Si la FIV a permis à de nombreux couples infertiles de concevoir un enfant, ses résultats restaient peu probants lorsque le spermogramme est fortement altéré. Dans les années 90, une nouvelle technique a été développée, l’injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes ou ICSI (Intra-Cytoplasmic Sperm Injection). 

L’ICSI est la “thérapeutique” biologique la plus avancée des fécondations dites “assistées” et fait nettement reculer la notion de stérilité masculine.

Son but principal est de court-circuiter l’étape de fixation-fusion-pénétration du spermatozoïde dans l’ovule lorsqu’existe un dysfonctionnement au niveau d’une ou plusieurs de ces phases.

La FIV-ICSI se déroule exactement comme une FIV classique, en quatre étapes, mais seule l’étape de fécondation est modifiée.

Au lieu de simplement mettre en contact les spermatozoïdes avec les ovocytes in vitro, l’ICSI nécessite deux étapes supplémentaires et spécifiques :

– La sélection de spermatozoïdes de forme normale et avec une bonne mobilité ;

– L’injection d’un (seul) spermatozoïde sélectionné, directement dans l’ovocyte à l’aide d’une micro-pipette ; cette injection s’opère après perforation des deux membranes que sont la zone pellucide (ZP) et la membrane cytoplasmique.

Grâce à cette technique, la fécondation est mieux contrôlée et les résultats améliorés. Les grossesses se déroulent normalement et ne nécessitent aucune surveillance particulière. Cependant, il existe un risque de transmettre l’infertilité masculine aux garçons nés par FIV ou FIV-ICSI.

1. Indications :

– L’indication essentielle de l’ICSI est l’infertilité masculine majeure, lorsque le nombre de spermatozoïdes mobiles recueillis (TMS) est égal ou inférieur à 300.000, ou lorsqu’il est compris entre 300.000 et 500.000 mais associé à d’autres anomalies (tératospermie, anticorps antispermatozoïdes). C’est le cas des oligo-asthéno-tératospermies graves.

Elle est également indiquée en cas de tératospermie extrême, d’auto-immunisation sévère.

– En cas d’azoospermie par obstruction ou absence des voies génitales masculines qui assurent le transport des spermatozoïdes, ou suite à une altération sévère de la spermatogénèse. Dans ce cas, les spermatozoïdes sont recueillis dans l’épididyme ou le testicule lors d’une intervention chirurgicale.

– Dans les hypofertilités masculines modérées après échec des autres traitements, notamment des inséminations avec sperme de conjoint.

– Après échecs répétés de FIV classique ou en l’absence de fécondation en FIV classique alors que le sperme paraît peu altéré.

– L’ICSI peut être également préférable lorsque sont associés des facteurs féminins et masculins : médiocre réponse à la stimulation ovarienne ne permettant le recueil que d’une faible cohorte ovocytaire (moins de 5 ovocytes mûrs) et altérations spermatiques diminuant les chances de fécondation.

2. Bilan préalable : Cf chapitre spécial

3. Technique :

L’ICSI comporte 4 étapes :

– Stimulation ovarienne.

– Recueil et préparation des gamètes.

– Fécondation assistée in vitro (microinjection) et culture embryonnaire.

– Transfert des embryons.

1) Stimulation des ovaires :

Bien que théoriquement possible, l’ICSI n’est jamais conduite en cycle spontané, car les aléas de la technique imposent de pouvoir disposer de plusieurs ovocytes pour avoir des chances raisonnables de succès.

Les ovaires sont donc fortement stimulés afin d’obtenir si possible cinq ovocytes ou plus, chiffre en dessous duquel les résultats baissent significativement.

Les protocoles sont les mêmes que ceux employés pour la FIV classique.

2) Recueil et préparation des gamètes :

a) Ovocytes : Cf chapitre spécial

b) Spermatozoïdes :

Les spermatozoïdes frais ou congelés de toute origine (éjaculat, prélèvement chirurgical) peuvent êtres utilisés dans l’ICSI, pourvu qu’ils soient vivants.

Après préparation selon les techniques déjà décrites (“Préparation du sperme pour AMP”), ils sont placés dans une solution de polyvinyl-pyrrolidone (PVP) qui les immobilise par sa viscosité.

Un seul spermatozoïde mobile est chargé dans la micro-pipette, après cassure du flagelle pour lui enlever toute possibilité de mouvement à l’intérieur de l’ovule.

c) Spermatides :

L’ICSI peut aussi être réalisée avec des spermatides prélevées dans le testicule à divers stades de leur développement : spermatide ronde (ROS = Round Spermatid), ou spermatide allongée.

3) Micro-injection et culture embryonnaire :

La micro-injection est réalisée à l’aide d’un micro-manipulateur, appareillage complexe qui comprend deux bras : l’un tient une pipette de contention servant à immobiliser l’ovocyte par aspiration contre son extrémité mousse ; l’autre tient la micro-pipette de ponction.

La micro-pipette, chargée d’un seul spermatozoïde, est introduite dans l’ovule, qui est aspiré en partie pour vérifier la pénétration, puis refoulé à sa place en même temps que le spermatozoïde.

La préparation est remise à l’étuve.

Le lendemain matin, au bout de 17 heures environ, un nouvel examen permet de repérer les deux pronuclei, l’un des noyaux étant celui de l’ovocyte, l’autre correspondant à la tête du spermatozoïde injecté.

Certains ovocytes se détruisent après la micro-manipulation : on dit qu’ils “s’atrésient”.

Le surlendemain, les embryons, au stade de deux à quatre cellules, sont classés comme habituellement en quatre types. 

 

ROSI-ROSNI :

L’utilisation de spermatides est une pratique marginale et encore expérimentale.

L’ensemble de la cellule peut être injectée dans le cytoplasme ovulaire (ROSI = Round Spermatid Injection) ou seulement son noyau (ROSNI = Round Spermatid Nuclear Injection).

Les dernières étapes de la procédure (transfert embryonnaire, phase lutéale, diagnostic et surveillance de la grossesse) sont semblables à celles de la FIV classique.

4) Transfert embryonnaire :

a) Transfert immédiat :

Les embryons sont habituellement transférés dès l’obtention des premières divisions, c’est-à-dire le surlendemain de la ponction, éventuellement un jour plus tard.

Au-delà, le milieu de culture utilisé pour la FIV n’est plus adéquat pour assurer leur croissance.

Les embryons sont placés dans la cavité utérine à l’aide d’une fine canule.

Le geste est ambulatoire (pas d’hospitalisation).

Les embryons de type A et B, dont les taux d’implantation sont équivalents, sont utilisés en priorité, car ils donnent les meilleures chances de grossesse.

Dans ce cas, un à deux embryons seulement sont replacés pour éviter le risque de grossesse hautement multiple et les embryons A et B restants sont congelés.

Les embryons de type C et D donnent peu de grossesses et ne résistent pas à la congélation.

Ils ne sont donc utilisés que par défaut et à l’état frais.

b) Transfert retardé (culture prolongée) :

Les embryons sont contrôlés jusqu’à la formation de blastocystes. Cette culture 5 à 6 jours après la fécondation est possible dans de bonnes conditions depuis l’apparition de milieux spéciaux séquentiels. Les blastocystes ont un meilleur taux d’implantation.

Idéalement un seul blastocyste est transféré. Les autres sont congelés. La sélection des embryons sur plusieurs jours de développement permet de choisir le meilleur embryon et de le transférer au moment de la phase physiologique d’implantation. 

c) Transfert différé :

Les embryons non transférés à l’état frais peuvent être conservés par congélation, en vue d’un replacement ultérieur, à la condition toutefois qu’ils soient d’une qualité suffisante (types A et B).

5) Eclosion embryonnaire assistée (Hatching) :

Après la fécondation de l’ovocyte par un spermatozoïde, la zone pellucide se durcit bloquant la pénétration par plusieurs spermatozoïdes et protégeant l’embryon lors de son passage de la trompe à  l’utérus. Ce phénomène est accentué  lors de la culture in vitro. Dans les conditions naturelles, l’embryon, toujours entouré de la membrane pellucide, s’implante dans l’utérus au 6ème jour, au stade blastocyste. Il sort alors de la zone pellucide, par des moyens mécaniques (contractions / expansions) et par des sécrétions enzymatiques : c’est l’éclosion embryonnaire. Il va ensuite pouvoir s’implanter dans l’endomètre.

Dans certains cas, l’éclosion pourrait être retardée, ne permettant pas à l’embryon de s’implanter au moment de la fenêtre de réceptivité endométriale.

L’éclosion embryonnaire assistée permettrait alors de faciliter l’implantation : il s’agit de réaliser une brèche au niveau de la zone pellucide (mécaniquement à l’aide d’une pipette, chimiquement par l’acide tyrode ou au laser).

Le hatching s’adresse le plus souvent aux échecs répétés d’implantation, aux patientes présentant des taux élevés de FSH au troisième jour du cycle et/ou un âge maternel > 38 ans. Les embryons sont transférés immédiatement après, selon la méthode classique. 

6) Soins après transfert :

Le transfert est suivi d’un traitement d’une durée de 15 jours, associant de la progestérone (Utrogestan ® 400 mg par jour par voie vaginale) et de l’HCG à raison d’une à deux injections de 1500 UI dans la semaine qui suit le transfert.

L’injection d’HCG est contre-indiquée s’il existe un risque d’hyperstimulation connu (œstradiol > 3000 pg/ml le jour du déclenchement, ovaires micro-polykystiques) ou dépisté par l’examen clinique et éventuellement échographique (gros ovaires douloureux, ballonnement, épanchement intra-abdominal).

7) Diagnostic et surveillance du début de la grossesse :

La grossesse débutante, dont le premier signe est la persistance de l’aménorrhée, est affirmée par le dosage d’HCG vers le 15ème jour après la ponction.

Ce dosage doit être systématique, car bon nombre de grossesses FIV s’accompagnent d’hémorragies au début, qu’elles soient pathologiques (implantations fugaces, avortements spontanés, grossesses extra-utérines) ou finalement évolutives.

Une échographie, faite dès la 4ème semaine de grossesse, permet le contrôle de l’évolutivité et le dépistage précoce des grossesses multiples et ectopiques.

4. Résultats :

Comme pour la fécondation in vitro classique, les résultats de l’ICSI dépendent principalement de l’indication, du nombre d’embryons transférés, et l’âge de la femme.

– Les meilleurs taux de succès sont obtenus dans la stérilité masculine pure, où l’objectif est simplement de court-circuiter les obstacles que constituent la pellucide et la paroi cytoplasmique de l’ovocyte, obstacles que les spermatozoïdes sont incapables de franchir lorsque leur nombre, leur mobilité ou leur morphologie sont trop anormales.

Les résultats ne sont pas influencés par la sévérité ou l’association de plusieurs types d’anomalies : oligospermie, asthénospermie ou tératospermie.

– Finalement, le nombre de spermatozoïdes nécessaires étant infime, il n’y a presque plus de limites masculines à l’ICSI avec cependant un risque pour l’instant non évalué : celui de transmettre à l’enfant une anomalie chromosomique ou génique à l’origine de la stérilité.

Les équipes les plus entraînées ont démontré l’innocuité de l’ICSI sur le conceptus, grâce au diagnostic prénatal et au suivi de l’enfant après la naissance. Mais l’ICSI exige un bilan préalable solide afin de réserver son indication, pour des raisons éthiques et médicales, aux cas hors de portée de la FIV classique.

– Les résultats sont, en revanche, beaucoup moins bons s’il existe des facteurs féminins altérant la qualité ovulaire.

C’est par ce biais qu’intervient l’âge de la femme qui constitue en fait la principale limite à l’ICSI.

En conclusion, cette technique permet l’obtention d’une descendance intra-couple là où, il y a quelques années, on ne pouvait que proposer le recours au don de gamètes ou l’adoption. L’annonce de son emploi avec les cellules souches du spermatozoïde permettra-t-il, en accord avec les considérations éthiques, de repousser la frontière de la stérilité ?

ICSI ou la fin de l’homme stérile ?

 

Essentiellement réservé à la résolution des causes masculines de l’hypofertilité, le recours à l’ICSI peut se résumer très schématiquement comme suit : 

1) Le sperme est mauvais : le recours à l’ICSI peut s’effectuer dès la première tentative :

– Les spermatozoïdes sont absents : il s’agit d’une azoospermie, confirmée sur trois spermogrammes séparés de quelques semaines. Autre situation : la masturbation est impossible (causes neurologiques, psychologiques…). Ces deux faits mènent à un recueil par prélèvement chirurgical déférentiel, épididymaire voire testiculaire.

– La numération dans l’éjaculat des spermatozoïdes mobiles totaux est faible : inférieure à 500.000 (voire 1 million) de spermatozoïdes mobiles linéaires. On parle d’oligo-asthénospermie sévère. Le recours à la FIV traditionnelle est statistiquement voué à l’échec.

– La morphologie peut intervenir, mais n’est pas un critère suffisant seul pour un recours direct à l’ICSI. La ” tératospermie très sévère ” est néanmoins à considérer. 

2) Le sperme est subnormal selon les critères habituels (numération, mobilité…) : l’interaction membranaire entre le spermatozoïde et l’ovocyte est défectueuse :

– L’acrosome (système placé dans la tête du spermatozoïde et servant à celui-ci pour la pénétration de la ZP lors du contact avec l’ovule) est anormal au “test de marquage acrosomique en technique de fluorescence” prescrit en complément du spermogramme : cet acrosome peut être absent ou fonctionnellement déficient, forçant là encore un recours en première intention à l’ICSI.

– Un faible taux de fécondation (moins de 5 à 10 %) est obtenu en FIV traditionnelle sur un nombre statistiquement suffisant d’ovocytes inséminés après stimulation hormonale correcte : c’est l’échec (répété) de FIV. Plusieurs explications peuvent être avancées : la présence d’anticorps antispermatozoïdes ou de substances inhibant l’interaction spermatozoïde-ovocyte, ou encore une anomalie des récepteurs de liaison de ces deux gamètes… mais le plus souvent est en cause un facteur… inconnu.

Points clés

Cette technique permet de pallier certaines anomalies des spermatozoïdes qui les empêchent de féconder.

En effet, pour féconder l’ovocyte le spermatozoïde doit se fixer sur une coque qui entoure l’ovocyte, la zone pellucide. 

Grâce à des enzymes contenues au niveau de sa tête (acrosome), le spermatozoïde va traverser la zone pellucide et pénétrer dans l’ovocyte. Pour que cette fécondation soit possible, il est nécessaire que les spermatozoïdes soient en nombre suffisant, qu’ils soient mobiles et qu’ils aient une morphologie normale. Dans certaines infertilités masculines, ces conditions ne sont pas remplies et les spermatozoïdes ne peuvent pas spontanément féconder l’ovocyte.

L’ICSI nécessite de traiter au préalable les ovocytes par une solution enzymatique afin d’enlever le cumulus oophorus qui gêne la manipulation. La manipulation se fait ensuite sous microscope (grossissement × 400).

Pour cela les ovocytes sont maintenus par aspiration à l’aide d’une pipette de contention (environ 80 µ de diamètre). Un spermatozoïde est ensuite isolé.

Avec la pipette d’injection (7 µ de diamètre), le flagelle est sectionné afin d’activer le spermatozoïde. Il est ensuite injecté dans l’ovocyte. Un seul spermatozoïde est ainsi déposé dans chaque ovocyte.

Pour obtenir une bonne précision des gestes (de l’ordre du µ), les pipettes sont manipulées avec des bras articulés maniés par l’intermédiaire de joysticks.

ICSI avec spermatides…

L’ICSI par injection de spermatide, cellule précurseur du spermatozoïde, a été développée pour pallier certains problèmes d’azoospermie non obstructive, chez des patients chez qui on peut obtenir des spermatides à partir de l’éjaculat ou par biopsie testiculaire.

Cela peut théoriquement permettre à des hommes stériles de procréer. La première publication mondiale de naissances obtenues après ICSI avec injection de spermatides date d’août 1995 (publication dans le ” New England Journal of Medicine “). Les deux premières naissances ont été obtenues à l’Hôpital américain de Neuilly…

Il existe un risque associé à l’ICSI de donner naissance à des garçons stériles. Il n’est pas dû à la technique elle-même, mais aux troubles de la spermatogenèse, dont certains sont à déterminisme génétique et génétiquement transmissibles.

Dans tous les cas de stérilité masculine grave, même si la cause génétique ne peut être mise en évidence, on avertit le couple du risque pour l’enfant…

ICSI et génétique

L’ICSI pose le problème de la procréation des hommes jusque là infertiles.

Elle permet la transmission de facteurs génétiques d’infertilité et expose à leur amplification dans la population. Ces effets dysgéniques sont probablement négligeables en ce qui concerne les gènes récessifs et probablement moins négligeables en ce qui concerne les gènes liés à l’Y.

Les microdélétions du chromosome Y sont plus fréquentes en cas d’azoospermie ou d’oligospermie sévère. Elles seront transmises aux descendants mâles. Par contre il ne semble pas y avoir plus de microdélétions de novo retrouvées chez ces enfants.

L’ICSI permet aussi la transmission de handicaps liés directement aux facteurs génétiques (ex: mucoviscidose et agénésie déférentielle) ou indirectement (ex: déséquilibre chromosomiques dans la descendance des hommes porteurs de translocations). 

Un caryotype est pratiqué avant toute ICSI pour éliminer les anomalies chromosomiques chez l’homme (6 % d’anomalies en cas d’oligospermie sévère, 15 % en cas d’azoospermie et 21 % en cas d’azoospermie sécrétoire).

L’ICSI n’est généralement pas contre-indiquée en cas d’anomalie mais un conseil génétique est donné et un diagnostic anténatal sera fortement conseillé en cas de grossesse. L’étude des  microdélétions de l’Y n’est pas encore possible partout en routine. 

Les taux de grossesse en ICSI sont semblables à ceux de la FIV classique malgré la qualité du sperme souvent très déficiente. 

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