1. Facteurs utérins :
1) Anomalies de la caduque :
La caduque utérine n’a pas su se développer normalement lorsque la muqueuse endométriale présente des lésions chroniques ou cicatricielles.
Ces lésions peuvent être dues à :
a) des séquelles d’endométrite chronique post-partum, post-abortum,
b) des cicatrices traumatiques de l’utérus, de nature fibreuse, sur lesquelles l’endomètre ne peut se développer normalement :
– cicatrices de manœuvre endo-utérine:
. curetage abrasif et classiquement curetage du post-partum qui ne devrait plus exister,
. aspiration endo-utérine pour interruption de grossesse,
. interventions manuelles intra-utérines du post-partum si elles sont peu agressives pour l’utérus favorisent indiscutablement les endométrites, sources de séquelles,
. les cures de synéchie, même effectuées dans les meilleures conditions et quelque soit le traitement appliqué ensuite, laissent une cicatrice fibreuse sur chaque face de la cavité utérine.
– cicatrices de chirurgie utérine:
. réparation spontanée ou suture de perforation utérine,
. myomectomie des myomes sous-muqueux ou intramuraux lorsqu’il y a eu effraction de la cavité utérine,
. traitement des malformations : utérus bicorne, cloisonné…
. hystérotomie pour césarienne, surtout corporéale.
c) Cas particuliers :
On doit classer à part les malformations utérines et l’endométriose :
– dans les malformations : en particulier utérus cloisonné, la cloison est le plus souvent recouverte d’une muqueuse atrophique de mauvaise qualité où la transformation normale en caduque est impossible,
– dans l’endométriose utérine : les cryptes d’adénomyose s’enfoncent plus ou moins profondément dans l’épaisseur du myomètre et semblent pouvoir y guider des adhérences placentaires pathologiques.
2) Anomalies de la contraction myométriale :
a) Inertie utérine :
– Généralisée : due à des utérus qui ont été distendus par un trop grand volume ovulaire (grossesse multiple, hydramnios) ou dont le myomètre est l’objet d’une dégénérescence fibreuse (grande multipare âgée).
Elle peut être primaire survenant d’emblée ou secondaire après expulsion du délivre.
– Localisée : en regard en particulier de myomes intramuraux.
b) Hypertonie :
L’hypertonie est habituellement généralisée, mais elle peut se traduire par l’apparition d’un anneau de striction retenant tout ou partie du délivre :
– Spasme cervical de l’orifice interne réalisant l’incarcération placentaire totale sur un placenta le plus souvent décollé.
– Spasme au niveau de l’une des cornes ou au milieu du corps utérin retenant une partie du placenta volontiers non décollé et réalisant l’enchatonnement.
2. Facteurs placentaires :
Trois types d’anomalies :
1) Anomalies de volume :
Placenta très développé dans les grossesses macrosomes ou multiples présentant une très large surface d’implantation utérine, de poids pouvant dépasser 750 g.
2) Anomalies de constitution :
Insertion vélamenteuse du cordon, existence de cotylédon aberrant ou placenta bilobé.
3) Anomalies d’implantation :
– de lieu : insertion basse, sur le segment inférieur, pauvre en fibres myométriales, assurant une rétraction et une hémostase de mauvaise qualité après le décollement.
– de pénétration : associée à un défaut de formation des caduques et favorisée par les anomalies de l’endomètre déjà citées, on distingue : placenta accreta, increta, percreta et destruens.
Dans toutes ces formes anatomiques, il n’existe plus de plan de décollement physiologique du placenta.
3. Facteurs généraux :
Ils concernent essentiellement les troubles de la coagulation :
1) Troubles congénitaux :
Le diagnostic est en général connu de la parturiente et un traitement préventif peut être mis en œuvre ; sont concernés, en particulier :
– la maladie de Von Willebrand : troubles des fonctions plaquettaires associés à un déficit du facteur VIII (traitement préventif si < 25 %),
– le déficit congénital en facteur XI (Rosenthal) (compensation préventive si taux < 40 %).
2) Troubles acquis :
a) Traitements anticoagulants et grossesse :
L’indication d’héparinothérapie en fin de grossesse se rencontre essentiellement dans la maladie thrombo-embolique veineuse.
La phlébite des membres inférieurs présente un risque embolique pulmonaire majeur lors de l’accouchement et du post-partum immédiat : la vacuité utérine lève leffet « clip-cave » que représenterait l’utérus gravide.
Il apparait donc dangereux de suspendre l’héparinothérapie au-delà de quelques heures.
On recommande des injections horaires d’héparine dès le début du travail qui sont suspendues à 4 cm chez la multipare et à 6 cm chez la primipare.
Le traitement est repris en absence de pathologie intercurrente 2 heures après la délivrance.
Antagoniste : sulfate de protamine.
b) Déficits complexes des insuffisances hépatiques (hépatite virale du 3ème trimestre, stéatose hépatique aiguë gravidique).
L’insuffisance hépatique peut être d’installation rapide, et est responsable de troubles complexes de l’hémostase.
c) Coagulopathies acquises :
Elles peuvent apparaître avant, pendant ou après la période de la délivrance.
Elles peuvent être cause ou conséquence d’une pathologie obstétricale.
Elles sont rares (1 % des accidents hémorragiques obstétricaux) mais graves.
Elles sont favorisées par les modifications physiologiques de l’hémostase chez la femme enceinte au 3ème trimestre.
Il existe en effet un état d’ » l’hypercoagulabilité » latente : augmentation du fibrinogène, de la proconvertine (VII), des facteurs antihémophiliques A (VIII) et B (IX), du facteur Hageman (XII), alors que parallèlement, il existe une diminution des facteurs fibrinolytiques et de l’activité du système réticulo-endothélial.
Elles surviennent dans 3 circonstances qui peuvent être intriquées :
= Dans les septicémies à germes Gram négatif ayant pour point de départ une infection ovulaire dont les germes passent dans la circulation maternelle à l’occasion du travail ou de l’ouverture des sinus veineux utéro-placentaires, lors du décollement.
= Lors de la rétention prolongée de fœtus mort in utero, d’embolie amniotique ou d’HRP, des thromboplastines d’origine ovulaire sont libérées dans la circulation maternelle. Les membranes, le placenta, le LA sont en effet particulièrement riches en matériel thromboplastique.
= Lors de la préexistence d’une fuite hémorragique importante : il s’agit probablement du mécanisme le plus fréquent en obstétrique. Le tableau clinique est amorcé par une hémorragie intense par placenta praevia, rupture utérine, délabrement des voies génitales inférieures, grandes plaies du vagin ou du col, HRP.
d) Anomalies plaquettaires :
Les thrombopénies et les thrombopathies sont responsables de manifestations hémorragiques lorsque le nombre de plaquettes est inférieur à 10.000/mm3, mais le risque hémorragique est déjà présent en dessous de 50.000/mm3 (essentiellement dans le purpura thrombopénique idiopathique et les hémopathies malignes).
4. Facteurs iatrogènes :
Il peut s’agir de drogues ou de techniques :
– inhibant la contraction utérine,
– ou au contraire responsables d’une contracture,
– entraînant une vaso-dilatation avec vasoplégie généralisée et/ou localisée,
– ou encore visant à extraire le placenta de façon intempestive.
1) Drogues :
a) Tocolytiques :
Substances β-mimétiques à effet utérin marqué (Ritodrine, Salbutamol).
Ces produits ne sont pas utilisés au cours du travail mais le problème se pose surtout en cas d’accouchement prématuré lors d’un échappement à la tocolyse avec dilatation à bas bruit. Il existe alors une imprégnation myométriale par les β-mimétiques persistant au-delà de 6 h après leur arrêt, qui est responsable d’une myorelaxation utérine pouvant entraîner un retard au décollement placentaire et/ou une hémorragie par absence de rétraction.
2) Ocytociques :
Ils peuvent être la cause d’une complication de la délivrance par 2 mécanismes :
– rétraction myométriale brutale sur un délivre non entièrement décollé et n’ayant pas migré dans les voies génitales basses : complication classique de l’enchatnnement ou de l’incarcération du placenta dans la technique de délivrance dirigée.
– effet d’épuisement du myomètre lorsque le travail s’est déroulé dans sa majeure partie sous perfusion ocytocique, en particulier après déclenchement et que les ocytociques sont arrêtés avec la naissance de l’enfant. On assiste alors à une atonie utérine.
3) Anesthésiques généraux :
Essentiellement l’halothane qui, à concentration moyenne (1 %) présente un effet utéro-relaxant important associé à une vasoplegie modérée, cédant rapidement à l’arrêt de l’administration du produit.
4) Anesthésies loco-régionales :
La péridurale et la rachianesthésie sont susceptibles de diminuer, en cas de surdosage, la force contractile du myomètre.
2) Techniques :
Les manœuvres dangereuses : la traction intempestive sur le cordon ou l’expression utérine à la crédé sont des gestes à proscrire car générateurs de décollement placentaire incomplet ou de contracture utérine voire d’inversion utérine.