Les profondes modifications physiologiques et en particulier l’inondation hormonale de la grossesse entraînent des modifications de la peau et des phanères.

Les manifestations cutanées au cours de la grossesse sont fréquentes et variées.

Il faut savoir distinguer les changements physiologiques (où les explorations et le traitement sont inutiles) des affections cutanées qui nécessitent des soins particuliers, et reconnaître les signes d’alerte.

Nous allons étudier d’une part les modifications qui, du fait de leur fréquence et de leur bénignité peuvent être considérées comme physiologiques ; d’autre part, les modifications de l’évolution de certaines dermatoses au cours de la grossesse ; enfin, les affections spécifiques uniquement rencontrées au cours de la grossesse.

1. Modifications physiologiques de la peau et des phanères :

Elles sont le résultat de changements hormonaux, de l’expansion du volume intravasculaire et de la compression des veines pelviennes et lymphatiques par l’utérus gravide.

La plupart disparaissent naturellement et progressivement après l’accouchement.

Si l’affection persiste, un traitement esthétique peut être proposé.

1) Modifications de la pigmentation :

a) Hyperpigmentation :

Une hyperpigmentation est observée de façon quasi constante au cours de la grossesse ; elle débute précocement, dès le premier trimestre.

Elle est diffuse, homogène, plus intense chez les brunes.

Elle est particulièrement visible sur les aréoles mammaires, les mamelons, le périnée et les faces internes des cuisses, les zones précédemment pigmentées (éphélides, nævi) et sur la ligne « blanche » abdominale, ligne verticale médiane du ventre (qui devient linea nigra) plus intensément en dessous de l’ombilic. 

Cette hyperpigmentation va diminuer après l’accouchement, mais une pigmentation plus ou moins accentuée peut persister pendant des mois ou des années.

b) Mélasma :

Le mélasma ou chloasma ou masque de grossesse est une hyperpigmentation en plaques gris marron du visage ; il est plus fréquent sur les peaux foncées exposées au soleil.

Il survient chez environ 70 % des femmes enceintes ; il apparaît vers le 3ème mois de grossesse, surtout en période ensoleillée.

Il est constitué de taches brunes ou marrons, de contours irréguliers, nettement limitées, grossièrement symétriques, observées sur le front, les tempes, les joues et la lèvre supérieure.

Etiologie : De nombreux facteurs sont impliqués : exposition solaire, augmentation de la sécrétion de MSH (Melanocyte Stimulating Hormone) et surtout l’action synergique des estrogènes et de la progestérone qui sont des stimulants mélanocytaires.

Les plaques disparaissent habituellement dans l’année qui suit l’accouchement, s’il n’y a pas d’exposition solaire, pour récidiver à l’occasion d’une grossesse ultérieure, une exposition solaire ou une prise de contraceptifs oraux.

Si les lésions persistent : un traitement dépigmentant local à base d’hydroquinone (Clermine ®, Leucodinine B ®), peut-être proposé, associé à une crème solaire écran total (Sunskin ®), tous les jours, pendant plusieurs mois.

Traitement préventif : protection de la peau avec un écran total, indice fort, chaque fois que le visage est exposé.

2) Poils et cheveux :

– Une hypertrichose (pilosité accrue) sur le visage, les bras et les jambes par accumulation des poils en phase de croissance peut être observée pendant la grossesse, particulièrement chez certaines femmes prédisposées ; elle disparaît dans les 6 mois après l’accouchement.

– Un hirsutisme vrai est parfois observé, et doit toujours faire l’objet d’une enquête approfondie à la recherche d’une cause, telle une tumeur virilisante de l’ovaire.

– En revanche, une chute de cheveux diffuse et brutale (effluvium télogène) survient dans les premiers mois du post-partum ; elle s’explique par la modification du cycle pilaire au cours de la grossesse sous l’influence des estrogènes.

En effet, la phase de croissance des cheveux (anagène) est prolongée tandis que la phase de régression et de destruction du poil (télogène) est bloquée : ce phénomène explique la moindre chute de cheveux observée pendant la grossesse.

Après l’accouchement, le blocage est levé, avec passage brutal de la majorité des cheveux anagènes vers la phase télogène. Cela explique le risque de chute de cheveux plus ou moins diffuse et parfois impressionnante, survenant dans un délai de 1 à 5 mois.

La récupération est souvent complète après un an ; toutefois, en cas de doute, une anémie, une carence martiale et une dysthyroïdie doivent être recherchées.

Cette alopécie se répare habituellement en quelques mois mais peut nécessiter un traitement si elle est importante :

. vitamines : Bépanthène ® (Vit. B5), Biotine ® (Vit. H) en cp et solution injectable IM,

. fer si la ferritine plasmatique est inférieure à 50 ng/ml,

. et localement Minoxidil ® solution p/appl. cutanée.

Une récidive à chaque grossesse est possible.

– Les glandes sébacées des aréoles mammaires s’hypertrophient et se transforment en multiples papules brunes (glandes de Montgomery).

– L’activité des glandes sudorales augmente au cours de la grossesse pouvant occasionner une hypersudation.

3) Modifications vasculaires :

– Des angiomes stellaires apparaissent entre le 2ème et le 5ème mois de la grossesse chez 70 % des femmes, sur la face, le cou, le thorax et les membres supérieurs (territoire drainé par la veine cave supérieure).

Ce sont de petites lésions érythémateuses en étoile où le centre, correspondant à une artériole dilatée, est entouré de capillaires à disposition radiaire ; elles s’effacent à la vitropression.

Ces angiomes disparaissent dans les 3 mois suivant l’accouchement, ne nécessitant aucun traitement.

S’ils persistent, on peut effectuer une électrocoagulation avec une aiguille fine, en dehors des périodes ensoleillées. 

Attention : une augmentation anormale du nombre d’angiomes stellaires impose un bilan hépatique (les hépatopathies peuvent réduire le catabolisme des œstrogènes).

– Une érythrose palmaire est fréquente chez 2/3 des femmes enceintes survenant pendant le premier trimestre de la grossesse, parfois localisée sur les éminences thénars et hypothénars. Il s’agit d’une coloration rose-violacée de la paume des mains (et de la plante des pieds), habituellement due à la congestion veineuse. Elle disparaît sans traitement dans la semaine qui suit l’accouchement.

– Les varicosités et varices surviennent dans 40 % des cas surtout sur les jambes ; elles apparaissent vers le 3ème mois de grossesse, souvent sur terrain familial prédisposant, et sont aggravées par la station debout prolongée.

– Les hémorroïdes deviennent fréquentes au 3ème trimestre et en post-partum, en raison du poids élevé du fœtus et de l’effort de l’accouchement.

– Un œdème transitoire ne prenant pas le godet peut atteindre les jambes en fin de grossesse et en fin de journée. En revanche, un œdème persistant du visage et des mains fait évoquer une prééclampsie.

– Un purpura pétéchial des jambes en fin de grossesse est possible mais peu fréquent. Le dosage des plaquettes sanguines est recommandé à la recherche d’une thrombopénie.

4) Modifications du tissu conjonctif (vergetures) :

Les vergetures sont des « déchirures » linéaires de la peau qui se manifestent au 2ème ou 3ème trimestre, correspondant à la destruction irréversible des fibres élastiques et du collagène du derme.

Elles surviennent à des degrés variables chez près de 90 % des femmes enceintes.

Les vergetures s’installent dès la première grossesse et siègent avec prédilection sur l’abdomen, les seins, les cuisses et les fesses.

Au plan clinique : elles se manifestent par des stries rouges puis violacées qui se transforment progressivement en bandes atrophiques blanchâtres définitives, avec une atténuation dans le temps.

Les facteurs de risque sont l’âge jeune, une histoire personnelle ou familiale de vergetures, une macrosomie, un poids maternel élevé et un gain de poids excessif pendant la grossesse.

La pathogénie de cette atteinte est mal connue : elle correspond probablement à l’association de la distension mécanique brutale de l’abdomen pendant la grossesse, sur un terrain familial prédisposé, avec l’effet aggravant de l’accroissement des estrogènes et des corticoïdes surrénaliens.

Leur apparition ou non dépend de la mise en œuvre d’une prévention et de la qualité de peau de la patiente.

En effet, quand la peau est étirée, elle se déshydrate et suscite un prurit local : il faut la nourrir.

Traitement : il n’y a pas de traitement de cette affection.

En prévention : on conseille des massages matin et soir, sur les zones prédisposées avec une crème « antivergetures » (Phytolastil ®, Mustela ®…) ou une bonne crème hydratante (Dermagor ®, Nivéa ®…) :

. au début de la grossesse : elles sont utiles sur les cuisses, l’extérieur des seins et le haut des fesses,

. plus tard, quand le ventre se forme : on les applique sur la partie basse, sous l’ombilic et ensuite sur toute la surface de l’abdomen.

On les utilise pendant toute la durée de la grossesse et, pendant les 2 mois qui suivent l’accouchement.

2. Effets de la grossesse sur les dermatoses préexistantes :

Certaines dermatoses préexistantes sont modifiées dans leur évolution par la grossesse.

1) Acné :

La grossesse influence, habituellement de manière bénéfique, l’acné. Cela peut être expliqué par l’afflux des hormones femelles et leur activité antiandrogène.

Les traitements généraux sont contre-indiqués durant la grossesse, qu’il s’agisse des tétracyclines (risques pour la dentition de l’enfant), des traitements hormonaux (contraceptif hormonal, antiandrogène) et surtout les rétinoïdes aromatiques qui sont fortement tératogènes nécessitant une contraception 3 mois après l’arrêt du traitement avant d’envisager une grossesse.

2) Psoriasis :

L’effet de la grossesse est variable, soit amélioré (32 %), soit sans effet (50 %), soit aggravé (18 %).

Les traitements locaux à base de corticoïdes sont le seul recours.

En effet, la puvathérapie (psoralènes + UVA) et les autres traitements (rétinoïdes, goudrons, dioxyanthranol, caryolysine), sont contre-indiqués chez la femme enceinte.

3) Dermatite atopique :

Certaines femmes ayant un antécédent atopique de l’enfance (eczéma ou asthme), et qui n’en souffraient plus depuis des années, voient apparaître un eczéma atopique tenace au cours d’une grossesse ou au décours d’un accouchement.

Le traitement associe antiseptique (Cytéal ® sol moussante, Septéal ® sol p appl loc), corticoïdes locaux, antibiotiques locaux (Fucidine ® Crème).

En cas de prurit très important : antihistaminiques per os, et en cas de surinfection : antibiotiques per os.

4) Nævi :

Les modifications de forme, de taille, d’épaisseur et de couleur durant la grossesse sont habituelles, tout comme l’apparition de nouveaux éléments.

Pour tout nævus suspect, une exérèse simple sous anesthésie locale, parfaitement bien tolérée durant la grossesse, sera pratiquée avec examen histologique.

3. Dermatoses spécifiques de la grossesse : Cf chapitre spécial

 
5/5 - (1 vote)

Laisser un commentaire