1. Rappel bactériologique :

Listeria monocytogenes est une bactérie ubiquitaire, largement répandue dans l’environnement hydrotellurique (sol, eau, plantes).

Elle est détruite par la cuisson et la pasteurisation, mais résiste au froid et à la congélation à -15°C.

De plus, elle adhère facilement aux surfaces inertes et résiste à de nombreux agents chimiques et produits nettoyants.

Ces caractéristiques expliquent la survie de la bactérie dans les environnements de fabrication des aliments (machines, matériel de découpe…) et les réfrigérateurs.

L. monocytogenes est retrouvé dans 2 à 13 % des prélèvements de produits alimentaires à la distribution.

La contamination affecte particulièrement les aliments transformés : charcuterie crue hachée (45 %), viande hachée (36 %), poissons fumés (16 %), fromages au lait cru (14 %). Dans 90 % des cas, la concentration en Listeria est très faible, inférieure à 100 UFC/g.

La contamination d’un sujet se fait donc par les animaux ou l’absorption de produits laitiers ou de viande contaminés.

La gravité de l’atteinte fœtale contraste avec la banalité et la pauvreté de l’atteinte maternelle.

Toute fièvre chez une femme enceinte doit faire évoquer une listériose.

Toute fièvre isolée persistant plus de 48 heures chez la femme enceinte doit être considérée comme listérienne et traitée comme telle.

2. Epidémiologie et physiopathologie :

La contamination humaine par l’alimentation est banale et habituellement sans conséquence.

L’analyse ponctuelle d’un échantillon de selles est positive chez 1 à 4 % des sujets sains. Mais il ne s’agit pas d’un portage chronique. 

La répétition des examens montre que la présence de L. monocytogenes dans les selles n’excède pas en général 2 ou 3 jours.

Dans certaines études, ce portage intestinal occasionnel a été retrouvé chez 70 % des sujets sains. 

Après ingestion d’un aliment contaminé, les bactéries traversent la paroi intestinale et gagnent les ganglions mésentériques, puis le foie et la rate. La réponse immunitaire fait appel à l’immunité cellulaire, tandis que le rôle de l’immunité humorale est secondaire. Ce n’est que si l’inoculation est massive ou, surtout, s’il existe un terrain fragile ou immunodéprimé, que se développe une infection clinique.

La listériose est exceptionnelle chez les adultes jeunes et en bonne santé.

En dehors de la grossesse, plus de 70 % des cas concernent des sujets âgés ou fragilisés par un diabète, un alcoolisme, un cancer… 

La femme enceinte fait partie de la population à risque, peut-être à cause de la diminution de son immunité cellulaire ; elle a 12 fois plus de risques de développer une listériose après consommation de produits contaminés qu’un autre adulte jeune en bonne santé. Dans cette hypothèse, le fœtus peut être contaminé par voie hématogène à la faveur d’une bactériémie maternelle.

L’infection à Listeria monocytogenes concerne une grossesse sur 1.000 environ.

3. Diagnostic :

1) Diagnostic clinique :

Chez la mère, la listériose se traduit habituellement par un syndrome pseudo-grippal assez banal (les formes septicémiques sont rares).

Le tableau clinique est généralement trompeur ; la contamination par la Listeria monocytogenes peut se traduire par des syndromes très divers :

– syndrome septicémique : fièvre, frissons, sueurs,

– syndrome pseudo-grippal : frissons, céphalées et myalgies (courbatures), 

– syndrome pseudo-pharyngé : fièvre, dysphagie, gorge rouge,

– syndrome digestif : vomissements, épisodes de diarrhée, douleurs abdominales diffuses, 

– syndrome pseudo-pyélonéphritique (douleurs lombaires, signes fonctionnels urinaires), pseudo-appendiculaire, pseudo-vésiculaire,

– syndrome méningé (rare).

La listériose peut réaliser une infection amniotique avec travail prématuré fébrile, altération du RCF et liquide amniotique méconial.

Mais très souvent, la maladie est totalement inapparente… et la listériose est révélée a posteriori par ses conséquences fœtales et néonatales.

En fait, tout épisode fébrile, même discret pendant la grossesse, doit faire évoquer la listériose.

Une fièvre comprise entre 38 et 41°C, est présente dans 70 % des cas.

⇒ pratiquer au moindre doute une hémoculture et instaurer un traitement adéquat dans l’attente du résultat des prélèvements.

Lors d’un accouchement fébrile, il faudra y penser et examiner le placenta, faire des prélèvements bactériologiques.

2) Diagnostic de laboratoire (bactériologique / histologique) :

Les différents prélèvements permettant d’isoler le germe sont :

– en cours de grossesse principalement l’hémoculture : il s’agit de l’examen de base et doit être demandée chez toute femme enceinte ou parturiente présentant une fièvre inexpliquée,

– lors d’une fausse couche, d’une MIU, d’un accouchement, d’une détresse respiratoire inexpliquée : hémoculture,

– Après l’accouchement : le germe sera recherché dans le placenta et chez le nouveau-né (sang, peau, gorge, estomac, LCR, urines).

L’examen macroscopique du placenta peut déjà se faire au lit de l’accouchée (à la loupe, recherche de micro-abcès blancs de la taille d’une tête d’épingle), puis mise en culture et histologie (recherche de micro-abcès très évocateurs).

3) Diagnostic sérologique :

Il n’y a pas d’examen sérologique fiable pour dépister la listériose. 

4. Risques au cours de la grossesse :

1) Risques pour la mère :

La listériose est une maladie bénigne chez la femme enceinte (sauf si elle est immunodéprimée). 

2) Risques pour l’embryon ou le fœtus :

Les risques sont beaucoup plus graves pour l’embryon ou le fœtus ; en effet, la listériose est responsable :

– d’avortement spontané précoce ou tardive ;

– de mort in utero ;

– d’accouchement prématuré très rapide dans un contexte fébrile avec SFA ;

–  d’infection néonatale : la listériose congénitale peut prendre des formes septicémiques, méningitiques et pulmonaires.

En effet, l’enfant, s’il est encore vivant, naît avec une détresse respiratoire, une cyanose et une septicémie d’aggravation rapide, souvent mortelles ou génératrices de séquelles cérébrales en l’absence d’un traitement très rapide, voire même débuté en per-partum.

5. Traitement :

L. monocytogenes possède une résistance naturelle aux céphalosporines.

Il est sensible à la plupart des autres classes d’antibiotiques. Parmi celles-ci :

– l’amoxicilline est le traitement de référence, mais son efficacité est lente du fait d’une pénétration intracellulaire limitée et d’une action uniquement bactériostatique ;

– les aminosides ont un effet synergique avec l’amoxicilline et sont bactéricides ;

– le triméthoprime-sulfaméthoxazole a une bonne activité mais est contre-indiqué au 1er trimestre en raison d’un effet tératogène, et à l’approche du terme du fait d’un risque d’ictère néonatal ;

– les macrolides ont une action antagoniste s’ils sont utilisés avec les pénicillines ou les aminosides.

 Rappelons que toute fièvre inexpliquée chez une femme enceinte justifie un traitement antibiotique débuté sans attendre les résultats des examens bactériologiques.

Le traitement recommandé dans ce cas est l’amoxicilline per os, 2 g/jour pendant 10 jours (ou d’érythromycine en cas d’allergie).

En cas de listériose prouvée : on associera, par voie parentérale, amoxicilline (6 g/j pendant 10 jours) et aminoside (pendant 5 jours) afin d’obtenir une action bactéricide, puis amoxicilline prolongée per os pendant au minimum 4 semaines, voire jusqu’à l’accouchement.

Nb : L’intérêt d’un traitement d’entretien par l’amoxicilline seule jusqu’au terme n’est pas démontré.

La déclaration aux autorités sanitaires est obligatoire.

6. Prévention :

Pendant la grossesse, la femme doit surveiller son alimentation et respecter certaines règles d’hygiène.

En premier, il est conseillé d’éviter les aliments à risque comme :

– La charcuterie cuite ou crue (rillette, foie gras, produits en gelée…) ;

– Les produits de la mer (coquillages, poissons fumés…) ;

– Le lait cru ; 

– Les fromages à pâtes crues (camembert, chèvres), et consommer uniquement les fromages cuits (gruyère).

 Ensuite, la préparation des aliments est également importante :

– Enlever la croûte des fromages ;

– Cuire suffisamment les viandes ;

– Réchauffer soigneusement les restes alimentaires et les plats cuisinés avant une consommation immédiate ;

– Laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques avant la consommation. 

 Les règles d’hygiène indispensables :

– Bien se laver les mains avant et après manipulation d’aliments crus ;

– Nettoyer les plans de travail, couteaux, planches à découper et ustensiles de cuisine (eau de Javel) ;

– Nettoyez régulièrement le réfrigérateur avec de l’eau savonneuse (2 fois par mois) et désinfectez-le avec de l’eau javellisée ;

– Assurez-vous également que la température du frigo soit suffisamment basse (4°C) ;

– Ne pas mélanger aliments crus et cuits ;

– Protéger les restes alimentaires avec un film plastique ou une boîte hermétique.

Précautions à prendre :

– Bien cuire tous les aliments crus d’origine animale (viande, poissons, charcuterie crue telle que les lardons…). La Listeria monocytogenes résiste au froid, mais est sensible à la chaleur ;

– Laver soigneusement les légumes crus et les plantes aromatiques ;

– Consommer rapidement les restes, jetez-les au-delà de 24 heures ;

– Prendre soin de toujours réchauffer les restes alimentaires et les plats cuisinés (le germe est détruit à 100°C) ;

– Respecter les dates limites de consommation ;

– Consommer les produits rapidement (une fois l’emballage ouvert).

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