1. Lorsque la MIU est confirmée : 2 cas se présentent :
1) Le pronostic maternel est en jeu :
>>> l’extraction fœtale doit se faire rapidement.
L’évacuation utérine en urgence en cas :
– d’éclampsie,
– placenta prævia,
– hématome rétro-placentaire,
– infection amniotique,
– pathologie maternelle sévère (p.ex. insuffisance cardiaque majeure).
Les possibilités d’obtention d’un accouchement par voie basse doivent être privilégiées dans la mesure du possible afin de faciliter les suites immédiates, tant sur le plan physique que psychologique, et de préserver le pronostic obstétrical ultérieur.
Dans tous les cas, le bilan initial doit comporter un bilan d’hémostase minimum incluant : NFS, plaquettes, TP, TCA, fibrinogène et dosage des facteurs de coagulation en cas d’allongement du TCA et/ou d’abaissement du TP.
Chaque anomalie éventuelle doit faire l’objet d’une correction en étroite collaboration avec l’anesthésiste : apport de plasma frais décongelé, correction d’une anémie, transfusion de plaquettes en cas de taux < 50.000/mm3…
2) Pas de facteur de gravité maternel (absence de pathologie infectieuse ou de la coagulation) :
– il n’y a pas d’urgence,
– l’hospitalisation dans un premier temps n’est pas nécessaire,
– la patiente entre généralement en travail dans les 15 à 20 jours qui suivent la mort fœtale.
Lorsque les mots sont prononcés, les parents sont sous le choc, étourdis, comme assommés. Il faut leur laisser le temps de retrouver leurs esprits.
Il leur faudra ensuite assumer la nouvelle, l’intérioriser et prendre la mesure de sa réalité.
Des explications sur le déroulement de la suite de la grossesse seront données peu après l’annonce du décès. Il s’agira d’expliquer de façon concrète ce qui va se passer sur le plan technique.
L’obstétricien doit expliquer aux parents les différents éléments de la prise en charge qui comprennent trois éléments principaux :
1. L’enquête étiologique.
2. Le déclenchement du travail : l’expulsion du fœtus doit être programmée et expliquée à la patiente.
3. La surveillance des grossesses ultérieures.
2. Enquête étiologique (bilan avant l’expulsion) :
Le bilan étiologique est nécessaire ; il doit être complet car la mort fœtale peut être d’origine multifactorielle.
Il est très important pour l’avenir obstétrical de la femme.
L’échographie doit rechercher une :
– malformation fœtale,
– grossesse prolongée,
– pathologie placentaire (PP, HRP, chorioangiome).
Le bilan biologique doit rechercher une :
– hypertension artérielle (HTA) : ionogramme, acide urique, créatinine, plaquettes, fond d’œil et ECG,
– diabète : glycémie à jeun et post-prandiale,
– dysthyroïdie : TSH, T4,
– alloimmunisation Rh : anticorps irréguliers, test de Kleihauer,
– pathologie hépatique, en fonction des données cliniques : bilan hépatique, Ag HBs…,
– infection : hémoculture (si fièvre > 38 °) (recherche de listéria), ECBU, prélèvements infectieux cervicovaginaux (gonocoque), sérologies maternelles (rubéole, toxoplasmose, CMV, Parvovirus B19),
– cause immunologique : Sd des antiphospholipides (ou SAPL), recherche lupus systémique (anticorps antinucléaire)…
Ne pas oublier un bilan de la crase sanguine (TCK, TP, TCA, NFS, plaquettes, fibrinogène) : en effet, un décollement placentaire peut se produire secondairement au décès fœtal dans 20 % des cas.
3. Déclenchement du travail :
La méthode de déclenchement à choisir doit tenir compte de plusieurs paramètres :
– le terme de la grossesse,
– les antécédents obstétricaux,
– la cause du décès et l’état de la maturation cervicale : par le score de Bishop.
Il est alors nécessaire et important d’être dans un environnement chirurgical et anesthésique pour agir en cas de complications.
La méthode de choix demeure l’accouchement (expulsion) par voie basse et après préparation du col aux prostaglandines.
1) Indications :
Les méthodes de déclenchement seront choisies en fonction des conditions obstétricales surtout cervicales.
Différents scores ont été proposés pour faire le pronostic d’induction artificielle du travail. Le plus simple et le plus utilisé est celui de BISHOP (score cervical).
Ce score donne les chances de succès du déclenchement et est obtenu par l’addition des points attribués à chaque critère.
– Si les conditions obstétricales sont favorables, (indice de Bishop ≥ 7), la méthode de choix est la perfusion d’ocytocine.
– Si les conditions sont défavorables (indice de Bishop < 7), et que l’indication médicale n’a pas un caractère d’urgence, on effectuera d’abord une maturation cervicale par prostaglandines.
– Les moyens mécaniques peuvent être utilisés dans les mêmes indications suscitées, ou en cas de contre-indications des méthodes pharmacologiques.
– La césarienne sera indiquée en cas d’échec ou de contre-indications des autres méthodes, en cas d’urgence obstétricale, ou en cas de contre-indication à la voie basse.
2) Choix du mode de déclenchement :
L’accouchement spontané survenant souvent dans les 15 jours (80 % des cas), l’expectative était autrefois de règle (sous couvert d’une surveillance de la température et de la crase sanguine).
Les situations suivantes contre-indiquent l’expectative : prééclampsie, chorioamniotite, placenta prævia et hémorragie maternelle.
► Si la poche des eaux est rompue depuis plus de 12 heures : antibiothérapie et déclenchement du travail.
Dans la pratique courante ; on opte fréquemment pour le déclenchement artificiel sans délai pour diminuer les risques hémorragiques et infectieux, faciliter l’étude anatomopathologique du placenta et du cordon et réduire les traumatismes de la femme.
L’évacuation utérine d’un fœtus mort à une période tardive de la grossesse, représente un véritable problème en obstétrique :
– D’une part par la présence de ce fœtus mort et ses complications,
– d’autre part les problèmes généraux engendrés par une évacuation tardive.
Aujourd’hui l’évacuation utérine est possible grâce à l’utilisation de moyens appropriés. On distingue les méthodes médicamenteuses et les méthodes non médicamenteuses :
a) Méthodes médicamenteuses :
– Ocytocine (Syntocinon ®),
– Prostaglandines.
b) Méthodes mécaniques :
3) En pratique :
a) Troisième trimestre et col favorable :
Induction du travail par oxytocine (Syntocinon ®) et rupture artificielle des membranes.
b) Deuxième trimestre ou col défavorable :
– Déclenchement du travail par méthodes médicamenteuses +++ : Syntocinon ® perfusions à fortes doses, prostaglandines, Aburel (injection intra-amniotique de SSI),
Utiliser l’association antiprogestatif (mifépristone) si disponible + prostaglandine :
– Mifépristone (MIFEGYNE 200 mg ®) +++ : PO : 600 mg/jour en une prise pendant les deux premiers jours suivie le troisième jour d’une prostaglandine aux doses ci-dessous.
ou une prostaglandine seule d’emblée :
– Dinoprostone (PREPIDIL INTRACERVICAL 0,5 mg ®, PROPESS 10 mg ®, PROSTINE E2 ®),
– Misoprostol (CYTOTEC ®) (Pas d’AMM) : retiré du marché le 01/03/2018…
• En cas d’antécédent de césarienne et grande multiparité, compte tenu du risque de rupture utérine :
Privilégier l’association mifépristone + prostaglandine, qui permet de diminuer le nombre de doses de prostaglandine nécessaires.
Réduire de 50 % les doses d’oxytocine ou de misoprostol.
Ne pas donner plus de 3 doses au total de dinoprostone.
4. Au cours du travail :
L’accouchement spontané d’un fœtus mort se caractérise par une perturbation des phénomènes physiologiques et mécaniques :
– la dilatation du col se fait plus lentement car les parties fœtales sont moins résistantes,
– les membranes sont flasques et font une hernie dans l’orifice cervical, la poche des eaux se présente alors sous forme d’un sablier n’appuyant plus efficacement sur les bords de l’orifice utérin,
– un travail volontiers dystocique, long, douloureux avec des contractions utérines de mauvaise qualité et insuffisantes,
– parfois, il peut y avoir des présentations spécifiques : en duplicata corporea,
– au cours de l’expulsion : si l’expulsion débute avant dilatation complète, pas de manœuvres intempestives qui ne conduiraient qu’à dilacérer le fœtus et l’extraire en morceau et à traumatiser le col, il faut attendre la dilatation complète en s’aidant par l’ocytocine si les contractions sont insuffisantes, où l’expulsion sera volontiers sous anesthésie générale à moins qu’une analgésie péridurale n’ait déjà été mise en place en l’absence de troubles de la coagulation.
► En cas de présentation dystocique ou de disproportion fœtopelvienne : essayer d’éviter une césarienne, accepter un travail long avec une phase de latence prolongée.
Réaliser si besoin une embryotomie.
Anesthésie générale souhaitable en période d’expulsion pour des raisons psychologiques.
Une césarienne ne sera pratiquée qu’en dernier recours.
► La délivrance :
La rétention de la caduque est fréquente vu que le placenta devient friable, d’où la nécessité de faire une délivrance artificielle suivie d’une révision utérine.
Les hémorragies graves par défibrination surviennent souvent au cours de la délivrance, ce qui impose une surveillance par des dosages répétés de la crase sanguine.
Examiner attentivement le placenta (rétention de fragments possible).
5. Méthode chirurgicale : la césarienne
Dans certains cas, la césarienne reste la seule possibilité d’évacuation utérine et sera indiquée en urgence en cas de :
– complications hémorragiques,
– placenta prævia recouvrant,
– état de choc,
– malformation utérine,
– cicatrices utérines avec suites compliquées d’infection,
– bassin généralement rétréci,
– présentation transverse avec échec de version au troisième trimestre,
– contre-indication absolue aux autres méthodes.
6. Bilan après l’expulsion :
Il porte sur l’examen du fœtus et des annexes fœtales :
a) Examen du nouveau-né :
– Examen morphologique : il est commencé en salle de travail et complété lors de l’autopsie :
. poids, taille, sexe,
. périmètre crânien et thoracique, segments supérieurs et inférieurs,
. recherche de malformations apparentes,
. photographie totale (F+P).
– Examen bactériologique : par prélèvements des orifices naturels et du liquide gastrique (à la recherche de listéria, de germes aéro et anaérobies).
– Radiographie du squelette : à la recherche d’anomalies osseuses ou de C.I.C (toxoplasmose).
– Etude du caryotype fœtal : si enfant malformé ou RCIU important. La macération le rend souvent impossible. Le caryotype est de préférence réalisé sur des tissus fœtaux (tendons ou peau), plutôt que sur du sang obtenu par ponction intra-cardiaque.
– Autopsie (après accord du couple) : indiquée en cas de doute sur l’origine du décès fœtal (agénésie rénale, cardiopathie grave, polykystose hépato-rénale).
b) Examen du placenta :
– Le placenta doit être pesé et décrit :
. forme, tumeur (chorioangiome, kyste),
. recherche de cupule placentaire (HRP),
. infarctus, micro-abcès, hématomes déciduaux, signes de sénescence.
– Prélèvements bactériologiques,
– L’examen histologique est capital mais il peut être rendu impossible par la macération (le formol est un milieu de conservation préférable au liquide de Bouin) ⇒ recherche surtout de signes d’infection, en particulier à listéria (micro-abcès en zone villositaire).
c) Examen du cordon :
– insertion du cordon (vélamenteuse),
– longueur du cordon, éventuel nœud,
– absence d’une artère.
Il ne faut pas obliger les parents à voir l’enfant, mais il faut accéder à leur demande et les soutenir si ce désir est exprimé (sauf en cas d’embryotomie très mutilante ou de malformations sévères). Dans ce cas, l’enfant est présenté comme le serait un nouveau-né, propre et emmailloté.
Le corps doit être remis aux parents s’ils souhaitent organiser des funérailles.
7. Le séjour en maternité :
Après l’accouchement, la durée de l’hospitalisation est souvent brève. Cette période doit être mise à profit pour préparer le couple à un retour à domicile sans enfant.
Des consultations avec des psychologues spécialistes doivent être systématiquement proposées.
Le médecin qui a suivi la grossesse doit venir voir la patiente en suite de couche car son absence est considérée comme une fuite ; le soutien de l’obstétricien choisi pour la surveillance de la grossesse est le facteur qui diminue le plus le risque relatif d’insatisfaction maternelle.
Prise en charge psychologique :
La mort fœtale in utero est un accident brutal et inattendu, un traumatisme inacceptable.
Pour nous, soignants, il s’agit essentiellement de faire preuve d’une extrême vigilance dans l’annonce de la mort d’un enfant et dans l’accompagnement des parents. La réussite repose avant tout sur un travail d’équipe qui met en jeu les compétences et l’écoute des obstétriciens, infirmières, psychologues, sages-femmes et anesthésistes. L’objectif est d’aider les familles à faire le deuil de l’enfant dans les meilleures conditions afin qu’ils puissent continuer à vivre, certes marqués par cette épreuve mais sans entamer un deuil pathologique.
8. Sortie de la patiente :
Après l’accouchement : sortie de la patiente avec prescription d’un inhibiteur de la lactation (Dostinex ®, Parlodel ®), et bien sûr un rendez-vous de consultation à distance pour un examen clinique et la poursuite du bilan étiologique.
Les mères d’enfants mort-nés sont toutes à risque de développer des problèmes psychologiques ; la mortalité périnatale est associée à une augmentation des taux de dépression du post-partum.
9. Bilan à distance :
Le bilan initial est ultérieurement complété par :
1) Un conseil génétique : qui permet :
– une enquête familiale : examen clinique, arbre généalogique, examens pratiqués antérieurement,
– l’appréciation du risque de récurrence.
2) Il permet aussi de proposer une CAT pour la grossesse suivante :
– soit surveillance simple (complication accidentelle),
– soit, lorsqu’il existe un risque de récurrence : biopsie du trophoblaste ou amniocentèse, surveillance échographique selon les cas.
3) Une HSG à distance de l’accouchement est pratiquée lorsqu’une malformation utérine ou un myome sont suspectés.
10. Surveillance des grossesses ultérieures :
1) La conduite sera facile si on a tous les paramètres qui ont provoqué la MIU :
– surveillante étroite des paramètres cliniques, biologiques et échographiques à intervalles rapprochés, hospitalisation à la moindre anomalie,
– dépistage anténatal à prévoir en cas de malformation létale à répétition.
2) En cas d’antécédent de MIU inexpliquée :
– surveillance très étroite,
– hospitalisation avant la date du décès fœtal précédent :
. soit attendre le début du travail en l’absence d’anomalie,
. certains proposent la césarienne dès maturité fœtale.
Points clés
La rétention prolongée du fœtus MIU expose au risque de défibrination, et à celui d’infection ovulaire si les membranes se rompent.
L’accouchement spontané est souhaitable, cependant il n’est pas possible de garder une MIU trop longtemps vus les risques cités et la répercussion psychologique chez la gestante.
● Méthodes de déclenchement du travail :
– perfusion de Synthocinon ®, de Pg,
– technique d’Aburel,
– sonde en extra-amniotique.
● Accouchement : il est souvent caractérisé par une :
– mauvaise accommodation : front, tête mal fléchie ramollie avec chevauchement, épaule ⇒ expulsion en conduplicato-corpore,
– dystocie dynamique,
– expulsion difficile : (le forceps est contre-indiqué lorsque la mort est ancienne).
● Pronostic maternel : lésions traumatiques lors de l’accouchement, possibilité d’hémorragie de la délivrance par troubles de la coagulation (rare).