Les vomissements gravidiques, symptôme physiologique du 1er trimestre, sont un motif fréquent de consultation ainsi que d’hospitalisation dans les formes incoercibles (qui compliquent 0,5 à 2 % des grossesses).

Les vomissements gravidiques sont :

– soit un signe banal de grossesse, rangé traditionnellement dans le cadre des signes neurosympathiques de la grossesse ; ils sont propres à l’espèce humaine ;

– soit une complication sévère voire gravissime du début de la grossesse.

Les vomissements incoercibles sont responsables d’une perte de poids (supérieure à 5 % du poids initial) avec déshydratation, acidocétose et hypokaliémie.

En cas de déséquilibres sévères (hyperémèse gravidique), il est impératif d’hospitaliser la patiente, d’éliminer une origine organique et de traiter efficacement les vomissements afin d’éviter une évolution vers la mort maternelle ou fœtale.

1. Physiopathologie :

1) Phénomènes hormonaux : il faut une grossesse évolutive !

Beaucoup de systèmes hormonaux ont été étudiés : hCG, estrogènes, hormones thyroïdiennes, corticoïdes…

2) Phénomènes psychologiques :

– Dysadaptation affective de la femme par rapport à sa grossesse ou/et à son entourage ( » le vomissement est un langage par lequel s’exprime une détresse psychologique « ).

– On relève souvent des problèmes socio-culturels… il existe des craintes, un rejet de la grossesse.

Ce sont souvent des jeunes primigestes, très dépendantes de leur mère, soumises à des conflits familiaux : conflit affectif avec le mari (absences fréquentes), avec la famille (dépendance), à la personnalité immature, infantile.

2. Types de vomissements :

1) Vomissements simples :

Les vomissements banals sont le début des vomissements graves :

– Conditions de survenue : le matin, au réveil, à l’occasion des repas ; parfois déclenchés par des odeurs ;

– Rapidité d’apparition après l’ingestion alimentaire ;

– Ils sont  » faciles « , sans efforts vrais de vomissements ; 

– Ils sont répétés chaque jour et plusieurs fois par jour ;

– Etat général peu altéré.

Leur abondance et leur répétition les rendent graves.

2) Vomissements incoercibles (ou graves) :

a) Définition :

Sont dits graves les vomissements entraînants :

– Un amaigrissement de plus de 10 % du poids corporel ;

– Une acétonurie à +++ ou ++++ ;

– Des signes cliniques de dénutrition ou de déshydratation.

b) Signes cliniqes : les vomissements

– Intolérance gastrique absolue : la malade vomit immédiatement tout ce qu’elle vient d’absorber.

– Efforts de vomissements, improductifs : douleurs épigastriques parfois intenses

– Asthénie rapide et profonde.

– On recherche :

* Signes de déshydratation extra cellulaires :

. Faciès tiré, yeux cernés, langue rôtie et râpeuse ;

. Le pli cutané persiste ;

. Hypotension ;

. Oligurie ;

. La malade n’a pas soif +++ .

* Signes de dénutrition :

. Amaigrissement de plus de 10 kg ;

La perte quotidienne peut atteindre 500 g (fonte du pannicule adipeux et des masses musculaires).

* Complications de la grossesse : môle et gémellaire.

c) Diagnostics différentiels :

– Syndromes digestifs : occlusion, appendicite, ulcère, cholécystite, hernie hiatale…

– Syndromes rénaux : infections urinaires ;

– Syndrome hypertensif : prééclampsie ;

– Syndromes neurologiques : affections neuro-méningées, tumeurs (FO) ;

– Syndromes psychiatriques : patientes qui se font vomir ;

– Le ptyalisme, observé surtout chez certaines africaines ; serait un équivalent des vomissements, mais ne pose guère de problèmes de réanimation (traitement : faire mâcher du chewing-gum pour faire avaler la salive).

d) Signes biologiques :

– déshydratation et hémoconcentration :

. Natrémie normale en général ;

Baisse légère du chlore et du potassium ;

Elévation de l’hématocrite et des protides ;

Le Na urinaire est bas (le rein « verrouille » le sodium). Le potassium urinaire est plus élevé (inversion du rapport Na/K).

– hypercatabolisme : élévation de l’urée sanguine ; présence de corps cétoniques urinaires (jusqu’à 3 à 5 g/l) ;

– troubles de l’équilibre acido-basique : alcalose hypochlorémique due aux vomissements, puis acidose métabolique due à la dénutrition.

e) Evolution :

– Sans traitement : apparition de signes de gravité : fièvre, subictère, oligoanurie, signes neurologiques : torpeur, syndrome de Gayet Wernicke.

A ce stade là, la mort survient en quelques jours.

– Avec traitement : le pronostic est en général bon, mais rechutes fréquentes, surtout par défaut de traitement.

4. Recherche de signes de gravité :

– Vomissements incoercibles, toute la journée, au-delà de 3 mois ;

– ou complications :

. déshydratation (hyponatrémie, hypokaliémie, hypochlorémie, cétonurie) ;

. amaigrissement > 5 % ;

. insuffisance rénale, hypercalcémie ;

. cytolyse, hyperbilirubinémie ;

. encéphalopathie de Gayet-Wernicke (carence en vit. B1).

5. Conduite à tenir :

1) En l’absence de signes de gravité :

– Repos (arrêt de travail) ;

– Rassurer ;

– Repas fractionnés et en petites quantités ;

– Eviter les boissons en dehors des repas ;

– Favoriser les graisses et le sel ;

– Arrêter tabac, fer, exclure les odeurs fortes ;

– Antiémétiques à proposer :

. métoclopramide (Primpéran ®) 1 cp avant les repas ou en suppositoire ;

. ou métopimazine (Vogalène ®) 1-2 cp ou en suppositoire ;

. ou dompéridone (Motilium ®) 3-6 cp/j ;

– Associer facilement un antiacide : hydroxydes d’aluminium et de magnésium (Maalox ®, Gelox ®) ou alginate + bicarbonate de sodium (Gaviscon ®) ± ranitidine (Azantac ®).

2) En cas de signes de gravité :

Vomissements incoercibles, compliqués, toute la journée, ou au-delà de 3 mois avec une perte de poids > 5 % ⇒ HOSPITALISATION.

NB : La déshydratation est due à la restriction des apports et aux vomissements ; les pertes en Na, Cl et K sont masquées par l’hémoconcentration.

Le jeûne conduit à l’épuisement des réserves glucidiques (avec métabolisme lipidique, apparition de corps cétoniques).

a) Bilan :

– Clinique : fréquence, retentissement, palpation abdominale (appendicite ?), orifices herniaires (occlusion ?)…

– NFS, CRP, ionogramme, uricémie, créatininémie, bilan hépatique, Ag HBS, TSHus, T3, T4, chimie des urines (bandelettes) ;

– Poids, diurèse ;

– Echographie obstétricale : vitalité, liquide amniotique, placentation ;

– Echographie hépatovésiculaire ;

– Si persistance ou soupçon de pathologie organique : consultation gastro-entérologique (fibroscopie).

b) Traitement :

1- L’isolement : indispensable (demi-obscurité, dans le calme, en chambre seule), en limitant les visites si besoin ;

2- Arrêt de l’alimentation ;

3- Psychothérapie de soutien +++  (entretien avec un psychologue ± assistante sociale selon les cas) ;

4- Perfusions pour corriger la déshydratation (sels) l’hypoglycémie et le jeûne :

. GS 2 L/j + Na Cl 4 g/L, KCl 2 g/j (ou PGS % 2 L/j) et polyvitamines : 2 amp/j  (prévention des complications neurologiques+++) ;

. ou métoclopramide (Primpéran ®) 30-40 mg/j (3-4 amp/j) ;

. ou métopimazine (Vogalène ®) 10-20 mg/j (1-2 amp/j) ;

. ± chlorpromazine (Largactil ®) 15 gouttes, 3 fois/j ;

5- Associer facilement antiacide : hydroxydes d’aluminium et de magnésium (Gelox ®, Maalox ®) ou alginate + bicarbonate de sodium (Gaviscon ®) ± ranitidine (Azantac ®) ;

6- Une sonde nasogastrique peut être nécessaire (exceptionnel).

c) Evolution :

– Surveillance : poids, hydratation, diurèse/24 h, ionogramme en fonction des troubles ;

– Réalimentation progressive après 48 h sans vomissements, d’abord légère, solide, puis normale 24 h après si RAS ;

– Arrêt de perfusion si pas de vomissements et bonne alimentation ;

– Relais par :

. métoclopramide (Primpéran ®) 1 cp avant les repas ou en suppositoire ;

. ou métopimazine (Vogalène ®) 1-2 cp ou en suppositoire ;

. ou dompéridone (Motilium ®) 3-6 cp/j ;

. associer facilement antiacide : hydroxydes d’aluminium et de magnésium (Gelox ®, Maalox ®) ou alginate + bicarbonate de sodium (Gaviscon ®) ± ranitidine (Azantac ®) ;

– Sortie à la demande.

d) Avant la sortie : 

– Conseils hygiénodiététiques :

. Repos en décubitus dossier surélevé, suppression du tabac ;

. Fractionner l’alimentation en de nombreux petits repas en diminuant les graisses et les aliments à odeurs fortes ;

. Privilégier les aliments riches en potassium (bananes, prunes, jus de fruits…) ;

– Echographie (contrôle de la grossesse), déclaration, prochain RDV ;

– Organiser le repos : discuter maison de repos ou éloignement de la famille directe.

Exemple de protocole de traitement :

J1 et J2 :

1- Jeûne complet.

2- Traitement médical :

- soit le classique cocktail lytique DPL : Péthidine (ancien Dolosal) 100 mg, Prométhazine (Phenergan) 50 mg et Chlorpromazine (Largactil) 25 mg, 3/jour,

- soit l’association Phenergan Largactil, en doses fractionnées ou en perfusion, 3 fois par jour,

- soit le Sulpiride (Dogmatil) : 100 mg IM, 3 fois par jour.

3- Réanimation : 

- apport quotidien de 2 L à 2.5 L de glucosé à 5% avec par litre 4 à 6 gr de NaCl et 2 à 3 g de KCl,

- bicarbonate si RA basse, chlorhydrate d’arginine si RA élevée. 

J3 et J4 :

- si pas de vomissements : alimentation semi liquide, avec jus de fruits (K), sirop de K,

- Phénergan-Largactil en IM (1/2 ampoule de chaque, 30 minutes avant la prise alimentaire), ou Dogmatil (3 gélules à 50 mg/j). 

J5 et J6 :

- alimentation solide, poursuivre le Largactil per os ou le Dogmatil per os. 

Dans les formes avec signes de gravité, et lorsque le traitement initial parait insuffisant, se pose le problème d’une alimentation parentérale continue ou d’une alimentation entérale par sonde. Cette éventualité est tout à fait exceptionnelle et nécessite la collaboration avec les services compétents.

Si les nausées, parfois accompagnées de vomissements, sont fréquentes, elles ne se produisent quand même que dans 50 % des cas.

Chez certaines, ce désagrément survient à chaque grossesse ; chez d’autres pas systématiquement.

Les nausées apparaissent en général vers la 3ème semaine, elles persistent rarement au-delà du 4ème mois.

Rien n’est plus variable et capricieux que les nausées et vomissements de la grossesse, qu’il s’agisse du moment où ils se produisent ou de la cause qui les provoque.

Les nausées surviennent souvent le matin à jeun dès le lever (hypoglycémie ?) et disparaissent après le petit déjeuner ; mais elles persistent parfois pendant la matinée, ou même toute la journée.

Parfois les nausées surviennent sans raison ; parfois, au contraire, elles sont dues à des odeurs précises (tabac ou certains aliments), odeurs pas nécessairement désagréables mais intensifiées jusqu’à la nausée par l’effet des estrogènes actifs (dominants en début de grossesse) sur le centre de l’olfaction.

Il arrive aussi que certains aliments, sans provoquer de nausées, inspirent seulement du dégoût.

Les nausées s’en vont souvent comme elles sont venues ; dans d’autres cas, elles ne s’arrêtent qu’après un vomissement, qui soulage : vomissement facile, sans effort, fait d’eau, de bile ou d’aliments, suivant l’heure de la journée.

Il est courant de constater dans ces cas un léger amaigrissement de 1 à 3 kg qui ne doit pas affoler la patiente. 

L’expérience prouve qu’à terme la prise pondérale attendue est atteinte.

Que faire lorsqu’on a des nausées ? Plusieurs précautions peuvent se révéler efficaces.

Comme les nausées et les vomissements surviennent surtout quand l’estomac est vide, il est conseillé :

– si possible de prendre son petit déjeuner au lit, puis de rester allongée un quart d’heure avant de se lever,

– à ce petit déjeuner, de manger un aliment protéiné : œufs, laitages (yaourts ou fromage)…

– si ce n’est pas possible : au moins prévoir des biscuits secs ou des fruits à grignoter avant de se lever,

– dans la journée de faire des repas légers, nombreux, selon l’appétit et le goût du moment : les mets froids, moins odorants, sont mieux supportés (5 à 6 petits repas par jour),

– de manger lentement et d’éviter les aliments difficiles à digérer tels que graisses cuites, chou, chou-fleur,

– d’éviter les plats gras, les odeurs de friture, les agrumes et les épices,

– d’avoir une alimentation plus solide que liquide,

– et enfin d’éviter les odeurs mal tolérées, qu’elles soient professionnelles (cosmétiques, fromages, épices) ou domestiques, attachées au mobilier, tapis, vêtements, voiture, et… à la cuisine.

Si, malgré ces précautions, les nausées et vomissements persistent, il est préférable de les traiter rapidement, sans attendre leur installation complète. Les comprimés sont parfois… vomis, il faut donc commencer la journée par un suppositoire, et poursuivre par les comprimés. Quand ça ne suffit pas, il ne faut pas hésiter à utiliser la voie injectable (Primpéran ®) le matin.

Les nausées et vomissements disparaissent spontanément vers la fin du 3ème mois. Lorsqu’ils persistent au-delà de cette date, ce n’est pas normal (chercher alors une cause indépendante de la grossesse).

● Exceptionnellement, les vomissements peuvent devenir très fréquents et très abondants, et être responsables d’un amaigrissement important (plus de 5 kg sur quelques jours), d’une déshydratation imposant une hospitalisation. Cette hospitalisation se fera en chambre seule, l’obscurité sera maintenue, les visites interdites. Une perfusion assurera les besoins vitaux puis une réalimentation progressive sera instituée.

Cet isolement a, d’autre part, l’avantage de couper momentanément les ponts avec l’ambiance familiale, qui peut, dans de tels cas, avoir une action nocive, car souvent les vomissements graves ont une cause psychique.

A signaler également que parfois, en fin de grossesse, nausées et vomissements réapparaissent : pas plus qu’au début, ils ne doivent inquiéter.

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