L’infection urinaire (IU) au cours de la grossesse peut se manifester sous trois formes :
– la colonisation urinaire gravidique (ou bactériurie asymptomatique),
– la cystite aiguë gravidique,
– et la pyélonéphrite aiguë gravidique.
Le risque de la colonisation urinaire et de la cystite aiguë est l’évolution vers la pyélonéphrite.
La pyélonéphrite aiguë est responsable d’une morbidité maternelle et peut être associée à un risque accru de prématurité.
L’augmentation de la prévalence des IU chez la femme enceinte résulte de plusieurs facteurs favorisants :
– les modifications anatomiques avec compression de l’appareil urinaire par l’utérus gravide,
– l’augmentation de la capacité vésicale due à l’action myorelaxante de la progestérone,
– l’activité bactéricide des urines diminuée par leur dilution,
– l’immunodépression physiologique.
1. Colonisation urinaire gravidique :
1) Facteurs favorisants :
– Antécédent d’infection urinaire.
– Activité sexuelle.
– Bas niveau socioéconomique.
2) Dépistage :
a) Chez les femmes sans risque antérieur d’infection urinaire :
Bandelette urinaire (BU) mensuelle à partir du 4ème mois de grossesse.
Si BU positive (leucocytes et/ou nitrites positifs) : un ECBU doit être réalisé.
b) Chez les femmes à risque antérieur d’infection urinaire :
(uropathie sous-jacente organique ou fonctionnelle, diabète, antécédents de cystite aiguë récidivante) :
Un ECBU est réalisé à la première consultation de suivi de grossesse, puis tous les mois à partir du 4ème mois.
• Une colonisation urinaire est définie par une bactériurie ≥ 105 UFC/ml monomicrobienne (la leucocyturie n’intervient pas dans la définition).
>>> Une bactériurie sans leucocyte doit faire répéter l’examen mais il ne faut pas hésiter à traiter si on est dans une situation à risques (Cf. plus haut) ou si le germe n’est pas ce que l’on rencontre habituellement dans les souillures.
>>> Une leucocyturie sans germe doit faire rechercher :
– une contamination par les sécrétions vaginales (présence de cellules épithéliales vaginales),
– un BK sur un terrain à risques,
– une néphropathie de type interstitielle (hypercréatinémie, protéinurie, fuite sodique),
– un Chlamydiae,
– un calcul des voies excrétrices, qui s’accompagne d’hématies.
3) Conduite à tenir :
* Traitement adapté aux résultats de l’antibiogramme, à commencer dès réception des résultats (pas de traitement probabiliste).
* Les traitements recommandés sont :
1ère intention | Amoxicilline | 1 g x 3/j PO | 7 jours |
2ème intention | Pivmécillinam (SELEXID ®) | 400 mg x 2/j PO | 7 jours |
3ème intention | Fosfomycine (MONURIL ®) | 1 sachet de 3 g PO | dose unique |
4ème intention | Triméthoprime (TMP) | 1 cp (300 mg)/j PO à éviter avant 10 SA | 7 jours |
5ème intention | Nitrofurantoïne (FURADANTINE ®) | 100 mg x 3/j PO | 7 jours |
Cotrimoxazole “forte” (800 mg/160 mg) (SMX-TMP) | 1 cp x 2/j PO à éviter avant 10 SA | 7 jours | |
Amoxicilline-acide clavulanique (AUGMENTIN ®) | 1 g x 3/j PO | 7 jours |
4) Orientation :
ECBU de contrôle 8 à 10 jours après l’arrêt du traitement, puis ECBU mensuel jusqu’à l’accouchement.
2. Cystite aiguë :
1) Signes cliniques :
– Brûlures mictionnelles, particulièrement en fin de miction +++.
– Mictions impérieuses.
– Pollakiurie (habituelle durant la grossesse).
– Pesanteur, voire douleurhypogastrique.
– Urines troubles et nauséabondes.
– Hématurie possible (30 %), mais n’est pas un signe de gravité.
– Absence de fièvre ou de douleurs lombaires.
2) Examen complémentaire : ECBU :
L’ECBU est positif si :
– leucocyturie ≥ 104/ml,
– et bactériurie ≥ 103 UFC/ml pour Escherichia coli et Staphylococcus saprophyticus et ≥ 104 UFC/ml pour les autres bactéries (entérobactéries, entérocoques, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Corynebacterium urealyticum).
3) Conduite à tenir :
* Traitement probabiliste (à débuter sans attendre les résultats de l’antibiogramme) :
1ère intention | Fosfomycine (MONURIL ®) | 1 sachet de 3 g PO | dose unique |
2ème intention | Pivmécillinam (SELEXID ®) | 400 mg x 2/j PO | 7 jours |
* Puis adaptation du traitement à 48 h selon les résultats de l’antibiogramme. :
1ère intention | Amoxicilline | 1 g x 3 PO | 7 jours |
2ème intention | Triméthoprime | 1 cp (300 mg)/j à éviter avant 10 SA | 7 jours |
3ème intention | Nitrofurantoïne (FURADANTINE ®) | 100 mg x 3/j PO | 7 jours |
4ème intention | Cotrimoxazole “forte” (800 mg/160 mg) | 1 cp x 2/j PO à éviter avant 10 SA | 7 jours |
Amoxicilline-acide clavulanique (Augmentin ®) | 1 g x 3/j PO | 7 jours |
4) Orientation :
ECBU de contrôle 8 à 10 jours après l’arrêt du traitement, puis ECBU mensuel jusqu’à l’accouchement.
3. Pyélonéphrite aiguë :
La pyélonéphrite est une complication de la cystite non traitée ; elle survient surtout droite en raison de la compression de l’uretère droit par l’utérus.
1) Signes cliniques :
– Signes de cystite aiguë,
– avec fièvre, frissons, douleurs pelviennes latéralisées ou crise de colique néphrétique typique.
⊗ Signes de gravité :
. sepsis grave,
. choc septique,
. indication de drainage chirurgical ou interventionnel.
2) Examens complémentaires :
– ECBU réalisé en urgence, mêmes seuils de leucocyturie et bactériurie que pour la cystite aiguë.
– NFS, créatininémie et CRP.
– Hémocultures.
– Echographie des voies urinaires et avis urologique.
– Avis obstétrical systématique quel que soit le terme (monitoring fœtal si on est au 3ème trimestre).
4) Diagnostic différentiel :
– Listériose : à laquelle il faut toujours penser devant une fièvre chez la femme enceinte, est éliminée par les hémocultures,
– appendicite : diagnostic difficile chez la femme enceinte : valeur de la douleur à la pression du bord droit de l’utérus, des signes subocclusifs, de la colectasie à l’ASP mais parfois le diagnostic est fait à la laparotomie exploratrice,
– cholécystite aiguë : valeur de la perturbation du bilan hépatique et de l’échographie vésiculaire,
– paludisme : il est évoqué en cas de voyage, même ancien.
5) Pronostic :
La pyélonéphrite met en jeu le pronostic :
– maternel : septicémie, pyonéphrose, destruction du parenchyme rénal et insuffisance rénale aiguë ou chronique,
– fœtal : prématurité, mort in utero au cours d’une septicémie, l’hypotrophie fœtale ne s’observe que chez les femmes qui ont une insuffisance rénale chronique.
6) Conduite à tenir :
– Traitement systématique probabiliste sans attendre les résultats de l’antibiogramme.
a) En l’absence de signe de gravité :
– 1ère intention :
. céfotaxime (Claforan ®) : 1 à 2 g x 3/j en IV,
. ou ceftriaxone (Rocéphine ®) : 1 à 2 g x 2/j en IV.
– 2ème intention (ou allergie aux bêta-lactamines) :
. aztréonam (Azacatam ® ) : 1 g x 3/j en IV,
. ou ciprofloxacine (Ciflox ® ) : 400 mg x 2/j en IV en l’absence de traitement par quinolones dans les 6 derniers mois.
b) Avec signes de gravité :
– 1ère intention :
. céfotaxime (Claforan ®) : 1 à 2 g x 3/j en IV,
. ou ceftriaxone (Rocéphine ®) : 1 à 2 g x 2/j en IV,
. et amikacine (Amiklin®) : 30 mg/kg/j en IVSE de 30 min.
– 2ème intention : aztréonam (Azacatam ®) : 1 g x 3/j en IV et amikacine (Amiklin®) : 30 mg/kg/j en IVSE de 30 min.
– Si choc septique avec facteur de risque d’IU à EBLSE (Entérobactéries productrices de β-lactamases à spectre étendu) ou antécédent de colonisation urinaire ou d’IU à EBLSE < 6 mois : imipénème (Tienam ®) 1 g x 2/j ou x 3/j en IV et amikacine (Amiklin ®) : 30 mg/kg/j en IVSE de 30 min.
– Facteur de risque d’IU à EBLSE : colonisation urinaire ou IU à EBLSE, antibiothérapie par pénicilline + inhibiteur des bêtalactamases, céphalosporine de 2ème ou 3ème génération, fluoroquinolone.
– Réévaluation de l’antibiothérapie à 48 h avec les résultats de l’ECBU en privilégiant un antibiotique à spectre étroit : amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, céfixime, ciprofloxacine, triméthoprime-sulfaméthoxazole.
– Durée de traitement : 10 à 14 jours.
7) Orientation :
– Hospitalisation initiale.
– Retour à domicile à 48-72 h si évolution favorable et résultats de l’ECBU disponibles.
– ECBU de contrôle 8 à 10 jours après l’arrêt du traitement puis ECBU mensuel jusqu’à l’accouchement.