1. Cancer du sein inflammatoire :

1) Aspect clinique :

Le cancer du sein inflammatoire est une forme particulière de cancer du sein caractérisée essentiellement par sa présentation clinique et son extrême gravité. Il représente seulement 1 à 5 % de l’ensemble des cancers du sein avec une fréquence variant selon les pays, élevée dans les pays du Maghreb, notamment en Tunisie.

Dans la forme typique, le sein est augmenté de volume, lourd, chaud, tendu et il n’est pas toujours facile d’individualiser une masse palpable ; les signes inflammatoires sont précoces dans l’évolution de la maladie, parfois ils viennent émailler tardivement l’évolution d’une tumeur mammaire négligée ; ils ne s’accompagnent généralement pas de fièvre, de frissons ni d’hyperleucocytose ce qui constitue un diagnostic différentiel avec un processus infectieux (lymphangite ou abcès du sein notamment).

La mammographie montre parfois le foyer tumoral, mais ce sont le plus souvent des signes indirects qui sont mis en évidence (épaississement cutané, surdensité du sein).

Une controverse existe en ce qui concerne l’intérêt de la biopsie cutanée réalisée en zone inflammatoire.

Certains considèrent que l’envahissement histologique des lymphatiques du derme est indispensable pour affirmer le diagnostic, d’autres pensent que la définition est avant tout clinique.

Les caractéristiques épidémiologiques et le type histologique du cancer du sein inflammatoire sont superposables aux autres cancers du sein avec un pic de fréquence aux alentours de 50 ans. Le pronostic repose sur l’envahissement ganglionnaire, le volume de la tumeur et l’importance de l’œdème péritumoral.

2) Traitement :

Il s’agit d’un traitement combiné associant une chimiothérapie néo-adjuvante à un traitement local, radiothérapie précédée ou non d’une mastectomie, et une chimiothérapie complémentaire.

La survie à 5 ans, inférieure à 10 % avec la chirurgie seule ou associée à la radiothérapie, est de 40 % dans les meilleures séries lorsque la chimiothérapie est combinée.

– Chimiothérapie néo-adjuvante :

Elle repose sur les associations classiques de type FAC ou FEC, les points à discuter sont le nombre de cures à réaliser en induction (trois ou plus) et surtout la dose de chimiothérapie par cure, ce qui fait l’objet d’essais thérapeutiques avec ou sans utilisation de facteurs de croissance hématopoïétiques (on s’oriente de plus en plus sur l’utilisation de fortes doses de chimiothérapie avec l’utilisation de facteurs de croissance des granuleux, ou de très fortes doses avec réinjection de cellules souches hématopoïétiques).

– Traitement locorégional :

Dans une étude randomisée, l’association chirurgie/radiothérapie, après chimiothérapie d’induction, ne s’est pas révélée supérieure à la radiothérapie seule, que ce soit pour le contrôle local ou pour la survie globale ; en revanche, dans une analyse multivariable la chirurgie semble améliorer le contrôle local (19 % de récidive locale après mastectomie contre 70 % s’il n’y a pas eu mastectomie) :

. Si les signes inflammatoires ont complètement disparu après chimiothérapie : une mastectomie est recommandée avant la radiothérapie,

. si une inflammation persiste : seule la radiothérapie est effectuée.

– Chimiothérapie d’entretien :

Elle est réalisée après le traitement locorégional, généralement sous forme d’associations de drogues telles que le FAC ou le FEC, le plus souvent à doses conventionnelles. La durée optimale de ce traitement complémentaire n’est pas déterminée et varie selon les équipes (4 à 6 mois).

2. Cancer du sein chez l’homme : Cf chapitre spécial

3. Cancer du sein chez la femme enceinte :

1) Fréquence :

Elle est relativement faible en raison de la coïncidence qu’elle sous-entend, mais aussi de la faible incidence du cancer du sein avant l’âge de 40 ans.

2) Pronostic :

Il est à stade égal plus sévère. Les chiffres ont cependant varié au cours du temps. Dans les séries anciennes, la survie à 5 ans n’était que de 20 %. Il en était de même des cancers découverts dans le post-partum (23 %). 

Dans les séries plus récentes, la survie à 5 ans des formes N- est de 82 %, pas différente de celle d’une série comparative de patientes non enceintes. Au contraire chez les patientes N+, la survie est de 47 % contre 59 % chez celles qui ne sont pas enceintes ; les raisons de ce pronostic plus sévère sont liées au jeune âge des patientes mais surtout au retard du diagnostic et du traitement.

3) Conséquences des thérapeutiques :

– Modifications du métabolisme maternel :

Les modifications du métabolisme maternel pendant la grossesse vont avoir des conséquences sur l’effet des thérapeutiques. Le volume plasmatique est augmenté de 50 % en fin de grossesse, augmentant l’espace de dilution. Cet espace de dilution est lui-même augmenté par le passage des drogues dans le liquide amniotique. La dégradation hépatique est augmentée, de même que la filtration glomérulaire. Tout ceci peut donc réduire l’efficacité des drogues administrées. Le passage placentaire des drogues est mal connu mais on sait que les substances de bas poids moléculaires, liposolubles ou liées aux protéines passent très bien dans le placenta. Elles peuvent donc atteindre le fœtus mais aussi se diluer dans le liquide amniotique.

– Risques de l’hormonothérapie :

L’hormonothérapie durant la grossesse n’a pas fait l’objet de travaux spécifiques.

L’ovariectomie bilatérale, possible même en début de grossesse, n’a pas entraîné d’amélioration de la maladie dans les cas publiés ce qui peut s’expliquer par l’abondante sécrétion hormonale d’origine placentaire ; le tamoxifène n’est pas indiqué en raison du risque hormonal qu’il fait courir pour le développement du fœtus.

– Risques de la chimiothérapie pour le fœtus :

L’administration d’une chimiothérapie chez la femme enceinte ajoute à la toxicité maternelle une toxicité potentielle sur le fœtus : l’observation à la naissance d’anomalies hématologiques, allant jusqu’à l’aplasie médullaire, démontre le passage placentaire de certaines drogues et le risque de toxicité fœtale aiguë. Outre le fait que la rareté des observations ne permet pas de connaître avec précision le retentissement immédiat de la chimiothérapie sur le fœtus, le risque à long terme sur l’enfant et l’adulte qu’il deviendra, notamment le développement neurologique et intellectuel, n’a pas fait l’objet d’études prospectives (des troubles sont connus en expérimentation animale) ni d’étude sur la descendance des personnes soumises à la chimiothérapie anticancéreuse durant leur vie in utero.

. Au premier trimestre : d’une part la chimiothérapie est abortive, d’autre part si la grossesse va à terme, le risque de malformation fœtale est majeur, estimé à 16 % ; pour les drogues utilisées dans le cancer du sein, le risque est rapporté pour le fluoro-uracile, le cyclophosphamide, le méthotrexate, il est non précisé pour les anthracyclines et les taxanes ; la chimiothérapie à cette période est donc contre-indiquée.

. Aux deuxième et troisième trimestres : il n’a pas été observé de risque malformatif, mais une prématurité et/ou une hypotrophie fœtale sont rapportées dans la moitié des cas environ.

L’indication de chimiothérapie pendant la grossesse tient compte du stade de la maladie, du bénéfice attendu pour la malade et des risques pour l’enfant ; la décision doit respecter le souhait de la mère et du couple en parfaite connaissance des enjeux ; l’interruption de la grossesse a un effet thérapeutique non précisé, mais permet d’administrer en toute liberté une hormonothérapie ou une chimiothérapie.

En situation adjuvante, après la 14ème semaine et loin du terme, une chimiothérapie peut être administrée avec les réserves indiquées ci-dessus.

Au stade métastatique, si la grossesse est maintenue, la chimiothérapie dont l’effet n’est que palliatif, sera proposée en fonction du risque vital, de la sévérité des symptômes et de la proximité du terme.

– Risques de la radiothérapie :

La dose délivrée au fœtus dépend de la dose au sein et de la distance entre le champ d’irradiation et le fœtus.

Avec 45 Gy, le fœtus reçoit 18 Gy pour une distance de 5 cm et 0,3 si la distance est de 20 cm.

Les risques dépendent surtout de l’âge de la grossesse :

. en début de grossesse, jusqu’au 10ème jour : le risque est celui d’un avortement même pour de faibles doses reçues (0,5 à 0,6 Gy),

. jusqu’au 41ème jour : le risque de malformation apparaît pour des doses reçues de 1 à 2 Gy,

. au-delà peuvent apparaître des anomalies fonctionnelles et un retard de croissance intra-utérin. Le risque de cancers radio-induits et de mutations transmissibles est mal documenté.

4) Conduite à tenir :

Le principe et les méthodes de traitement d’un cancer du sein ne doivent pas être modifiés en cas de gestation concomitante. Seule la chronologie d’application des temps thérapeutiques peut être adaptée en fonction de l’âge de la grossesse et des conditions de sa poursuite. Toutefois l’enfant ne doit pas être systématiquement sacrifié aux impératifs du traitement : il peut, en effet, être possible d’aménager les modalités thérapeutiques sans risque de compromettre l’efficacité du traitement.

Une chirurgie majeure est compatible avec une grossesse qui peut être respectée, même en début de grossesse, s’il n’y a pas, pour améliorer le pronostic maternel, de traitement complémentaire à prévoir (radiothérapie et/ou chimiothérapie). En revanche, l’interruption s’impose, aussi précocement que possible, pour réaliser un programme thérapeutique optimal qui exposerait le fœtus à des risques toxiques certains, le plus souvent létaux.

– Traitement locorégional :

Il est essentiel de ne pas retarder le traitement chirurgical qui est sans conséquence pour le fœtus.

Le choix entre mastectomie et traitement conservateur repose sur les même critères qu’en dehors de la grossesse. Cependant, dans les cas où la radiothérapie devrait être trop différée du fait des risques fœtaux, on préférera la mastectomie avec report de la radiothérapie en fin de grossesse.

– Traitement adjuvant :

. S’il n’y a pas d’envahissement ganglionnaire et si les facteurs de pronostic sont favorables (tumeur de moins de 3 cm, de grade I ou II de SBR et récepteurs positifs), aucun traitement médical adjuvant ne sera proposé.

. S’il existe un envahissement ganglionnaire (N+) ou si sont présents pour les cas N-, deux ou trois facteurs de pronostic défavorables, le traitement adjuvant ne différera pas de celui qui est proposé aux patientes non enceintes ; sur le plan obstétrical :

– avant la 16ème semaine d’aménorrhée (SA) : il est préférable de proposer une ITG,

– entre la 16ème et la 24ème semaine : on pourra encore proposer, dans ces cas défavorables, une ITG,

– à partir de la 32ème semaine : on déclenchera l’accouchement dès que la viabilité fœtale sera assurée.

La situation la plus délicate se situe entre la 24ème et la 32ème semaine où il faut évaluer les risques de la chimiothérapie et si cette dernière est retenue, choisir des drogues efficaces et peu dangereuses pour le fœtus.

Toutes ces décisions, difficiles à prendre, doivent être adaptées à chaque situation, après entretien approfondi avec le couple qui doit être clairement informé, sinon du diagnostic et du pronostic précis, du moins des exigences du traitement visant à offrir le maximum de chances de contrôle tumoral durable.

4. Maladie de Paget du mamelon : Cf chapitre spécial

5. Sarcomes du sein :

Les sarcomes du sein représentent moins de 1 % des cancers du sein. On distingue les tumeurs phyllodes, les carcinosarcomes et les sarcomes.

1) Tumeurs phyllodes :

Les tumeurs phyllodes sont des tumeurs fibroépithéliales peu fréquentes. La classification de Norris et Taylor définit trois classes histologiques : bénigne, borderline et sarcome. L’incidence du sarcome phyllode a été estimée par le SEER Program à 2,1 par million de femmes avec un pic vers 45-49 ans. La fréquence est quatre fois plus importante dans les populations d’origine latine blanche que dans les populations anglo-saxonnes. 

Cliniquement, il s’agit d’un nodule mammaire dont la seule caractéristique est son augmentation rapide de volume. Les mammographies et l’échographie sont sans spécificité. La cytologie fine ne conduit pas toujours au diagnostic. Le diagnostic est histologique suite à l’exérèse chirurgicale.

Le traitement dépend du grade histologique :

– les tumeurs de bas grade (adénofibromes phyllodes) doivent bénéficier d’une exérèse passant à distance de la capsule ; l’ablation doit être complète pour éviter les récidives (la mastectomie est parfois nécessaire pour des tumeurs géantes) ; le risque de récidive est de 15 % environ, parfois sous forme borderline ; ces rechutes sont le plus souvent la conséquence d’une exérèse incomplète, le diagnostic porté initialement ayant été celui d’adénofibrome,

– les tumeurs de grade intermédiaire doivent être traitées par exérèse complète ; en cas d’énucléation simple, il faut reprendre le lit tumoral pour compléter le geste chirurgical ; la mastectomie est parfois nécessaire devant le volume des lésions, elle s’impose en cas de récidive.

– les sarcomes phyllodes sont traités par mastectomie qu’il est parfois nécessaire d’étendre à la résection du muscle pectoral ou même à la paroi thoracique en cas d’envahissement de ces organes ;

. le curage axillaire (positif dans 2 % des cas) n’est pas systématique, il s’impose en cas de ganglions cliniquement suspects, le risque d’évolution ganglionnaire secondaire n’est que de 2 % ; le risque métastatique, surtout pulmonaire, est globalement de 17 %, il passe à 72 % en cas d’index mitotique important, de pléomorphisme nucléaire ou d’envahissement des marges, les métastases apparaissent dans les 5 premières années,

. le bénéfice de la radiothérapie locale est incertain, elle est rarement utilisée sauf en cas d’atteinte du muscle pectoral ou de la paroi thoracique,

. la chimiothérapie adjuvante est considérée comme peu efficace, mais aucune étude ne l’a évaluée de façon satisfaisante.

La surveillance des phyllodes opérés est essentiellement clinique et s’impose en raison du risque de récidive locale : tous les 3 mois pendant la première année puis tous les 6 mois jusqu’à la cinquième année, annuelle ensuite ; en cas de sarcome phyllode, un scanner thoracique peut être proposé tous les ans pendant 5 ans en raison de la curabilité de certaines métastases pulmonaires.

Le traitement des métastases repose sur la chirurgie chaque fois que cela est possible (métastases pulmonaires unique ou multiple) ; la chimiothérapie, identique à celle des sarcomes des tissus mous, a un effet palliatif.

2) Carcinosarcomes :

Les carcinosarcomes du sein sont des tumeurs composées d’un contingent néoplasique épithélial identique à un adénocarcinome du sein, associé à une prolifération néoplasique des cellules stromales.

Le traitement standard comprend une mastectomie avec des marges de sécurité importantes au niveau de la peau et des muscles, et un curage ganglionnaire axillaire, parfois associé à une radiothérapie. Le traitement par chimiothérapie adjuvante doit être proposé dans les mêmes indications que les adénocarcinomes du sein.

3) Sarcomes :

Les sarcomes du sein représentent un groupe hétérogène de tumeurs : liposarcome, ostéosarcome, angiosarcome, histiocytofibrome malin, léiomyosarcome. L’âge de survenue médian est 48 ans.

Il s’agit le plus souvent de tumeurs volumineuses, mesurant en moyenne 7 cm. Une extension ganglionnaire axillaire est observée dans 5 à 10 % des cas. 

Les règles du traitement sont celles utilisées dans les sarcomes des tissus mous. Une résection large, passant à distance de la tumeur est nécessaire. Il s’agit souvent d’une mastectomie parfois associée à une résection musculaire et cutanée. 

Une radiothérapie postopératoire est généralement effectuée bien que l’on ne dispose pas de données objectives démontrant son rôle. Les indications de chimiothérapie sont celles retenues habituellement dans les sarcomes des tissus mous à savoir tumeur localement avancée ou métastatique. La survie globale à 5 ans de sarcomes du sein est de 40 %.

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