 1 à 2 jours.
B] Traitement antiviral prophylactique (de l’herpès néonatal) :
Bien qu’il n’existe pas de bénéfice démontré du traitement prophylactique pour réduire le risque d’herpès néonatal, il est recommandé de mettre en place une prophylaxie antivirale à partir de 36 SA et jusqu’à l’accouchement afin de réduire le risque de césarienne pour lésion herpétique :
– en cas de primo-infection pendant la grossesse,
– mais aussi chez les femmes ayant présenté au moins une récurrence pendant la grossesse :
● Aciclovir 800 mg = 2 cp à 200 mg x 2/jour, ou
● Valaciclovir 1 gr = 1 cp à 500 mg x 2/jour.
Nb : En cas de grossesse gémellaire : le traitement peut être initié dès 32 SA en raison du risque majoré d’accouchement prématuré (Idem dans d’autres situations à risque important d’accouchement prématuré).
Chez les femmes ayant un antécédent d’herpès génital et pour lesquelles le dernier épisode de récurrence est antérieur à la grossesse, le bénéfice du traitement prophylactique n’est pas démontré.
Il n’est donc pas recommandé de proposer systématiquement une prophylaxie antivirale aux femmes qui n’ont pas eu de récurrence pendant la grossesse, mais elle sera d’autant plus à considérer que les récurrences étaient récentes et fréquentes avant la grossesse.
LA PREVENTION… EN PRATIQUE
1) La césarienne prophylactique :
Eviter le contact entre l’enfant et les voies génitales infectées constitue le premier moyen de prévenir l’herpès néonatal.
Extraire l’enfant par césarienne est donc impératif si :
– la patiente présente des lésions d’herpès génital au moment de l’accouchement,
– la patiente a présenté un herpès génital récurrent dans la semaine précédent l’accouchement,
– la patiente a présenté des lésions génitales en relation avec une primo-infection dans le mois précédant l’accouchement.
Ces délais ont été calculés en fonction de la durée d’excrétion du virus dans ces trois situations, en sachant que l’excrétion du virus persiste 1 semaine après une récurrence et 3 semaines après une primo-infection.
Nb : Après 6 heures de rupture des membranes, la probabilité de contamination est telle qu’elle rend inutile la césarienne ; il faut dans ce cas éviter la pose d’électrodes fœtales au niveau du scalp, accusées par certains de constituer un point d’entrée pour le virus.
Enfin, l’application d’un collyre antiviral après réalisation de prélèvements multiples pour culture, est recommandée.
En cas de lésions herpétiques situées loin de la vulve (fesse, dos…), l’excrétion virale au niveau du col est tellement inhabituelle que la voie basse peut être autorisée.
2) Accouchement par les voies naturelles :
Il est indiqué s’il n’existe aucune symptomatologie (prurit, paresthésie périnéale), ni aucune lésion vulvaire ou cervicale suspecte, après un examen clinique soigneux et en tenant compte de la date et de la localisation de la dernière poussée herpétique.
3) Mesures prophylactiques :
– Lors de l’accouchement naturel d’une patiente à risque, certaines précautions doivent être prises :
. badigeonner la filière génitale par les solutions iodées (Bétadine ®),
. limiter les touchers vaginaux,
. rompre les membranes le plus tardivement possible,
. éviter tout traumatisme au niveau de la présentation : ni électrodes céphaliques, ni microprélèvements pour mesure du pH.
– Si un accouchement naturel se produit pendant une poussée d’herpès génital récurrent, cela impose chez le nouveau-né des prélèvements viraux (vésicules, pharynx, conjonctives, urines, voire liquide céphalorachidien), l’isolement et la discussion d’un traitement antiviral selon la clinique ou après résultat des cultures.
– Par contre, devant un accouchement naturel inopiné au cours d’une infection primaire, le traitement du nouveau-né est systématique.
– Dans les suites de couches, en particulier après naissance par césarienne pour lésions génitales actives, la mère doit être en chambre seule et ne pourra manipuler son enfant qu’après certains conseils : lavage soigneux des mains, port d’une blouse, éviter le contact avec le lit maternel.
La séparation de la mère et de son enfant n’est pas nécessaire si les consignes de prudence sont respectées.
Le risque de transmission du virus par le lait maternel n’est pas prouvé, ce qui autorise ce mode d’alimentation.
– En ce qui concerne le personnel soignant, il doit être informé du risque et respecter certaines précautions : lavage des mains, port de blouse et de gants en cas de toilette vulvaire, manipulation du linge, des garnitures et des pansements comme du matériel contaminé.