La syphilis congénitale est une maladie infectieuse multisystémique due à Treponema pallidum et transmise de la mère au fœtus via le placenta. 

A défaut de traitement, la syphilis maternelle primaire ou secondaire est habituellement transmise, mais elle n’est transmise que dans 20 % des cas aux stades latents ou tertiaires.

Le diagnostic est clinique, confirmé par l’identification microscopique ou la sérologie.

1. Symptomatologie :

1) Syphilis congénitale précoce :

Le nouveau-né peut être indemne au début avec apparition secondaire des manifestations évocatrices (au cours des 3 premiers mois de vie) :

– lésions cutanéo-muqueuses : syphilides maculeuses ou papuleuses :

. éruptions cutanées vésiculo-bulleuses ou maculaires caractéristiques, de couleur cuivre, situées sur les paumes des mains et les plantes des pieds (pemphigus palmo-plantaire),

. lésions papuleuses situées autour du nez et de la bouche et dans la région de la couche,

. rhinorrhée : sécrétions nasales caractéristiques mucopurulentes ou sanguinolents (très riches en treponema pallidum) ;

– lésions viscérales : hépatosplénomégalie, atteinte méningée asymptomatique, syndrome néphrotique (rare) ;

– lésions osseuses (80 % des cas) : souvent latentes, les radios du squelette systématiques vont dépister : ostéochondrite (en particulier au niveau des os longs et des côtes, pouvant générer une pseudo-paralysie des membres), périostite ;

– lymphadénopathie généralisée ;

– retard de croissance ;

– quelques nourrissons développent une méningite, une choroïdite, une hydrocéphalie, une microcéphalie ou des convulsions et d’autres peuvent présenter un handicap intellectuel. 

Nb : Il existe une forme septicémique (très rare) : en cas d’infection maternelle tardive, mal ou non traitée.

⇒ tableau de septicémie néonatale avec détresse respiratoire, signes méningés, et parfois pemphigus palmo-plantaire typique.

En réalité, les grandes manifestations cliniques sont exceptionnelles (lésions cutanées, muqueuses et viscérales) ; les lésions viscérales isolées sont plus fréquentes : rechercher systématiquement hépato et splénomégalie.

2) Syphilis congénitale tardive :

Elle ne se manifeste généralement pas avant 2 ans de vie et se révèle par :

– des gommes syphilitiques qui touchent la cloison nasale ou le palais osseux ;

– des lésions périostées qui aboutissent à des tibias en “lame de sabre” et des saillies des os frontal et pariétal ;

– la kératite interstitielle, choriorétinite ;

– une atrophie optique, parfois responsable de cécité, peut survenir ;

– une surdité neurosensorielle souvent progressive (par atteinte de la 8ème paire crânienne), peut apparaître à tout âge ;

– les déformations dentaires (incisive d’Hutchinson, molaires en forme de “mûres”), les fissures périorales (rhagades) et les malformations du maxillaire, induisent un faciès de “bulldog” constituent des séquelles caractéristiques, mais rares ;

– la neurosyphilis est habituellement asymptomatique, mais des parésies ou des paralysies et un tabès juvénile peuvent survenir.

2. Diagnostic :

1) Syphilis congénitale précoce :

Le diagnostic de syphilis congénitale précoce est habituellement établi par les tests sérologiques maternels, effectués systématiquement en début de grossesse, et souvent répétés au 3ème trimestre et à la naissance.

Le nouveau-né, dont la mère a des preuves sérologiques de syphilis, doit bénéficier d’un examen clinique complet, d’un examen en microscopie à fond noir ou en coloration par immunofluorescence de toute lésion cutanée ou muqueuse et d’un test sérique quantitatif non tréponémique (VDRL, RPR). 

Le placenta doit être analysé, en utilisant un microscope direct à fond noir ou une immunofluorescence directe, si disponible.

Les nourrissons présentant des symptômes de la maladie ou des résultats sérologiques évocateurs, doivent également subir une ponction lombaire avec une analyse du LCR pour comptage cellulaire, VDRL et dosage de la protéinorachie, NFS, plaquettes, bilan hépatique, radiographie des os longs et d’autres tests selon les indications cliniques (évaluation ophtalmologique, radiographies du thorax, neuro-imagerie, et potentiels évoqués du tronc cérébral).

Le diagnostic est confirmé par l’identification microscopique des spirochètes, dans les prélèvements du nouveau-né ou dans le placenta.

Le diagnostic, repose sur le test sérologique néonatal, et est compliqué par le transfert transplacentaire des Ac maternels de type IgG, qui peuvent rendre positive la sérologie en l’absence d’infection. Cependant, un titre d’Ac non tréponémique > 4 fois par rapport au titrage maternel ne résulte généralement pas d’un transfert passif, et le diagnostic est considéré comme étant confirmé ou très probable.

Une maladie maternelle contractée en fin de grossesse peut être transmise avant le développement des Ac. Ainsi, le nouveau-né qui présente un titre plus bas, mais des manifestations cliniques caractéristiques, est également fortement suspect de syphilis congénitale.

L’utilité du test des IgM antitréponémiques par fluorescence qui ne sont pas transférées à travers le placenta, est controversée, mais ils ont été utilisés pour détecter des infections néonatales. Tout test non tréponémique positif doit être confirmé par un test tréponémique spécifique pour exclure les résultats faussement positifs.  

 Le plus souvent, l’enfant naît sain d’aspect. Trois types d’arguments permettront de distinguer les formes inapparentes des enfants indemnes d’infection :

– sérologiques : seule une réaction positive à trois mois témoigne d’une syphilis véritable,

– évolutifs généraux : courbe pondérale,

– dépistage des lésions spécifiques retardées, essentiellement radiologiques.

Sous traitement précoce, l’évolution est le plus souvent favorable.

2) Syphilis congénitale tardive :

Le diagnostic de syphilis congénitale tardive repose sur les antécédents cliniques, les signes cliniques caractéristiques et les tests sérologiques positifs.

Parfois, les tests sérologiques standards non tréponémiques de la syphilis sont négatifs, mais le test tréponémique en immunofluorescence (FTA-ABS) est positif.

Le diagnostic doit être envisagé dans les cas de surdité inexpliquée, de détérioration intellectuelle progressive ou de kératite.

Syphilis congénitale précoce : bilan clinique; microscopie à fond noir des lésions, du placenta ; tests sérologiques chez la mère et le nouveau-né ; éventuellement analyse du LCR.

 Syphilis congénitale tardive : bilan clinique, tests sérologiques chez la mère et l’enfant.

3. Suivi :

Tous les nourrissons séropositifs et ceux dont les mères étaient séropositives doivent subir un test du VDRL tous les 2 à 3 mois jusqu’à ce que le test soit négatif ou que le titre ait diminué de 4 fois.

Chez le nourrisson non infecté ou traité avec succès, les titres d’Ac non tréponémiques sont habituellement négatifs à l’âge de 6 mois.

Les Ac tréponémiques passivement acquis peuvent être présents pendant plus longtemps, peut-être 15 mois. Il est important de se souvenir d’utiliser le même test spécifique non tréponémique pour surveiller les titres chez la mère, le nouveau-né, le nourrisson et le jeune enfant au fil du temps.

Si le VDRL ou le RPR restent positifs au-delà de 6 à 12 mois ou si les titres augmentent, le nourrisson doit être réévalué (ponction lombaire pour analyse du LCR, NFS avec taux des plaquettes, radios des os longs et autres tests, selon les signes cliniques).

4. Traitement :

Le traitement adapté de la mère prévient habituellement une syphilis congénitale active chez le nouveau-né.

Cependant, les enfants infectés peuvent être cliniquement normaux à la naissance, et l’enfant peut être séronégatif si l’infection de la mère a été contractée tardivement dans la grossesse.

L’enfant doit être traité à la naissance :

– si la mère n’a pas reçu de traitement,

– si elle a reçu un traitement inadapté,

– si elle a été traitée par d’autres antibiotiques que la pénicilline,

– si elle n’a pas encore répondu à un traitement probablement efficace,

– ou si l’enfant ne peut pas être suivi attentivement après la naissance pendant plusieurs mois.

Le LCR doit être examiné avant de traiter l’enfant :

– Si le LCR est normal : le traitement peut comporter une injection unique de 50.000 unités/kg de benzathine benzylpénicilline ;

– Si le LCR est anormal : le traitement doit être fait avec la pénicilline G aqueuse, 50.000 unités/kg par jour par voie IM ou IV, en deux doses quotidiennes, pour un minimum de 10 jours.

L’alternative est une seule injection quotidienne IM de procaïne pénicilline G, 50.000 unités/kg/j, pendant 10 jours.

Ces recommandations sont fondées sur l’échec de la benzathine benzylpénicilline à fournir des concentrations tréponémicides suffisantes dans le LCR et sur le fait que la pénicilline aqueuse ou la procaïne pénicilline donnent des concentrations de pénicilline suffisantes dans le LCR.

De nombreux experts pensent que toutes les syphilis chez l’enfant contaminé doivent être traitées soit par la procaïne pénicilline soit par la pénicilline aqueuse pour s’assurer de concentrations suffisantes dans le LCR.

La tétracycline ne doit pas être utilisée pour traiter les enfants de moins de 8 ans.

Nb : Les antibiotiques autres que la pénicilline ne sont pas recommandés pour traiter la syphilis congénitale.

La prévention de la réaction d’Herxheimer par le fractionnement des doses et/ou la corticothérapie est très discutée, ou même écartée, voire absente dans la littérature anglo-saxonne.

Cette méthode reste la règle pour les auteurs européens.

Après traitement, il convient de suivre ces enfants cliniquement, radiologiquement et biologiquement afin de vérifier, entre autres, la négativation de la sérologie en 6 à 12 mois, d’autant plus lentement et/ou incomplètement que le traitement a été plus tardif.

1) Syphilis congénitale précoce :

Dans les cas confirmés ou hautement probables, les lignes directrices du “Centers for Disease Control and Prevention (CDC) guidelines for congenital syphilis” recommandent :

Pénicilline G cristalline aqueuse 100.000 à 150.000 unités/kg de poids corporel/jour, administrée à raison de 50.000 unités/kg de poids corporel/dose par voie intraveineuse toutes les 12 heures pendant les 7 premiers jours de vie et toutes les 8 heures par la suite pendant un total de 10 jours

OU

Pénicilline procaïne G 50.000 unités/kg de poids corporel/dose IM en une seule dose quotidienne pendant 10 jours

Si le traitement n’est pas pris pendant ≥ 1 jour, tout le parcours doit être répété.

Ce protocole est également utilisé chez les nourrissons pouvant être atteints de syphilis si la mère présente l’un des critères suivants :

– Non traitée,

– Statut de traitement inconnu,

– Traitée ≤ 4 semaines avant l’accouchement,

– Insuffisamment traitée (protocole sans pénicilline),

– Signes chez la mère de rechute ou de nouvelle infection (multiplication par ≥ 4 du titre maternel).

Chez le nourrisson pouvant être atteint de syphilis et dont la mère n’a pas été correctement traitée mais qui est cliniquement en bonne santé et avec une évaluation négative, une dose unique de benzathine pénicilline 50.000 unités/kg IM est une alternative thérapeutique de choix dans certaines circonstances, mais uniquement si un suivi est assuré.

Les nourrissons qui ont probablement contracté la syphilis, dont la mère a été convenablement traitée et qui sont cliniquement bien portants, peuvent également se voir administrer une dose unique de pénicilline benzathine de 50.000 unités/kg IM. Comme alternative, si un suivi approprié est assuré, certains diffèrent le traitement par la pénicilline, et contrôlent des tests sérologiques non tréponémiques mensuels pendant 3 mois et à 6 mois ; puis administrent un traitement antibiotique si les titres augmentent ou sont positifs à 6 mois.

2) Nourrissons plus âgés ou enfants atteints de syphilis congénitale de diagnostic récent :

Le LCR doit être analysé avant de débuter le traitement. 

Le Centers for Disease Control and Prevention (CDC) recommande que tout enfant atteint de syphilis congénitale tardive soit traité par 50.000 unités/kg de pénicilline G cristalline en solution aqueuse IV q 4 à 6 h pendant 10 jours. Une dose unique de benzathine pénicilline G 50.000 unités/kg IM peut également être administrée à la fin de la thérapie IV.

Comme alternative, si une évaluation complète est complètement négative et si l’enfant est asymptomatique, la benzathine pénicilline G 50.000 unités/kg IM 1 fois/semaine pour 3 doses peut être utilisée.

Nombre de patients ne redeviennent pas séronégatifs, mais leur titre d’Ac réaginiques est divisé par 4 (p. ex., VDRL).

Les patients doivent être réévalués à intervalles réguliers pour s’assurer de la réponse sérologique à la thérapie et qu’il n’y a aucune indication de rechute.

La kératite interstitielle est habituellement traitée par des corticostéroïdes et des collyres d’atropine administrés par un ophtalmologiste.

Les patients présentant une surdité neurosensorielle tirent bénéfice d’une pénicillinothérapie associée à des corticostéroïdes, tels que la prednisone 0,5 mg/kg po 1 fois/jour pendant 1 semaine, suivi de 0,3 mg/kg 1 fois/jour pendant 4 semaines, puis la posologie est progressivement réduite sur une période de 2 à 3 mois. Les corticostéroïdes n’ont pas été étudiés de manière critique dans ces indications.

5. Prévention :

La syphilis doit être recherchée au cours du 1er trimestre chez la femme enceinte en particulier si elle contracte d’autres maladies sexuellement transmissibles pendant la grossesse.

Dans 99 % des cas, un traitement adéquat pendant la grossesse guérit tant la mère que le fœtus.

Cependant, dans certains cas, le traitement de la syphilis prescrit à une période tardive de la grossesse guérira l’infection, mais n’évitera pas l’installation de certains signes de syphilis à la naissance. Le traitement de la mère < 4 semaines avant l’accouchement peut ne pas éradiquer l’infection fœtale.

Quand la syphilis congénitale est diagnostiquée, il faut examiner les autres membres de la famille à la recherche d’éléments cliniques patents et sérologiques en faveur d’une infection et ce, à intervalles. Il faut retraiter la mère lors des grossesses ultérieures uniquement si les titres des tests sérologiques suggèrent une rechute ou une nouvelle infection.

Les femmes qui restent séropositives après un traitement adéquat ont pu se réinfecter et doivent être réévaluées.

Une mère, dépourvue de lésion et séronégative, mais qui a eu un contact sexuel avec un patient syphilitique, doit être traitée. En effet, il existe 25 à 50 % de risques qu’elle ait contracté la syphilis.

Points clés

– Les manifestations de la syphilis sont classées comme congénitales précoces (de la naissance à l’âge de 2 ans) et congénitales tardives (après l’âge de 2 ans).

– Le risque de transmission de la syphilis primaire ou secondaire maternelle est de 60 à 80 % ; le risque de transmission de la syphilis latente ou tertiaire est d’environ 20 %.

– Diagnostiquer cliniquement et par les tests sérologiques chez la mère et l’enfant ; l’examen en microscopie à fond noir des lésions cutanées et parfois du placenta et de prélèvements de sang de cordon ombilical peuvent permettre de diagnostiquer la syphilis congénitale précoce.

– Traiter par la pénicilline parentérale.

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Syphilis congénitale : prise en charge

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