Grâce aux possibilités d’un diagnostic précoce (progrès conjugués de l’échographie endovaginale et du dosage rapide immuno-enzymatique de la ß-HCG), les formes cataclysmiques avec inondation péritonéale sont en régression, ce qui tend à privilégier les thérapeutiques conservatrices tubaires et donc le pronostic fonctionnel tubaire.

La fiabilité du couple échographie endocavitaire-ß-HCG plasmatique avoisine les 98 %.

On admet actuellement qu’un sac gestationnel peut être visualisé en situation intra-utérine lorsque son diamètre atteint 3 mm (4 SA + 4 J) et lorsque le taux plasmatique de ß-HCG ≥ 1000 mUI/ml.

En cas de doute, un nouveau dosage à 48 heures permettra d’y voir plus clair :

– soit le taux est multiplié par au moins 2 : il s’agira vraisemblablement d’une localisation intra-utérine de la grossesse : d’où un nouveau contrôle échographique,

– soit le taux initial stagne ou augmente peu : suspecter une grossesse en situation normale non évolutive ou une grossesse ectopique.

1. Signes cliniques :

Ils associent une aménorrhée, des signes sympathiques de grossesse, des métrorragies sépia, des douleurs pelviennes prédominant d’un côté, associés parfois à un épisode lipothymique.

Au TV : on perçoit une masse annexielle douloureuse et parfois une douleur du cul-de-sac de Douglas.

Mais cette forme complète de GEU est rarement observée, les signes sont souvent dissociés.

2. Echographie pelvienne : 

1) Forme typique :

Le diagnostic échographique de la GEU dans sa forme typique (rare) repose sur la constatation de :

– signes indirects :

. présence d’une ligne de vacuité intra-utérine nette et complète dans les cas simples, ou du moins absence de sac ovulaire intra-utérin,

. présence d’un épanchement dans le cul-de-sac de Douglas.

– signes directs plus inconstants : présence, en dehors de l’utérus, d’un sac ovulaire typique entouré d’une couronne trophoblastique, contenant un embryon avec ou sans activité cardiaque et éventuellement une vésicule vitelline.

► Le signe essentiel est l’absence de sac intra-utérin qui ne peut être affirmée de façon formelle que si la cavité utérine est correctement étudiée (intérêt de la voie vaginale) et en totalité.

La ligne cavitaire est fine et l’endomètre est souvent de type sécrétoire : épais et hyperéchogène.

Si le taux d’hCG est > 1.000 UI/ml : le diagnostic de GEU est très probable, en deçà il faut proposer un contrôle échographique 2 à 3 jours plus tard.

2) Formes atypiques de GEU :

Elles sont hélas les plus fréquentes et, bien que non spécifiques pour la plupart, doivent permettre d’évoquer le diagnostic.

a) Au niveau de l’utérus :

– L’absence de sac ovulaire intra-utérin et la présence d’une ligne de vacuité bordée d’un endomètre épais (≥ 7 mm) et hyperéchogène alors que le taux d’HCG > 1.000 mUI/ml rendent très probable la GEU.

En l’absence de signes cliniques, un contrôle échobiologique et clinique s’impose 3 à 4 jours plus tard de façon à confirmer ou non le diagnostic.

– La présence d’échos denses intra-utérins peut aussi bien correspondre à des caduques de GEU qu’à une hyperplasie simple de l’endomètre en dehors de toute grossesse.

Cet aspect peut aussi se rencontrer dans une fausse couche après affaissement du sac ovulaire.

– La présence dans la cavité utérine d’une lacune ovalaire à bords nets, très faiblement échogène, définit une image de “pseudosac gestationnel” fréquemment rencontrée dans les GEU ; elle ne peut correspondre à un sac ovulaire utérin évolutif car elle n’est jamais entourée de trophoblaste.

Il s’agit d’une réaction déciduale de l’endomètre, correspondant à un épanchement intracavitaire (hydro ou hématométrie), entouré d’une couronne endométriale échogène, qui peut évoquer à tort une rétention après fausse couche spontanée.

► Deux pièges doivent être évités :

– le kyste glandulaire endométrial qui peut simuler un petit œuf de 4 SA,

– le pseudosac ovulaire qui correspond à un épanchement intracavitaire (hydro- ou hématométrie) entouré de caduques hyperéchogènes ; par voie vaginale, cet aspect ne prête plus guère à confusion. Dans les cas difficiles, trois critères permettent de différencier sac et pseudosac :

. la localisation toujours centrale pour le pseudosac, souvent excentré pour l’œuf,

. la couronne échogène du pseudosac est toujours simple (caduque) alors qu’elle est double pour l’œuf (trophoblaste + caduque),

. en Doppler, le trophoblaste périovulaire présente un flux de type artériel ou veineux alors que l’endomètre décidual entourant le pseudosac ne présente aucun flux.

b) Epanchement péritonéal :

– Il peut être absent au cours d’une GEU (au début) ;

– en faible quantité, il siège dans le cul-de-sac de Douglas ;

– plus important, il peut entourer l’utérus et les annexes et remonter dans les gouttières pariéto-coliques jusque dans l’espace interhépato-diaphragmatique ;

– il peut être isolé sans masse annexielle décelable, et sans pathologie utérine, posant un difficile problème diagnostique.

L’épanchement peut être transsonore ou ± échogène en fonction du délai par rapport à l’épisode hémorragique et du degré d’organisation des caillots sanguins.

– Rappelons la forme particulière et plus rare de l’hématocèle (enkystée) isolée du Douglas qu’il est facile de méconnaître ou de prendre pour un artéfact digestif.

Nb : l’hématocèle enkystée correspond à une rupture ancienne et évoluant à bas bruit.

c) Masse annexielle :

– Elle n’est pas visible lorsqu’elle est trop petite ou masquée par une structure digestive.

– Lorsque la masse tubaire est visible, elle se présente sous la forme d’une structure ovale à contours nets, finement échogène, à côté de laquelle on peut mettre en évidence l’ovaire homolatéral. Cette image, dont la taille n’est pas proportionnelle à l’âge de la grossesse, correspond à un hématosalpinx

– Plus rarement la masse peut être hétérogène soulignée par une mince lame de liquide.

Il existe parfois une petite image liquidienne ronde à proximité de cette masse ; elle correspond à un kyste du corps jaune qu’il ne faut pas prendre pour l’hématosalpinx ou le sac ovulaire extra-utérin. 

Une masse annexielle pathologique n’est pas toujours simple à identifier sur le plan étiologique. Il peut s’agir :

– de certains kystes hémorragiques du corps jaune survenant dans le même contexte clinique d’aménorrhée et de métrorragies ; seule l’absence d’HCG peut affirmer l’absence de grossesse,

– une torsion d’annexe,

– un kyste endométriosique mais le contexte est différent,

– un pyosalpinx qui peut également être associé à un épanchement.

La découverte d’un sac gestationnel extra-utérin avec une vésicule vitelline, ou mieux un embryon vivant (20 %), et une couronne trophoblastique avec un flux vasculaire visible en doppler couleur est la situation idéale mais n’est pas la plus fréquente.

L’absence d’un flux vasculaire net péritrophoblastique traduit un décollement trophoblastique ou un arrêt d’évolution de la GEU. 

Le plus souvent, on retrouve une masse annexielle échogène et homogène, de forme arrondie ou ovalaire visible en dehors de l’utérus et distincte de l’ovaire correspondant à un hématosalpinx. Le trophoblaste est rarement individualisé au sein de cette dilatation qui n’est souvent que l’association de caillots sanguins et de quelques débris ovulaires.

L’absence de masse annexielle n’élimine évidemment pas le diagnostic de GEU.

d) En résumé :

On ne peut jamais éliminer une GEU par un examen échographique et il est important de le rappeler en conclusion du compte rendu, les cliniciens n’étant pas toujours au courant des limites de cet examen.

L’échographie seule peut parfois suspecter une localisation extra-utérine, mais on l’associe toujours au test de grossesse. 

L’association de ces deux examens permet, dans 98 % des cas, un diagnostic exact et précoce de ces grossesses redoutées, les seuls échecs des deux méthodes sont les fausses couches précoces.

Il faut se méfier de l’association exceptionnelle GIU et GEU survenant chez des femmes ayant eu une poly-ovulation donc principalement avec les inducteurs d’ovulation.

3. Localisations atypiques des GEU :

Des localisations inhabituelles rares (5 %), de diagnostic souvent tardif, mais souvent graves de GEU doivent être connues :

1) Grossesse interstitielle :

Elle se développe dans la portion intramurale de la trompe et fait donc partie des GEU sur le plan pronostique.

Elle apparaît sous forme d’un œuf utérin anormalement excentré et qui déforme la corne utérine homolatérale.

Cette forme est redoutable car latente en début de grossesse et menacée de rupture brutale avec hémorragie cataclysmique vers 3 à 4 mois.

Il faut la différencier de la grossesse angulaire, qui fait partie des GIU dont l’insertion est proche de la corne utérine. Elle se manifeste précocement (6-8 SA) par des métrorragies et des douleurs ; son risque est une plus grande fréquence d’avortement.

Le diagnostic d’une grossesse interstitielle peut se poser dans deux circonstances :

– l’examen est prescrit en début de grossesse (6-9 SA) à titre systématique ou devant l’existence de petites douleurs. A ce stade, il est parfois difficile de différencier cette GEU d’une grossesse angulaire ou développée dans une corne d’utérus cloisonné devant la position très excentrée du sac. Dans le doute, il peut être possible à ce terme de vérifier par cœlioscopie le diagnostic, sans risque pour une grossesse intra-utérine,

– plus tard vers 3 mois, l’examen est demandé devant des douleurs pelviennes avec un utérus sensible et déformé. Le clinicien évoque parfois la possibilité d’un myome en nécrobiose.

2) Grossesse abdominale : elle peut être envisagée dans trois circonstances :

– Au cours du premier trimestre : c’est un diagnostic de GEU porté devant l’absence de sac ovulaire intra-utérin chez une femme se sachant enceinte.

– Entre 3 et 4 mois, dans sa forme pelvienne : ce diagnostic est porté devant la constatation d’une grossesse normalement développée mais sans son rapport habituel avec le col et associée à la présence d’un utérus non gravide.

Lorsque la grossesse est implantée dans le Douglas, un seul diagnostic différentiel est à envisager, celui d’un utérus gravide, rétroversé, enclavé dans le Douglas. Cette rétroversion se corrige le plus souvent spontanément avant 3 mois. L’échographie doit différencier la grossesse abdominale du Douglas, refoulant l’utérus vers l’avant dont elle reste bien séparée, de la plicature d’un corps utérin gravide sous son col avec lequel il reste en parfaite continuité.

– Dans le troisième trimestre : cette grossesse peut être examinée soit pour une mort in utero inexpliquée soit par un contrôle systématique. Il est difficile à ce terme de mettre en évidence l’utérus vide, mais c’est la clef du diagnostic, ainsi que la position “excentrée” du fœtus et l’absence du rapport normal avec le col, précédemment décrit.

3) Autres localisations inhabituelles :

– Nidation dans la corne rudimentaire d’un utérus pseudo-unicorne ;

– GEU ovarienne dont la distinction avec un corps jaune hémorragique est quasi impossible ;

– Grossesse cervicale évoquant initialement un avortement en cours ; le diagnostic peut être suspecté devant un sac gestationnel et un trophoblaste entièrement situés sous l’orifice interne du col, une cavité utérine vide et un canal cervical en forme de “tonneau”.

Schématiquement, trois situations peuvent se rencontrer :

 

1) L’échographie fournit un diagnostic négatif de grossesse tubaire par la visualisation d’un sac gestationnel intra-utérin dont la taille doit être compatible avec l’âge gestationnel. Le sac ovulaire est visible dans l’utérus à partir de la 5ème SA en échographie abdominale conventionnelle et à partir de 4 SA en échographie endovaginale.  

 

2) Dans 10 % des cas, l’échographie visualise le sac gestationnel en situation extra-utérine : image liquidienne fixe, ronde ou ovalaire, mesurant 20 à 30 mm de diamètre, contenant un embryon doté d’une activité cardiaque et entourée d’une couronne dense, le trophoblaste. Les battements cardiaques embryonnaires peuvent être objectivés en temps réel et enregistrés en mode TM.

En fait, l’échographie endovaginale, beaucoup plus performante, montre aujourd’hui directement l’œuf ectopique dans plus d’un cas sur trois.

 

3) Le plus souvent, l’examen ultrasonore n’apporte que des éléments de présomption :

– Hémopéritoine : collection liquidienne rétro-utérine qui traduit une hématocèle débutante ; cette collection est parfaitement objectivée par l’échographie endovaginale. Une culdocentèse échoguidée affirme le diagnostic.

Devant la triade : ß-HCG > 1000 mUI/ml, absence de sac gestationnel visible (voie vaginale), épanchement du cul-de-sac de Douglas, une cœlioscopie s’impose. 

– Hématosalpinx : il correspond à la mise en évidence d’une masse latéro-utérine hétérogène arrondie, distincte de l’ovaire (prépondérance de la voie abdominale de première intention + +). Diagnostic différentiel : kyste endométriosique de l’ovaire.

Parfois au sein de cette masse, l’abord vaginal objectivera l’existence d’un sac gestationnel. Il rendra compte du caractère douloureux de la masse à la mobilisation élective.

Pour certains auteurs, la découverte à ce stade (en l’absence de tout épanchement pelvien) autoriserait un traitement conservateur (injection de méthotrexate sous ponction échoguidée).

– Signes endométriaux : absence de visualisation d’un sac gestationnel dans l’épaisseur de l’endomètre qui apparaît épais, échogène, homogène (décidualisation).

En cas de chute hormonale occasionnant un saignement endométrial, celui-ci écarte les deux faces de la muqueuse, créant l’image classique du “pseudo-sac” : image liquidienne allongée, médiane, occupant toute la cavité utérine et bordée par un endomètre épaissi, hyperéchogène, homogène (ce qui la différencie de celle du sac gestationnel qui est excentrée, à double contour (trophoblaste et caduque)).

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