Contexte

Mme R., G4 P3, O Rhésus D négatif, présente dans ses antécédents obstétricaux :

– Une grossesse en 2012 avec présence d’agglutinines irrégulières nécessitant une surveillance par 3 amniocentèses dont le résultat révélait une anémie modérée.

Une césarienne fut pratiquée au terme de 38 SA avec naissance d’une fille de 1,800 kg exsanguinée à la naissance.

– Pour la grossesse suivante, en 2013, l’alloimmunisation érythrocytaire s’était aggravée et a nécessité une prise en charge par 4 exsanguino-transfusions in utero (ETIU) à partir de 22 SA.

Naissance à 38 SA d’une fille pesant 1,800 kg exsanguinée à la naissance.

– Enfin, en 2015, la grossesse suivante a nécessité une prise en charge par 6 ETIU à partir de 19 SA pour anasarque fœtoplacentaire stade 1.

Naissance d’un garçon pesant 2,600 kg transfusé une fois.

 

Cette patiente débute une nouvelle grossesse. Quelle attitude doit-on avoir ?

 


 

Commentaire

Tout d’abord, un bilan initial de gravité est à pratiquer, car le problème de ces incompatibilités sévères est le risque majeur d’anémie fœtale in utero qui peut évoluer vers la MIU en l’absence de diagnostic adapté et de traitement.

Dans un premier temps, le groupe sanguin du père avec la notion d’homo- ou hétérozygotie nous permettra de savoir si le fœtus a des chances d’être Rhésus négatif et s’il pourra bénéficier d’un diagnostic de groupe sanguin pratiqué par PCR sur liquide amniotique.

Devant la gravité des antécédents, c’est la surveillance échographique qui prime. 

Les premiers signes échographiques seront la diminution des mouvements fœtaux, l’apparition d’une hépatomégalie, les anses intestinales trop bien vues correspondant à un début d’ascite.

Dans le cas de cette patiente, le bilan initial de gravité confirmait le caractère homozygote du père dans le système rhésus D.

Le taux d’anticorps en début de grossesse était de 8 µg/ml, soit équivalent à celui de la grossesse antérieure.

La surveillance échographique bi-hebdomadaire à partir de 16 SA a révélé des anses intestinales trop bien vues avec suspicion d’ascite au terme de 19 SA.

A ce terme, l’attitude est de pratiquer d’emblée une cordocentèse pour évaluer le taux d’hémoglobine fœtale en ayant préparé du sang pour une exsanguino-transfusion si elle se révèle nécessaire. En effet, une amniocentèse ne sera interprétable d’après le diagramme de Liley qu’après 22 S.A.

Le taux d’hémoglobine était de 1,7 g/dl (ce qui peut très bien se voir dans les formes graves et précoces, le fœtus tolérant relativement mieux son anémie à ce terme que plus tard, mais la décompensation en est très brutale).

Une exsanguino-transfusion a été pratiquée sous anesthésie locale.

En fin d’intervention, le taux d’hémoglobine était de 11,1 g/dl.

D’autres interventions furent réalisées en les espaçant régulièrement, le but étant d’atteindre la chute habituelle de 2 g d’hémoglobine par semaine permettant la réalisation d’une ETIU par mois.

Dans le cas présent, 7 ETIU furent nécessaires pour atteindre le terme de 36 SA, date à laquelle fut pratiquée la césarienne, avec naissance d’un garçon de 2,790 kg avec 13,2 g/dl d’hémoglobine.

Au total :

 

Cette observation permet de souligner plusieurs points dans la prise en charge des grossesses avec alloimmunisation érythrocytaire sévère :

L’intérêt de la bonne documentation des antécédents.

La possibilité de diagnostic de groupe sanguin sur liquide amniotique dans le système D, C, Kell…

– L’importance du bilan initial de gravité pour l’orientation de la prise en charge.

 La bonne fiabilité des signes échographiques d’anémie fœtale (en se méfiant des allo-immunisations Kell où le tableau peut évoluer particulièrement vite).

 Les possibilités thérapeutiques in utero avec une bonne efficacité, ce qui permet de rassurer un bon nombre de patientes qui viennent consulter pour avis avant une nouvelle grossesse, tout en les informant des contraintes de la surveillance et des risques faibles mais présents de toute technique in utero.

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