1. Généralités :

Les dysménorrhées sont les douleurs pelviennes qui accompagnent les règles.

Leur fréquence est difficile à déterminer (1 adolescente / 5 en France).

La douleur est très variable d’une femme à l’autre ; elle peut être légère et ne durer que quelques heures, mais, chez certaines femmes, l’intensité des douleurs peut entraver les activités quotidiennes et, par conséquent, la qualité de vie.

Elles sont à prendre en compte lorsqu’elles dépassent l’endolorissement de quelques heures du début des menstruations.

La dysménorrhée a des conséquences sociales, puisqu’elle est responsable d’absentéisme une fois sur dix.

L’interrogatoire, particulièrement minutieux, doit faire préciser les caractéristiques propres de la douleur, les signes d’accompagnement mais aussi l’environnement psycho-affectif, familial et culturel de la patiente. 

1) Interrogatoire :

Il précise :

– la notion de dysménorrhée :

. primaire (dès les premiers signes ovulatoires), ou

. secondaire (femmes de plus de 30 ans). 

– le siège de la douleur : généralement la douleur est hypogastrique, irradiant vers le périnée, le rectum, mais aussi vers les membres inférieurs, la région lombaire, l’abdomen. 

– la date de survenue :

. chez une jeune fille, sans passé gynécologique particulier, la douleur s’installe rarement à l’occasion des premières règles, mais après quelques cycles indolores ; la dysménorrhée est dite primaire ; elle est souvent essentielle ;

. chez une femme en période d’activité génitale, la dysménorrhée peut apparaître à la suite d’un épisode de la vie génitale ou sans cause apparente : cette dysménorrhée secondaire est, a priori, suspecte d’une étiologie organique. 

– l’horaire : la dysménorrhée peut précéder les règles de quelques heures et disparaître avec l’apparition d’un flux menstruel important. Elle peut aussi accompagner les règles et s’atténuer progressivement.

Enfin, la dysménorrhée peut être tardive, n’apparaissant que le 2ème ou 3ème jour.

Elle oriente en principe vers une endométriose, bien que tous les types de dysménorrhée puissent se rencontrer dans cette affection. 

– les caractères de la douleur : elle peut être :

. spasmodique à type de colique utérine, rappelant les douleurs de l’accouchement.

Elle survient en général dès l’apparition du flux menstruel, est d’emblée très intense et s’atténue progressivement en quelques heures,

. congestive, intéressant tout le petit bassin; elle succède généralement à un syndrome prémenstruel d’intensité croissante,

. un cas particulier : la dysménorrhée membraneuse, rare mais caractéristique : il s’agit d’une douleur précoce qui s’amplifie jusqu’à l’expulsion d’un moulage de la cavité utérine et d’une hémorragie assez abondante, généralement prise par la femme pour une fausse couche. 

– les signes d’accompagnement :

. signes digestifs (diarrhée, nausées, vomissements) sont les plus fréquents et témoignent d’une vagotonie réflexe,

. troubles neurovégétatifs (vertiges, lipothymie, nervosisme et céphalées). 

– l’environnement psycho-affectif : rechercher une cause déclenchante : conflit familial, changement de vie, problèmes affectifs… 

2) Examen clinique :

Il recherche une :

– une rétroversion fixée avec des nodosités au niveau des ligaments utéro-sacrés (endométriose),

– ou parfois d’une induration douloureuse des paramètres (endométriose),

– un gros utérus bosselé, fibromateux,

– masse annexielle douloureuse (kyste de l’ovaire, endométriome ovarien, fibrome sous-séreux pédiculé) ;

– des lésions cervicales (cervicite, noyau d’endométriose, sténose, bifidité).

On recherchera aussi une cloison vaginale. 

3) Examens complémentaires :

Les examens complémentaires, identiques à ceux prescrits au cours des algies pelviennes chroniques, permettent de préciser le diagnostic :

– la courbe de température peut être modifiée (insuffisance lutéale à vérifier par des dosages hormonaux),

– l’HSG, l’hystéroscopie, l’échographie, la cœlioscopie, peuvent objectiver des modifications de la cavité utérine (synéchies), un utérus fibromateux, malformé, des lésions annexielles, une endométriose. 

La dysménorrhée peut être d’origine psychogène et nécessiter un entretien avec un psychologue ou un psychiatre.

L’interrogatoire et le bilan clinique auront permis de distinguer 2 types de dysménorrhée.

Nous préférons utiliser les termes de dysménorrhée essentielle et organique au lieu de dysménorrhée primaire ou secondaire car une dysménorrhée primaire est parfois organique et une dysménorrhée secondaire parfois essentielle, comme la dysménorrhée survenant dans le post-partum.                                     

2. Dysménorrhées essentielles :

Il s’agit d’algoménorrhée apparaissant chez une jeune fille sans passé gynécologique particulier.

Cette douleur apparaît après l’installation de quelques menstruations non douloureuses, d’où le terme de dysménorrhée primaire.

Très intense, elle peut gêner considérablement la jeune fille qui est obligée de rester alitée, ce qui provoque un absentéisme scolaire préjudiciable.

La dysménorrhée essentielle ne peut exister sans cycle ovulatoire et sans contractilité d’un myomètre stimulé par les sécrétions lutéales. 

1) Physiopathologie :

– Théorie spasmodique :

Le sphincter cervico-isthmique, béant en première phase, se ferme hermétiquement après l’ovulation au cours de la phase lutéale. Avec la dégénérescence du corps jaune et la chute de la progestérone, on observe une ouverture de ce sphincter.

La dysménorrhée s’expliquerait par un retard à l’ouverture cervicale. Ceci a été confirmé par des HSG qui ont trouvé chez des femmes dysménorrhéiques un col long et très étroit.

– Théorie ischémique :

On observe un accroissement important du débit circulatoire utérin lors des contractions utérines de la menstruation.

En cas d’utérus hypoplasique ou malformé, il existe une hypovascularisation responsable de phénomènes ischémiques lors de la menstruation, donc de dysménorrhée.

– Théorie de la contractilité utérine : asynchronisme entre les contractions de l’utérus et le relâchement de l’isthme utérin.

– Prostaglandines :

Les femmes souffrant de dysménorrhée ont un taux plus élevé de prostaglandines dans l’endomètre et dans le flux menstruel, ce qui expliquerait les contractions plus fortes et plus fréquentes de leur utérus. En effet, les prostaglandines E2 et F2α entraînent des contractions du myomètre et des phénomènes douloureux.

2) Clinique :

La dysménorrhée primaire ou essentielle se caractérise par son apparition chez la jeune fille sans passé gynécologique, un examen clinique normal.

– L’interrogatoire précisera les caractères sémiologiques de la dysménorrhée, les signes d’accompagnement, le caractère invalidant ou non, l’environnement familial, psychologique et socio-culturel.

– L’examen clinique, réalisé avec tact et douceur, comportera les différents temps de l’examen gynécologique ; la mise en place d’un spéculum de vierge n’est pas systématique.

Cet examen est cependant nécessaire dans certains cas pour apprécier l’état du vagin et du col. 

3) Explorations paracliniques :

– Une échographie sera réalisée en cas de doute sur l’état de l’appareil génital.

– Les dosages hormonaux et la cœlioscopie sont inutiles. 

4) Traitement : Cf chapitre spécial

3. Dysménorrhées organiques :

Il s’agit généralement de dysménorrhée secondaire apparaissant chez une femme antérieurement bien réglée.

L’interrogatoire, l’examen clinique et un certain nombre d’investigations paracliniques seront souvent nécessaires pour découvrir une cause. 

1) Clinique :

– L’interrogatoire fera préciser :

. les caractères de la dysménorrhée,

. sa date de survenue et la notion d’une cause déclenchante : avortement provoqué, spontané, IVG, curetage compliqué d’endométrite, accouchement,

. le délai d’apparition par rapport au facteur déclenchant,

. les signes d’accompagnement,

. le profil psychologique de la patiente. 

– L’examen clinique sera méthodique, explorant les différents étages de la filière génitale :

. examen au spéculum à la recherche d’une exo et endocervicite, de kystes de Naboth, de noyaux d’endométriose, d’une malformation (bifidité cervicale, cloison vaginale).

Un FCV de dépistage complétera l’examen au spéculum.

. TV : il renseignera sur l’état de l’appareil génital : volume de l’utérus, situation, sensibilité au toucher, état des annexes. 

2) Investigations paracliniques :

– l’HSG permet d’affirmer le diagnostic d’endométriose, de préciser le siège d’un fibrome, d’un polype, d’une synéchie,

– l’échographie est indiquée devant un utérus fibromateux, une masse annexielle, dans le bilan d’une malformation utérine,

– la cœlioscopie, indiquée chez la femme jeune, surtout en cas de stérilité associée, sera réalisée en cas de contre-indication à l’HSG, ou lorsque les renseignements apportés par cet examen apparaissent insuffisants. 

3) Etiologies :

a) Endométriose : Cf chapitre spécial 

b) Pathologie utérine :

– Le fibrome et les polypes intra-utérins ont été regroupés car seules les localisations sous-muqueuses et intracavitaires sont responsables de dysménorrhée. Le diagnostic est hystérographique et/ou hystéroscopique.

Le traitement est le plus souvent chirurgical et bénéficie actuellement de la résection sous hystéroscopie. 

– Le DIU est responsable de dysménorrhée lorsqu’il est trop volumineux par rapport aux dimensions de l’utérus et par effraction tissulaire en stimulant la sécrétion des prostaglandines. L’échotomographie confirme l’incongruité du dispositif par rapport à l’utérus.

En cas d’échec du traitement par antiprostaglandines, son ablation s’impose. 

– Les synéchies traumatiques : la dysménorrhée s’explique par l’existence de lésions d’adénomyose au sein de la synéchie.

La symptomatologie habituelle est représentée par une aménorrhée muette, mais en cas de menstruation, il est fréquent de noter une dysménorrhée qui s’installe dès le cycle suivant l’intervention.

Son diagnostic est radiologique. La synéchie se traduit par une lacune constante découpée à l’emporte-pièce.

L’hystéroscopie permet de préciser les caractères de la synéchie et de réaliser son traitement. 

– Certaines malformations utérines entraînent une dysménorrhée organique primaire :

. utérus pseudo-unicorne avec utérus rudimentaire controlatéral,

. utérus bicorne bicervical avec hémi-utérus borgne. Il s’agit d’une forme rare de dysménorrhée obstructive. 

– Les troubles de la statique utérine :

. en cas d’hyperantéflexion utérine congénitale ou acquise, on peut observer une dysménorrhée de type obstructif,

. en cas de rétroversion utérine, la dysménorrhée est fréquente et améliorée par le décubitus ventral. Son traitement ne doit plus être chirurgical. 

c) Séquelles d’infection génitale :

Elles représentent encore une étiologie importante de la dysménorrhée.

Sur le plan clinique, la dysménorrhée apparaît généralement au décours d’un syndrome douloureux pelvien.

L’examen met en évidence un appareil génital sensible dans son ensemble, une mobilisation utérine douloureuse, surtout en période prémenstruelle.

La cœlioscopie confirme le plus souvent le diagnostic en permettant de constater l’existence d’adhérences au niveau du petit bassin.

Dans de nombreux cas cependant, la cœlioscopie montre un petit bassin libre.

Il s’agit de lésions sous-péritonéales du tissu cellulaire pelvien réalisant les tableaux classiques de Douglassite ou de paramétrite.

L’étiologie de ces infections génitales n’est pas univoque. Elles sont secondaires à une infection du post-abortum, post-IVG ou du post-partum, mais aussi les témoins d’infection sexuellement transmissible (IST) dont la fréquence est en progression : gonocoque, chlamydia, mycoplasme.

Le traitement de ces dysménorrhées est décevant car les antibiotiques, les anti-inflammatoires ou la chirurgie sont peu efficaces. 

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