La surveillance des femmes traitées pour un cancer du sein varie d’un centre à l’autre, d’un praticien à l’autre ; elle a pour buts :

– la recherche d’une métastase,

– le dépistage d’une récidive locale ou d’une tumeur controlatérale,

– la recherche d’éventuelles complications thérapeutiques, ainsi qu’une évaluation des séquelles.

Les modalités de surveillance vont d’un simple examen clinique à une série plus ou moins longue d’examens complémentaires coûteux dont le rendement est souvent mal évalué et le rapport coût sur efficacité discutable. Cette surveillance est source d’anxiété pour les malades qui se plaignent de subir de longues attentes dans des salles d’attente surchargées, pour une consultation vite faite par le plus jeune membre de l’équipe, qui change à chaque consultation, ce qui empêche des liens humains rassurants et est souvent cause d’avis discordants.

Enfin, ces consultations surchargent les médecins qui ont du mal à recevoir les nouveaux malades ; elles sont source de dépenses pour les organismes sociaux en elles-mêmes et par les dépenses associées (arrêts de travail).

La question principale est donc de savoir si cette surveillance est utile aux malades en permettant le diagnostic plus précoce des récidives ou des métastases avec pour conséquences un traitement plus précoce de celles‑ci et une meilleure survie.

1. Récidives loco-régionales :

1) Cancers in situ :

Ils ne donnent on le sait aucune métastase et ne peuvent donc que récidiver, évoluer vers l’invasion (si on a gardé une partie de la glande mammaire) ou, enfin, apparaître dans le sein controlatéral.

a) Carcinome lobulaire in situ :

Il est le plus souvent considéré comme un état précancéreux et soumis à une surveillance simple.

Le taux de survenue d’un cancer invasif dans le même sein est de 11 % à 15 ans et de 18 % à 25 ans.

Le taux de carcinome invasif dans le sein controlatéral pendant la même durée d’observation est respectivement de 9 et de 14 %.

b) Cancer canalaire in situ :

La fréquence du cancer infiltrant est de l’ordre de 6 à 18 %.

Le risque d’atteinte du sein controlatéral est de 13 % à 5 ans, un peu supérieur à celui des formes canalaires infiltrantes qui n’est que de 9 %.

La surveillance de ces lésions in situ doit donc être uniquement loco-régionale et porter sur les deux seins et les aires axillaires. Elle doit être à la fois clinique et radiologique.

2) Cancers invasifs :

a) Récidives loco-régionales :

– Après mastectomie, le taux de récidive locale est faible variant de 4 à 20 % ; ces récidives peuvent survenir de façon plus ou moins proche de la cicatrice, le plus souvent sous forme d’une modification de la palpation : induration localisée, nodule dont les connexions avec la peau doivent être analysées.

Les récidives régionales sont situées soit sur la paroi en dehors du sein, soit sur les aires ganglionnaires.

Il existe une corrélation entre la fréquence des récidives et la taille de la tumeur, la présence de ganglions envahis, l’absence de récepteurs à la progestérone. 

Soixante à 80 % des récidives locales surviennent dans les 3 premières années. Elles sont souvent associées à l’apparition de métastases. Ces récidives ne sont pas toujours faciles à traiter mais le pronostic est meilleur que pour les métastases. La médiane de survie est de 24 mois contre 10 pour les métastases hépatiques (4 ou 6 mois seulement pour les métastases cérébrales).

– Après traitement conservateur (par association radio-chirurgicale), les récidives peuvent être situées à l’intérieur, à proximité ou à distance du lit tumoral ; elles sont le plus souvent favorisées par une exérèse chirurgicale incomplète.

b) Atteinte du sein controlatéral :

Le risque d’atteinte du sein controlatéral est estimé à 6 ou 7 fois celui de la population générale. Ce risque est doublé si le cancer est survenu avant la ménopause.

Les facteurs de risque exposant à une atteinte du sein controlatéral sont les antécédents familiaux de cancer du sein, l’âge au moment du diagnostic du premier cancer (moins de 35 ans) et l’absence de chimiothérapie adjuvante du premier cancer.

c) Métastases : 

Les trois quarts des métastases (75 %) surviennent dans les 3 premières années, 20 % entre 4 et 12 ans et 5 % seulement au‑delà de 12 ans. C’est donc pendant les 5 premières années qu’il faut être le plus vigilant.

L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de découvrir entre 75 et 95 % des métastases. Il est donc logique que ce soit les données de la clinique qui orientent les examens. Il faut noter la fréquence des métastases multiples (44 %) et leur mauvais pronostic. 

Il est illusoire de penser qu’une batterie d’examens peut améliorer la survie quand on voit la brièveté moyenne de survie des patientes ayant des métastases.

2. Evolution :

Le maître-mot dans le domaine de la surveillance est difficulté. Cette difficulté vient du fait que le sein a été remanié par le traitement, et que ses modifications sont évolutives, du moins pendant les premières années. Il s’y associe également des problèmes cliniques, car le traitement combiné radio‑chirurgical peut occasionner des séquelles gênantes pour la palpation. C’est dire l’importance d’une connaissance très précise des caractéristiques du traitement, dans sa chronologie et dans sa nature : type d’intervention chirurgicale, champs d’irradiation, curiethérapie éventuelle.

1) Evolution favorable du cancer du sein traité :

Les aspects mammographiques dépendent du traitement appliqué au cancer du sein : soit traitement traditionnel emportant la lésion et associant chirurgie partielle puis radiothérapie, soit radiothérapie et/ou chimiothérapie (en fonction du volume tumoral ou d’une contre-indication chirurgicale).

a) Association chirurgie – radiothérapie :

C’est la modalité la plus souvent rencontrée depuis que le diagnostic initial des tumeurs du sein progresse vers les petites lésions ; c’est aussi celle qui pose le plus de problèmes de surveillance radio‑clinique en raison des remaniements infligés à la glande restante.

‑ L’opacité tumorale :

Par définition, elle a totalement disparu dès le premier contrôle radiologique, sinon cela signifie que l’exérèse est incomplète (et il convient de le signaler pour complément thérapeutique), ou alors il s’agit d’une récidive très précoce, ce qui est exceptionnel.

‑ Les calcifications :

Elles doivent également être absentes, mais on peut observer quelques microcalcifications résiduelles lorsque l’intervention a consisté en une biopsie‑exérèse d’un large foyer de calcifications, et dans ce cas, leur évolution doit être surveillée comme précédemment.

‑ La cicatrice :

C’est l’élément “ennuyeux” de la surveillance radiologique. Toute cicatrice normale a en principe une composante superficielle, cutanée, et une composante profonde, siégeant à l’endroit de l’exérèse chirurgicale.

. La composante superficielle associe rétraction et épaississement cutanés, elle peut simuler une opacité intramammaire en se projetant sur le sein. Cet aspect peut être majoré par la suropacité réalisée par l’œdème cutané et sous‑cutané secondaires à la radiothérapie.

Le diagnostic est clinique et mammographique (l’anomalie n’est observée que sur une seule incidence).

. La composante profonde se traduit souvent en mammographie par une plage de faible densité de morphologie allongée le long du trajet chirurgical.

Elle peut parfois prendre un aspect plus inquiétant quand elle a la forme d’une opacité spiculée de faible densité.

Elle se distingue de l’image stellaire néoplasique par son centre qui comporte habituellement des images claires, par ses spicules qui sont curvilignes, plus épais que ceux du cancer. Les spicules néoplasiques sont fins, rectilignes, très droits, à base pyramidale, et atteignent la peau qui est rétractée.

L’échographie est de peu d’intérêt, elle montre à l’endroit de la cicatrice une zone mal limitée très hypo-échogène et très absorbante. Le seul élément en faveur de la cicatrice est l’absence de caractère nodulaire mais plutôt une morphologie linéaire.

La surveillance mammographique confirme la stabilité de cette image, il faut en effet un ou deux ans pour affirmer qu’il s’agit bien d’une image bénigne qui se résorbe lentement. Toute augmentation de taille ou de densité est suspecte et nécessite des investigations complémentaires.

Tout phénomène cicatriciel du sein peut être à l’origine d’une cytostéatonécrose ; elle est plus fréquente en cas d’hématome postopératoire ou d’exérèse portant sur la région rétro-aréolaire, surtout s’il existe une radiothérapie complémentaire. Elle se traduit par une image claire, ronde ou ovale, finement cerclée, mais parfois par une image de convergence à centre clair très trompeuse d’autant que l’échographie montre à cet endroit une zone hypoéchogène mal limitée. Elle se calcifie progressivement en périphérie, en quelques mois ou années, ces calcifications sont hétérogènes, irrégulièrement arciformes puis confluent au fil des examens.

‑ L’œdème :

S’il y a eu chirurgie initiale, c’est qu’il n’existait pas d’œdème mammaire, mais celui‑ci peut apparaître au décours du traitement, de façon plus ou moins importante mais persistant ensuite indéfiniment.

En mammographie, il se traduit par un épaississement des téguments, un aspect grillagé du tissu adipeux sous cutané et une augmentation globale de densité du tissu fibro‑glandulaire. Cet œdème n’est gênant que s’il est très marqué (revêtement cutané de plus de 3‑4 mm), car son opacité masque alors en partie le contenu mammaire.

En échographie, en dehors de l’épaississement cutané, on observe un aspect globalement plus échogène du tissu adipeux, et ceci est bien visible en comparaison avec le côté opposé.

b) Radiothérapie seule et/ou chimiothérapie :

Dans ce cas, le premier rôle de la mammographie est d’apprécier la régression tumorale qui commence en fin de traitement mais se poursuit pendant de nombreux mois. Il faut donc quantifier si possible cette régression lors du premier examen, 5 ou 6 mois après la fin de l’irradiation.

Dans le cas d’un sein inflammatoire très dense en mammographie, il faut s’aider de l’échographie pour rechercher des formations nodulaires, des adénopathies mesurables afin de suivre l’évolution sous traitement.

‑ L’opacité tumorale :

La diminution de tous les diamètres de la masse est la règle. Elle débute vers la fin du traitement et se poursuit pendant environ un an. Il faut noter que la disparition totale de l’opacité n’est pas obligatoire pour affirmer la stabilisation, l’aspect reste souvent celui d’une image radiologiquement maligne, véritable “squelette tumoral”, opacité irrégulière, dense, de petite taille, stable au fil des années. Dans ce cas, une microbiopsie stéréotaxique permettrait d’affirmer la persistance ou la disparition totale des cellules tumorales.

Une régression totale est possible, il ne persiste alors qu’une discrète densification fibreuse remplaçant l’image initiale.

‑ Les calcifications :

Si la tumeur renfermait initialement des microcalcifications, il ne faut pas être surpris de les voir de façon souvent beaucoup plus nette lors du premier examen de surveillance. Ceci est lié à la diminution de l’opacité tumorale et de l’œdème éventuel, laissant mieux apparaître ces calcifications. Un examen attentif des clichés initiaux permet en effet de les retrouver toutes, au sein ou au voisinage de l’opacité.

Après un an, elles commencent à se résorber et disparaissent pour la plupart, en commençant par les plus fines, ce qui est un bon argument en faveur de l’absence d’évolution.

‑ L’œdème et l’épaississement de la peau :

Lorsqu’il existe un important œdème mammaire initial, celui‑ci va diminuer progressivement après traitement mais disparaîtra rarement totalement, il persistera alors un épaississement cutané.

En l’absence d’œdème initial, on peut en constater l’apparition progressive après traitement, mais il reste généralement modéré et constitue une séquelle définitive, très variable d’une patiente à l’autre, à traitement identique.

2) Complications opératoires :

L’évolution est quelquefois atypique, la mammographie montre l’apparition d’une opacité inquiétante, de contours mal définis parfois spiculaires. Il faut alors évoquer une complication du traitement avant d’envisager une récidive et ce d’autant que l’on est à peu de distance de l’intervention.

Si l’aspect radiologique n’est pas en faveur d’une cytostéatonécrose et devant une opacité de diamètre supérieur à 2 cm, il faut évoquer le diagnostic de collection postopératoire (hématome, abcès, lymphocèle).

a) Collections postopératoires :

Ces collections apparaissent le plus souvent dans les 6 mois qui suivent la fin du traitement et relèvent donc de l’échographie qui permet le diagnostic. La mammographie par contre est souvent difficile à réaliser en raison des douleurs. Au premier contrôle, à 6 mois, on peut voir encore la moitié des collections qui sont apparues au décours du traitement (20 % à 9 mois et 0 % à 18 mois en échographie).

– L’hématome est identifié en échographie ; au début il peut contenir du matériel échogène qui disparaît en 1 à 2 semaines, il se présente alors sous forme d’une image anéchogène avec net renforcement postérieur du faisceau ultrasonore. Ces hématomes mesurant de 2 à 10 cm se résorbent habituellement en 1 à 2 mois et représentent 80 % des collections précoces.

– L’abcès est suspecté cliniquement devant un syndrome infectieux et l’état local. En échographie, on observe une formation hétérogène (hypoéchogène ou hyperéchogène) mais avec renforcement postérieur en faveur du caractère liquidien collecté, une paroi épaisse et de nombreux septa.

– Les lymphocèles se voient après curage axillaire, ils siègent donc dans le quadrant supéro‑externe et la région axillaire, ils sont souvent volumineux (100 cm3), ovales ou arrondis, anéchogènes et cloisonnés.

b) Granulome cicatriciel :

Parfois l’opacité apparue au décours du traitement est très suspecte en mammographie car elle est très dense, ses contours sont flous. L’échographie montre les mêmes caractères : échostructure hétérogène de type solide, contours flous. Il faut évoquer la récidive et proposer la cytoponction ou mieux la microbiopsie stéréotaxique (ou sous échographie). On aura quelquefois la surprise du diagnostic de granulome cicatriciel qu’il faudra quelquefois confirmer par une biopsie chirurgicale si l’aspect radiologique est très inquiétant.

3) Evolution défavorable : signes évocateurs de récidive :

a) Opacité tumorale :

– Pour une tumeur initialement opérée, c’est l’apparition d’une opacité d’aspect radiologique malin qui constitue le signe d’alerte. La mammographie montre une opacité dense, visible sur plusieurs incidences, ses contours sont irréguliers, flous ou imprécis. Cette opacité peut siéger dans le foyer initial (65 % des cas) ou à distance (22 %), dans ce dernier cas, il peut s’agir soit d’un cancer passé inaperçu, soit d’un cancer tardif. La récidive peut également être multifocale (13 %).

Dans certains cas douteux (opacité très postérieure, discrète suropacité dans un sein dense très remanié), il faut confirmer l’existence de cette anomalie :

‑ par des clichés avec compression centrée qui montrent la persistance de l’anomalie, voire son démasquage en effaçant les opacités glandulaires périphériques,

‑ par un examen échographique qui montre une image hypoéchogène, hétérogène, de contour irrégulier, mal défini.

Cependant il faut être très prudent avant d’évoquer le diagnostic de récidive car l’on connaît le piège de l’hématome opératoire qui s’organise ou se complique de cytostéatonécrose. Dans tous les cas, l’argument évolutif est primordial.

b) Calcifications :

Après avoir régressé puis disparu totalement, les calcifications peuvent apparaître à nouveau, soit dans la zone tumorale initiale, soit à distance de celle‑ci. C’est un bon argument en faveur d’une reprise évolutive, à condition d’avoir éliminé formellement certaines causes d’erreurs :

‑ fausse disparition ou fausse réapparition de calcifications, en rapport avec des différences techniques importantes dans la réalisation des clichés de surveillance (qualité du rayonnement, contraste, film ou développement différents),

‑ apparition de calcifications non tumorales : il s’agit surtout de calcifications cicatricielles qui peuvent prendre en début de formation l’aspect d’un petit foyer de microcalcifications. L’évolution démontre en fait l’aspect macroscopique qui devient progressivement évident par élargissement et coalescence de ces foyers calciques,

‑ pour mémoire, divers artefacts d’origine technique peuvent simuler un groupe de microcalcifications (empreintes digitales sur le film…).

c) Œdème :

C’est un signe particulièrement délicat en raison de la fréquence des radiolésions cutanées laissant persister un œdème définitif. La majoration de celui‑ci ne signe pas obligatoirement la rechute, car diverses causes sont possibles comme une inflammation banale (lymphangite du membre supérieur favorisée par le curage et la sclérose), ou une pathologie veineuse (insuffisance cardiaque, thrombose).

Une aggravation de l’œdème résiduel prend évidemment plus de valeur s’il est associé à l’apparition de microcalcifications ou à une augmentation de taille d’un “squelette tumoral”.

3. Le sein controlatéral :

Parallèlement à la surveillance du sein traité, il doit être l’objet de la surveillance la plus attentive, puisque l’on se trouve dans une situation de dépistage typique, mais avec un facteur de risque extrêmement important constitué par le premier cancer.

Ce risque étant durable, cette recherche doit être poursuivie indéfiniment, de façon à pouvoir, si possible, saisir ce deuxième cancer au stade infraclinique, même si ce n’était pas le cas pour le premier

4. Moyens de diagnostic des récidives :

1) Examen clinique :

La majorité des récidives (70 %) sont détectées par les patientes elles‑mêmes. L’examen clinique systématique ne découvre une anomalie que chez 15 % des patientes asymptomatiques. 

Il est ainsi recommandé de pratiquer un examen clinique à 4 mois pour évaluer les réactions post‑thérapeutiques puis tous les 6 mois pendant 5 ans, enfin tous les ans. Cet examen clinique sera loco-régional (sein traité, cicatrice de mastectomie, sein controlatéral, aires ganglionnaires) mais aussi général à la recherche de signes de métastases pulmonaires, osseuses, hépatiques.

Cette surveillance clinique doit être prolongée au‑delà de 10 ans.

NB : L’examen clinique peut poser des problèmes : l’exérèse crée souvent une dépression, un pli cutané. Une induration peut être due à la cicatrice chirurgicale, ou à la radiothérapie. La rétraction du sein peut se développer pendant 2 ou 3 ans après le traitement mais reste stable ensuite. C’est dire l’intérêt de la surveillance par le même médecin.

2) Examens complémentaires :

Leur nombre et leur nature varient d’une institution à l’autre, d’un praticien à l’autre. Nous voudrions ici essayer d’estimer leur rendement en dehors bien sûr de tout signe clinique d’appel.

– La surveillance radiologique du sein irradié vise 2 objectifs : apprécier les modifications mammaires directement liées au traitement (fibrose, cytostéatonécrose) et détecter les reprises évolutives.

Dans tous les cas, la mammographie initiale préthérapeutique va servir de référence ; c’est dire la nécessité de clichés initiaux de très bonne qualité. Ils seront faits à 6 mois ou 1 an après le traitement initial.

En cas de doute radiologique, l’échographie ou l’IRM, voire la ponction peuvent être utiles avant de décider d’une réintervention.

La Société française de sénologie et de pathologie mammaire dans sa conférence de Consensus de 1991 recommande une mammogra­phie de référence faite 6 mois après le traitement initial puis tous les ans pen­dant 5 ans.

Au‑delà, la surveillance rejoint les règles habituelles du dépis­tage, c’est‑à‑dire tous les 2 ans.

– La surveillance par échographie du sein traité par chirurgie et radiothérapie ne présente pas actuellement un mode de surveillance fiable pouvant remplacer la mammographie. Elle ne peut pas non plus servir pour dépister de façon précise une lésion dans le sein controlatéral. Elle peut cependant rendre service pour explorer un placard cicatriciel ambigu, ou permettre la découverte d’une image liquidienne bénigne ou encore pour guider une cytoponction d’un nodule suspect. 

– En l’absence de signes cliniques d’appel, un bilan radiologique complet (par scintigraphie) ou restreint ne présente aucun intérêt du fait de l’absence de bénéfice objectif pour la patiente et du coût élevé de ce bilan.

En revanche, en cas de signes cliniques d’appel de métastases osseuses (douleurs localisées ou surtout diffuses), la scintigraphie osseuse est l’examen à prescrire, en premier du fait de sa grande sensibilité. En cas de doute radiographique, un examen tomodensitométrique ou une IRM peuvent assurer le diagnostic et évaluer les risques de complications osseuses en particulier de fractures spontanées.

– Aucune étude n’a montré qu’une surveillance systématique par radiographie pulmonaire pouvait améliorer la survie par la mise en place d’un traitement précoce. Les études rétrospectives montrent que la découverte de localisations pleuro‑pulmonaires est dans 40 à 80 % des cas le fait d’une symptomatologie fonctionnelle clinique.

– La réalisation systématique d’échographies hépatiques n’a pas d’intérêt dans la surveillance générale d’une femme opérée d’un cancer du sein car la détection et le traitement précoce des métastases hépatiques ne permettent pas d’améliorer la survie des patientes. Cet examen n’est utile qu’en cas de signes cliniques ou pour faire un bilan chez une femme avec métastases.

– Les examens non spécifiques : NFS, VS, plaquettes ; tests biologiques hépatiques (g‑GT, phosphatases alcalines, LDH, transaminases) n’ont pas d’intérêt du fait de leurs faibles sensibilité et spécificité.

– Les marqueurs plus spécifiques sont les marqueurs tumoraux : antigène carcino-embryonnaire (ACE) et CA 15‑3.

. L’ACE a une sensibilité moyenne de 59 % mais sa spécificité est mauvaise.

Il existe des variations sporadiques source d’inquiétudes pour la patiente, de bilans coûteux voire de traitements inutiles.

. Le CA 15‑3 a une sensibilité comprise entre 63 et 82 %, supérieure à l’ACE et une meilleure spécificité. Il est augmenté en moyenne 4 à 8 mois avant le diagnostic de la métastase.

Aucune étude prospective n’a montré que la connaissance isolée d’une élévation des marqueurs tumoraux entraînant la mise en place d’un traitement médical puisse améliorer la survie de ces malades trai­tés précocement. Il n’y a donc pas d’in­dication à demander des bilans biolo­giques systématiques, de surveillance en dehors de signes d’appel. En revanche, au moment de la découverte d’une récidive ou d’une métastase, les marqueurs (et spéciale­ment le CA 15‑3) sont anormaux dans 80 % des cas et peuvent être utilisés en cas de positivité pour apprécier l’effi­cacité du traitement qui se traduit par une baisse de la concentration plasmatique des marqueurs.

5. Essai de synthèse :

Il apparaît après étude de la littérature que la rentabilité globale de la sur­veillance des cancers du sein traités est faible.  

Elle doit porter essentiellement sur la clinique et l’examen radiologique des seins (sein traité et sein controlatéral).

Les autres examens biologiques ou techniques d’imagerie n’ont pas leur place dans un bilan systématique et ne peuvent être prescrits qu’orien­tés par la clinique.

1) Qui doit assurer la surveillance ?

– La femme elle-même qui découvre 70 % des récidives. On doit lui apprendre l’auto‑examen mensuel des seins, des aires axillaires et éventuellement de la cicatrice de mastectomie. On doit lui expliquer la nécessité de consulter en cas d’anomalie sans attendre la visite programmée.

– Le médecin de famille (ou le gynécologue) qui doit expli­quer à la femme la valeur de son exa­men clinique et le maigre intérêt des examens complémentaires onéreux.

– Un des membres de l’équipe qui a pris en charge la patiente (chirurgien, radiothérapeute ou chimiothérapeute) doit participer à la surveillance. L’idéal est que le choix se porte sur un méde­cin avec lequel la patiente a un bon contact et avec lequel elle obtiendra un rendez-vous facilement en cas de besoin.

2) Comment surveiller ?

La surveillance des patientes traitées pour un cancer du sein a fait l’objet de nombreuses études et recommandations.

Seule la découverte d’une récidive locale, ou la découverte d’un cancer dans le sein controlatéral, peut, par un traitement précoce, améliorer la mortalité.

Il n’est, par contre, pas démontré que la découverte et le traitement précoce d’une métastase permettent d’améliorer le pronostic.

De ce fait, la surveillance sera surtout clinique et les examens complémentaires, en l’absence de signes d’appel, limités à la mammographie.

a) Pour les cancers in situ :

Il n’y a pas de métastase à chercher, on se contentera donc d’un examen clinique tous les 6 mois et d’une mammogra­phie annuelle, les 5 premières années.

Au‑delà, la surveillance sera celle de toutes les femmes du même âge.

b) Pour les cancers invasifs :

L’examen clinique est le plus intéres­sant. Il sera fait tous les 6 mois les 5 premières années ; puis la surveillance sera annuelle comme celle de toutes les femmes du même âge.

Apres avoir étudié l’état général, l’existence de signes fonctionnels éventuels, on examinera soigneusement le sein traité ou la cicatrice de mastectomie, le sein controlatéral, les aires ganglionnaires sus-claviculaires et axillaires.

On complétera cet examen locorégional par :

– un examen de l’appareil pleuro-pulmonaire,

– la palpation du foie et de l’abdomen,

– un examen gynécologique.

La majorité de ces visites peut être faite par le médecin de famille ou le gynécologue, en conservant une consultation annuelle auprès de l’équipe spécialisée.

La pratique de l’auto-examen mensuel sera recommandée entre les visites avec consultation rapide en cas de découverte d’une anomalie.

Une mammographie plus ou moins couplée à une échographie mammaire sera faite 6 mois après le traitement initial, puis tous les ans pendant 5 ans. Au-delà, l’HAS (haute autorité de santé en France) recommande un examen clinique et une mammographie annuelle quels que soient le type histologique et le caractère invasif ou in situ de la lésion. Les images doivent pouvoir être comparées aux cliches préthérapeutiques et à ceux de l’année précédente.

En l’absence de signe d’appel, il n’y a pas d’indications à faire des examens paracliniques à la recherche de métastases ; en effet, l’échographie hépatique, la radiographie pulmonaire, la tomodensitométrie, l’IRM, la scintigraphie osseuse, les dosages des marqueurs ne sont pas recommandés.

L’échographie mammaire ou l’IRM mammaire peuvent être utiles en deuxième intention en cas d’anomalies mammographiques ou chez des femmes très jeunes et/ou porteuses du gène BCRA1 et 2.

Le diagnostic de métastases doit faire réaliser un bilan d’extension (accord d’experts) +++. 

NB : Pour les femmes prenant du tamoxifène au long cours :

Il faut surveiller l’apparition possible de phlébites, de troubles visuels ; explorer les métrorragies post-ménopausiques étant donné l’augmentation de fréquence des cancers de l’endomètre.

6. Situations particulières :

1) Anomalies fonctionnelles de l’épaule :

Il est fréquent après l’intervention d’avoir des paresthésies de la face interne du bras liées à une lésion du brachial cutané interne. Il faut en prévenir la malade. Les troubles régressent seuls en quelques mois. 

L’épaule peut être douloureuse, les mouvements d’abductions de rétropulsion limités, la force musculaire diminuée. Il faut entreprendre une kinésithérapie active et conseiller à la femme de faire ultérieurement de la natation.

2) Gros bras :

Ils sont rares. A peine 6 % ont un gros bras avec une augmentation de circonférence de plus de 3 cm. Il faut insister sur la prévention : éviter les vêtements à emmanchure serrée, éviter les prélèvements veineux du côté opéré, éviter les plaies et brûlures lors des tâches domestiques et du jardinage, éviter les efforts violents et le port de charges lourdes.

Il faut demander à la femme de consulter rapidement pour un traitement antibiotique en cas de plaie souillée ou de rougeur de l’avant‑bras pouvant faire évoquer une lymphangite. 

Les drainages lymphatiques peuvent être utiles en cas de lymphœdème débutant. Les médicaments sont peu actifs sauf peut‑être la coumarine.

3) Contraception :

Il faut en parler dès la fin du traitement chirurgical car une grossesse serait très mal venue pendant la chimiothérapie et/ou radiothérapie ajoutant le traumatisme d’une interruption de grossesse au cancer. Les estroprogestatifs sont contre‑indiqués. On préférera le stérilet au cuivre ou en cas de contre‑indication les progestatifs ou encore les préservatifs. Les gels spermicides peuvent par leurs propriétés lubrifiantes faciliter un temps la reprise des rapports.

4) Désir de grossesse :

Chez la femme jeune la question d’une grossesse se pose. Il faut aborder le sujet.

La grossesse chez une femme traitée pour un cancer du sein apparemment en rémission, n’est pas un facteur de risque de reprise évolutive, et l’on pourra donc rassurer ces femmes demandant un avis à ce sujet.

– En effet, après deux ans sans récidive surtout si la femme a des facteurs de bon pronostic, une grossesse peut être envisagée. Toutefois, il faut rester vigilant.

C’est ainsi qu’avant la mise en route d’une grossesse, il est raisonnable de pratiquer chez la femme un bilan d’extension complet (mam­mographie, échographie abdomino-pelvienne, radiographie thoracique, marqueur tumoral CA 15‑3, voire scintigraphie osseuse).

Il n’y a pas d’augmentation du risque de fausses couches ou de malformations fœtales ou d’anomalies chromosomiques après chimiothérapie. La patiente pourra allaiter avec le sein non traité.

– Quant aux femmes ayant eu un cancer de mauvais pronostic (impor­tant envahissement ganglionnaire, cancer inflammatoire), il convient de rester très réticent.

5) Traitement substitutif de la ménopause :

Le cancer du sein traité reste une contre-indication absolue au traitement hormonal de la ménopause (THM). L’étude Habits comportant un essai de THM chez des femmes à bon pronostic a été arrêtée en 2004 à 2 ans et demi à cause des récidives. Un essai avec la tibolone (Livial ®) a lui aussi été arrêté.

Un THM ne peut donc être prescrit sans motifs justifiés, information complète de la patiente (voire à sa demande) et pour une durée brève.

Les œstrogènes locaux type promestriène (Colpotrophine ®) ne sont pas contre-indiqués car ils ne passent pas dans le sang. Ils sont prescrits pour améliorer la trophicité vaginale et favoriser la vie sexuelle.

Le soja et ses dérives sont peu évalués et non indiqués de principe.

Un traitement symptomatique des bouffées de chaleur par bêta-alanine (Abufène ®) est possible.

6) Reconstruction :

La mastectomie est un traumatisme important quel que soit l’âge. Le port d’un soutien‑gorge préformé et d’une prothèse externe est déjà une aide pour la vie courante, beaucoup de patientes se sentant plus à l’aise car “cela ne se voit pas”.

On ne parlera de reconstruction qu’au bout de 1 an ou 2 en l’absence de signes d’évolution.

En cas de facteurs histologiques de mauvais pronostic, il faut parfois attendre plus longtemps.

On laissera la femme prendre sa décision après avoir eu une consultation avec le chirurgien plasticien. 

7) Envisager la reprise du travail et la réinsertion professionnelle :

Si dans les suites immédiates de l’intervention ou pendant les traitements radio- ou chimiothérapiques, il peut être nécessaire de trouver une aide familiale (ou de placer une personne seule en maison de repos), il faut pousser les malades à reprendre rapidement leurs tâches domestiques et également leur travail d’abord à mi‑temps, puis à temps complet.  

Des aménagements de poste ou d’emploi du temps peuvent être trouvés par le médecin du travail et l’employeur. Il faut parfois pousser les malades et la famille pour éviter un repliement sur soi et/ou une surprotection de l’entourage. “Vivre comme avant” doit être l’objectif. Certaines patientes reprennent leur travail pendant la chimiothérapie.

7. Conclusion :

Avoir un cancer du sein traité est lourd à porter pour la femme et son entourage. La surveillance est une affaire de longue haleine qui va peut‑être durer plus de 20 ans. Le médecin doit avoir un rôle essentiel dans le soutien psychologique de la femme, du couple, de la famille. Pour cela quelques règles simples doivent être rappelées.

■ Savoir écouter, sans se lasser, les petits maux dont se plaint la malade. Il faut écouter, rassurer le plus souvent mais aussi démêler les signes qui peuvent avoir une signification et constituer un signe d’appel : un amaigrissement, une grande fatigue chez une femme d’habitude dynamique, des douleurs osseuses diffuses, une sciatique, l’apparition d’une toux sèche. On sera mieux à même d’apprécier ces signes que l’on connaît bien la malade et que l’on sait qu’ils sont inhabituels ou récents chez elle.

■ Savoir expliquer que le traitement étant fini la patiente peut aussi avoir toutes les pathologies habituelles d’une personne de son âge et qu’il ne faut pas tout rattacher systématiquement au cancer. On peut avoir une bonne bronchite ou des migraines sans avoir pour autant une métastase !

■ Ne pas compliquer les choses simples :

Nous avons vu qu’une surveillance légère par un examen clinique et une mammographie est largement suffisante. 

Evitons la prescription d’examens systématiques inutiles qui inquiètent les malades et induisent des bilans complémentaires inutiles et coûteux. Le médecin de famille qui connaît bien sa patiente est à même de la surveiller. 

Un contact annuel avec le centre est cependant utile pour rassurer la malade, sa famille et… son médecin !

Surveillance d'une femme traitée :

 1.  L’examen clinique est le plus intéres­sant. Il sera fait tous les 6 mois les 5 premières années ; puis la surveillance sera annuelle comme celle de toutes les femmes du même âge.

 2.  Une mammographie ± une échographie mammaire sera faite 6 mois après le traitement initial, puis tous les ans pendant 5 ans.

Au-delà, on recommande un examen clinique et une mammographie annuelle. 

 3.  En l’absence de signe d’appel : pas d’indications à faire des examens paracliniques à la recherche de métastases (échographie hépatique, radiographie pulmonaire, scanner, IRM, scintigraphie osseuse, dosages des marqueurs).

L’échographie mammaire ou l’IRM mammaire peuvent être utiles en 2ème intention en cas d’anomalies mammographiques ou chez des femmes très jeunes et/ou porteuses du gène BCRA1 et 2.

Le diagnostic de métastases doit faire réaliser un bilan d’extension (accord d’experts) +++. 

Nb : Pour les femmes prenant du tamoxifène au long cours :

Il faut surveiller l’apparition possible de phlébites, de troubles visuels ; explorer les métrorragies post-ménopausiques étant donné l’augmentation de fréquence des cancers de l’endomètre.

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La surveillance post-cancer s’effectue tous les 4 à 6 mois pendant 5 ans puis tous les ans à vie.

Elle se fait souvent en alternance entre le gynécologue, le radiothérapeute et l’oncologue.

Dans le cadre du cancer du sein, une mammographie est effectuée tous les ans ; il peut être prescrit des examens d’imagerie et de biologie

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