Le prélèvement de sang fœtal (PSF ou cordocentèse) permet l’accès au secteur vasculaire du fœtus, comportant des possibilités essentiellement diagnostiques, mais également thérapeutiques, dans certaines pathologies.
Ses indications sont multiples et les résultats peuvent être connus dans des délais très courts, y compris et surtout pour le caryotype ; en contrepartie, il s’agit d’une technique délicate devant être réalisée dans des conditions très strictes.
Cela demeure un examen d’exception.
1. Date du prélèvement :
Il peut être réalisé dès 20 SA (le diamètre de la veine ombilicale à ce terme est de 3 à 4 mm).
Il peut être pratiqué plus tard, dans certains cas jusqu’à 37 SA ou plus.
Au 2ème trimestre le liquide amniotique est abondant proportionnellement au volume fœtal, d’où une visualisation le plus souvent facile de l’insertion funiculaire ; les conditions peuvent être rendues plus difficiles ultérieurement du fait de l’inversion des proportions du volume fœtal par rapport au liquide amniotique.
2. Conditions du prélèvement :
– L’examen clinique élimine le cas échéant une menace d’accouchement prématuré.
– une échographie préalable est indispensable :
. elle vérifie le nombre de fœtus, le terme, la vitalité fœtale, le volume du liquide amniotique,
. elle permet également la localisation placentaire, montre la position du fœtus, vérifie l’existence et la nature de la ou des malformation(s) fœtale(s) éventuelle(s), et enfin repère chaque fois que possible l’insertion funiculaire.
– La connaissance du groupe sanguin Rhésus de la patiente est indispensable pour la prévention de l’allo-immunisation Rh en cas de groupe Rhésus négatif (gammaglobuline anti-D).
3. Technique : Cf chapitre spécial
4. Indications :
1) Indications diagnostiques :
Ce sont les plus fréquentes, dominées essentiellement par la recherche d’une infection fœtale ou d’une anomalie chromosomique.
a) Maladies infectieuses :
L’intérêt du PSF est de dépister précocement une infection fœtale pouvant conduire à une interruption de grossesse pour les seuls fœtus infectés, et, dans certains cas, à un traitement médical in utero.
– La toxoplasmose : elle constitue l’indication la plus fréquente ; survenant au 1er trimestre, après 6 SA, ou au début du 2ème trimestre, l’atteinte fœtale est rare, mais peut être sévère (lésions cérébrales et oculaires en particulier) : le PSF est justifié pour éviter d’interrompre une grossesse avec un enfant qui a 95 % de chances d’être sain ; il est réalisé à partir de la 22ème SA. Ultérieurement la fréquence de la contamination fœtale est plus grande mais le risque d’atteinte sévère est plus faible : le PSF peut alors se justifier par la possibilité de traiter médicalement (alternance spiramycine et adiazine-pyriméthamine), in utero, un enfant contaminé sans malformation décelable à l’échographie.
Le diagnostic biologique repose sur :
. des signes non spécifiques : hyperéosinophilie, thrombopénie, élévation des Ig totales, élévation d’enzymes hépatiques (gamma GT et LDH) ;
. des signes spécifiques : présence d’IgM spécifiques de la toxoplasmose, mise en évidence du parasite soit par inoculation à la souris, soit par culture sur fibroblastes. Ces examens sont également pratiqués à partir du liquide amniotique prélevé simultanément.
Les résultats demandent un délai de quelques jours, sauf pour l’inoculation à la souris (délai de 4 à 6 semaines) ; la possibilité récente de mise en évidence du parasite dans un délai de 8 jours par culture sur fibroblastes permet de repousser le terme du PSF à 28 ou 32 SA, le délai entre le diagnostic et la naissance étant suffisamment long pour justifier la mise en route d’un traitement médical in utero.
– La rubéole : elle constitue une indication beaucoup moins fréquente, la très grande majorité des femmes étant immunisées (par maladie ou par vaccination).
Le risque d’embryopathie (cœur et yeux surtout) est élevé (85 à 90 %) dans les 12 premières semaines et diminue ensuite ; au-delà de la 16ème SA, le fœtus peut développer une fœtopathie.
Le PSF est donc indiqué à partir de la 22ème SA chez des femmes ayant développé une séroconversion rubéolique avant 16 SA ; en l’absence de traitement, la contamination fœtale conduit à proposer l’interruption de la grossesse.
Le diagnostic biologique repose sur :
. des signes non spécifiques : érythroblastose (parfois anémie), thrombopénie, augmentation des taux de gamma GT et LDH, et des IgM totales,
. des signes spécifiques : mise en évidence d’IgM spécifiques, culture virale.
– Autres :
. Infection à cytomégalovirus (CMV) : il s’agit d’une indication exceptionnelle pouvant être proposée si l’on a connaissance d’une primo-infection maternelle ; le diagnostic repose sur des signes non spécifiques (cf. rubéole) et spécifiques d’infection virale à CMV,
. La varicelle fait partie des autres indications rares et discutées,
. Le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA). Le PSF est contre-indiqué : il comporte entre autres un risque de contaminer le fœtus et ne débouche sur aucune attitude thérapeutique.
b) Anomalies chromosomiques :
Passé le terme de 20 SA, le PSF se substitue à l’amniocentèse ; en effet l’étude du caryotype est faite à partir de cultures de lymphocytes fœtaux permettant l’obtention du caryotype en 3 à 5 jours ; par contre les cultures de cellules amniotiques poussent lentement (délai minimum de 10 à 15 jours) avec un risque d’échec de culture non négligeable (5 à 10 %).
Les différentes indications sont :
– indication de caryotype chez une femme ayant dépassé le terme de 20 SA ; le PSF est préférable à l’amniocentèse en raison de la rapidité des résultats,
– échec de culture ou découverte d’une mosaïque sur liquide amniotique,
– syndrome de l’X-fragile (fra. X) plus facilement diagnostiqué sur le sang fœtal que sur les cellules amniotiques,
– découverte de certaines malformations fœtales à l’échographie (omphalocèle, atrésie duodénale, certaines cardiopathies ou uropathies…) ou de certains RCIU inexpliqués, dont on sait le risque d’association possible à une anomalie chromosomique. La nécessité d’un caryotype rapide fait du PSF une technique très précieuse : il permet de poser sans retard l’indication d’une interruption de grossesse (surtout au 2ème trimestre). Dans les autres cas, il permet de prévoir dans les meilleures conditions les modalités d’accouchement et la prise en charge de l’enfant à la naissance.
c) Affections hématologiques :
– Hémoglobinopathies :
Il s’agit d’anomalies qualitatives (drépanocytose) ou quantitatives (thalassémies) des chaînes de l’hémoglobine.
Leur transmission est récessive autosomique et elles sont à l’origine de complications graves (anémies hémolytiques) dans les formes homozygotes.
Ces pathologies sont rencontrées chez des femmes issues de certaines parties du monde :
. pour la drépanocytose : essentiellement l’Afrique, mais aussi les Antilles, ainsi que dans la population noire des USA,
. pour les thalassémies : principalement les pays du pourtour méditerranéen.
Le PSF permet la mise en évidence :
. pour la drépanocytose : d’une mutation ponctuelle de la chaîne bêta, qui est toujours la même,
. pour les thalassémies : d’une synthèse insuffisante voire nulle d’une des deux chaînes de l’hémoglobine (bêta ou alpha).
Le diagnostic peut être obtenu par radiochromatographie ou iso-focalisation, de l’hémoglobine.
– Anomalies de la coagulation :
Elles sont dominées par les hémophilies A et B, dues à des défauts de synthèse des facteurs de coagulation VIII et IX ; transmises par des femmes dites conductrices (transmission récessive liée au chromosome X) : seuls les fœtus masculins sont atteints.
Le PSF doit être réservé aux fœtus ayant des risques d’hémophilie sévère, lorsque les taux des facteurs VIII et IX sont inférieurs à 1 % ou lorsque la famille, est vue tardivement pendant la grossesse, sans avoir eu d’enquête familiale (biologie moléculaire).
Le diagnostic anténatal repose actuellement sur la démarche suivante :
. détermination du sexe fœtal au 1er trimestre par prélèvement de villosités choriales (à défaut, par amniocentèse). Pour les seuls fœtus masculins, le diagnostic d’hémophilie nécessite alors le recours aux techniques de biologie moléculaire,
. un PSF à 20 SA permet le diagnostic d’hémophilie soit par les techniques de biologie moléculaire lorsque les familles sont informatives, soit par le dosage biologique des activités coagulantes des facteurs VIII ou IX lorsque les familles ne sont pas informatives, et ce lorsque la femme est vue tardivement au cours de la grossesse,
. d’autres diagnostics sont possibles mais plus rarement rencontrés : maladie de Willebrand, thrombasthénie de Glanzmann, thrombopénies congénitales familiales…
d) Maladies métaboliques :
Elles sont principalement recherchées à partir de cellules amniotiques ou de tissu trophoblastique. Le PSF peut être indiqué plus spécialement lorsque la femme est vue tardivement au cours de sa grossesse, ou dans certaines situations pathologiques particulières (anasarques non immunologiques par exemple).
e) Déficits immunitaires héréditaires :
Il s’agit d’affections très rares, se répartissant en déficits de :
– l’immunité spécifique, portant sur les lymphocytes T et/ou B, réalisant un déficit de l’immunité cellulaire et/ou humorale (agammaglobulinémie liée au sexe…),
– l’immunité non spécifique, réalisée par un défaut de fonction granulocytaire (granulomatose septique chronique…).
Ces déficits immunitaires sont à l’origine d’infections graves, multifocales, récidivantes engageant le pronostic vital de l’enfant.
Le diagnostic anténatal est possible si le mode de transmission et la nature exacte du déficit sont connus ; il repose sur l’étude des populations lymphocytaires à partir d’un prélèvement de sang fœtal pur entre 18 et 22 SA. Les recherches actuelles permettent d’entrevoir des traitements in utero (greffes).
2) Indications thérapeutiques :
a) Allo-immunisations Rhésus graves : Cf chapitre spécial
b) Thrombopénies fœtales immunologiques :
– Thrombopénies fœtales immunologiques :
Elles peuvent survenir chez des femmes de groupe plaquettaire PLA 1 négatif (2 à 3 % de la population), pouvant s’immuniser contre des plaquettes PLA 1 positives, soit à l’occasion de transfusions soit surtout à l’occasion de grossesses PLA 1 incompatibles.
– Purpura thrombopénique idiopathique :
La thrombopénie fœtale est due ici au passage placentaire d’auto-anticorps d’origine maternelle.
– Dans les deux cas, une thrombopénie suffisamment sévère (< 50 000 plaquettes) peut entraîner des hémorragies fœtales graves (surtout intracrâniennes), soit in utero soit lors de l’accouchement. Le PSF permet de faire le diagnostic de thrombopénie, d’en faire le cas échéant la correction (transfusions plaquettaires in utero), enfin de programmer l’accouchement, sans risques, d’un enfant non thrombopénique (dans le cas contraire, la voie basse est récusée au profit de la césarienne).