L’intérêt de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie est maintenant démontré dans le traitement adjuvant des cancers du sein.
Les indications de ces traitements sont de mieux en mieux cernées, même si des progrès restent à accomplir pour mieux adapter le traitement aux facteurs pronostiques.
Le cancer du sein métastatique reste encore une maladie incurable. Mais selon la présentation anatomoclinique et biologique il existe un “standard” thérapeutique combinant chimio- et hormonothérapie, capable d’assurer un taux de réponse objective, une médiane de survie et une qualité de survie acceptables.
1. Indications thérapeutiques :
Schématiquement, trois indications de traitement médical dans le cancer du sein peuvent être individualisées :
– le traitement par chimiothérapie de première intention dans les cancers inflammatoires à haut risque métastatique,
– le traitement adjuvant curatif des cancers du sein au stade locorégional après le traitement locorégional,
– le traitement médical palliatif des cancers métastatiques où l’objectif essentiel est d’obtenir une régression objective de la tumeur sans altérer parallèlement le pronostic fonctionnel.
Ce résumé des indications du traitement médical inclut les phases d’intensification comme l’une des modalités particulières d’application de la chimiothérapie.
1) Traitement adjuvant :
Né du concept général selon lequel le cancer du sein est une maladie systémique d’emblée, la plupart des essais contrôlés conduits depuis plus de 20 ans ont été repris dans le cadre de méta-analyses récemment publiées.
# Pour l’hormonothérapie, les résultats d’ensemble se résument en 7 points :
– La castration chirurgicale ou radiothérapique permet d’améliorer la durée de survie sans récidive et le taux de survie globale. L’interprétation de ce résultat est gênée par l’ancienneté des essais et par le manque d’information concernant l’état des récepteurs hormonaux.
– L’administration de tamoxifène après la ménopause permet une amélioration significative de la survie sans récidive (33 %) et de la survie globale (23 %) à 10 ans chez l’ensemble des malades avec présence de récepteurs hormonaux.
# Avant la ménopause, l’avantage de 12 % en terme de survie sans récidive reste significatif mais ne l’est plus en terme de survie globale.
– Ces différences thérapeutiques sont significatives dans les formes avec envahissement ganglionnaire.
Dans les formes sans envahissement ganglionnaire, l’avantage est significatif pour la survie sans récidive et non significatif pour la survie globale.
– L’avantage thérapeutique est d’autant plus important que la durée d’administration du traitement est plus prolongée jusqu’au terme de 5 ans au-delà de laquelle l’effet se stabilise et les effets secondaires augmentent.
– L’hormonothérapie réduit davantage les risques de récidive locorégionale que les risques de récidive à distance.
– La tolérance du tamoxifène est satisfaisante et la plupart des complications sont réversibles à l’arrêt du traitement.
Deux d’entre elles méritent d’être individualisées : d’une part le risque de thrombophlébite évalué à 1 à 2 % et le risque endométrial fréquent obligeant à une surveillance régulière d’autant que des cas de cancers de l’endomètre ont été rapportés dans cette population.
# Les résultats acquis par la chimiothérapie dans cette indication ont été déduits de la méta-analyse tirée de 31 essais randomisés ayant inclus plus de 11000 malades et témoignent de la complexité de cette indication, elle-même reflet de la très grande hétérogénéité du cancer du sein. D’abord prescrite aux malades qui avaient des facteurs de risque représentés par la présence d’un envahissement ganglionnaire axillaire, la chimiothérapie adjuvante a vu ses indications s’élargir à d’autres situations à risque.
L’ensemble des résultats actuellement disponibles peut être résumé en quelques points :
– La chimiothérapie adjuvante réduit significativement le risque de rechute (28 %) et de décès (17 %) quand elle est appliquée chez des malades avec envahissement ganglionnaire. Pour une même durée d’application, les combinaisons de plusieurs cytotoxiques sont plus efficaces que la monochimiothérapie. Dans ce cadre, plusieurs études ont montré que les anthracyclines augmentaient l’efficacité globale du traitement adjuvant.
– La prolongation de la durée du traitement au-delà de 6 mois n’augmente plus la qualité des résultats et le retard au-delà de la 4ème semaine après la chirurgie apporté à sa mise en œuvre en réduit l’efficacité.
– L’efficacité de la chimiothérapie adjuvante est plus importante chez les femmes en période d’activité génitale que chez les femmes ménopausées.
– D’une étude à l’autre, il apparaît des divergences quant à l’efficacité rapportée au nombre de ganglions envahis mais en règle générale, les chimiothérapies conventionnelles ne modifient pas le pronostic des formes avec envahissement ganglionnaire initial massif (plus de 10 ganglions envahis). En l’absence d’envahissement ganglionnaire, la chimiothérapie réduit significativement le risque de rechute mais avec les reculs actuels ne modifie pas la survie globale.
– Il existe une relation globale entre l’intensité de dose et l’efficacité à terme de la chimiothérapie. Cette relation étudiée initialement a permis de définir pour chacun des cytotoxiques entrant dans une combinaison, la dose hebdomadaire administrée rapportée à la dose théorique.
– L’addition de tamoxifène à la prescription de chimiothérapie n’augmente pas l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante.
Les bénéfices de la chimiothérapie adjuvante dans les cancers du sein sont significatifs mais limités. Ils dépendent de la rigueur de l’application de la chimiothérapie adjuvante (délai de mise en œuvre, durée, dose) et du respect des indications résumées dans le tableau I.
2) Traitement des formes à haut risque :
Sous ce terme sont rassemblés trois types de cancers du sein :
– les cancers avec envahissement ganglionnaire axillaire massif (plus de 8 ganglions envahis),
– les cancers inflammatoires,
– les formes localement avancées non inflammatoires.
Les problèmes posés par ces trois formes sont cependant différents. Alors que dans les deux premiers cas le risque est essentiellement métastatique, dans le dernier cas le problème posé est essentiellement locorégional.
. Le diagnostic d’envahissement ganglionnaire massif est histologique sur la pièce opératoire de curage ganglionnaire.
Les patientes sont alors en état apparent de rémission complète mais avec un risque majeur de rechute métastatique supérieur à 50 % à 5 ans. Les traitements adjuvants conventionnels sont peu efficaces dans cette situation. Les principes thérapeutiques actuellement en évaluation reposent essentiellement sur l’application d’une chimiothérapie de complément à forte dose-intensité. Ces protocoles reposent sur l’augmentation des doses régulièrement administrées et complétées par une intensification sous couvert de facteurs de croissance hématopoïétiques et de transfusion de cellules souches périphériques autologues. Ces protocoles sont actuellement en évaluation et leurs résultats non encore disponibles.
Dans ce domaine des cancers du sein à haut risque, il faut individualiser les cancers à cinétique de prolifération rapide.
Elles se caractérisent par un temps de doublement tumoral clinique court et un pouvoir d’invasion ganglionnaire très élevé. Généralement sensibles à la chimiothérapie à forte dose-intensité, leur pronostic cependant n’est qu’incomplètement amélioré, ce qui laisse la place à des traitements par intensifications successives dont les premiers résultats annoncés paraissent prometteurs.
. Les cancers inflammatoires du sein représentent une entité clinique à part, caractérisée par la présence de signes inflammatoires (rougeur, œdème et sensibilité) associés au développement tumoral. Leur pronostic naguère redoutable (moins de 10 % de survie à 5 ans) s’est radicalement transformé avec la prescription de chimiothérapie de première intention.
Les taux de survie globale sont actuellement supérieurs à 50 % à 5 ans et les taux de curabilité définitive compris entre 30 et 40 %. Les études en cours évaluent l’intérêt d’intensifications itératives répétées 4 à 7 fois pour une durée totale du traitement n’excédant pas 6 mois.
3) Traitement des cancers du sein métastatiques :
L’efficacité des cytotoxiques sur le cancer du sein est évaluée sur les cancers métastatiques et les taux de réponses observés, la durée de maintien de la réponse thérapeutique et la durée globale de survie en sont les critères retenus.
L’efficacité de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie a été présentée plus haut. Reste à discuter leurs indications et les principes stratégiques qui en régissent l’application. Schématiquement les cancers du sein métastatiques sont répartis selon 5 critères biologiques et cliniques qui rassemblent l’essentiel des paramètres du pronostic :
1. Le niveau d’expression des récepteurs hormonaux : RH+ et RH-.
2. Les sites métastatiques prédominants : osseux, viscéraux, parties molles et localisations particulières.
3. Le volume tumoral : nombre de sites métastatiques, volume individuel des lésions métastatiques.
4. Le retentissement biologique de l’évolution tumorale.
5. L’état général.
La prescription de chimiothérapie repose sur différents arguments dont les plus importants sont :
– la prédominance des sites métastatiques viscéraux,
– la croissance tumorale rapide,
– la brièveté de l’intervalle libre entre le diagnostic de la tumeur primaire et l’émergence des métastases,
– le volume tumoral important ou la multiplicité des sites métastatiques,
– l’absence de récepteurs hormonaux,
– l’âge jeune de la malade.
La prolongation de chimiothérapie au-delà de 8 à 12 mois ne permet pas d’augmenter les taux de réponses ni d’en prolonger la durée. Cette constatation est significative du développement de résistances à la chimiothérapie. Celles-ci sont précoces et l’alternance de protocoles sans résistance croisée évaluée dans de nombreux essais n’a pas permis d’améliorer les résultats. De même, l’antécédent de chimiothérapie adjuvante plusieurs années avant la phase métastatique est l’un des paramètres péjoratifs du pronostic.
De même, l’association chimio-hormonothérapie qui repose sur la synergie théorique de ces deux moyens ne prolonge que très marginalement la durée de survie globale.
Si les règles générales de traitement du cancer métastatique sont assez bien établies, les résultats en sont réduits et la maladie reste encore aujourd’hui incurable.
2. Conclusion :
La chimiothérapie et l’hormonothérapie adjuvantes ont acquis une place importante dans le traitement curatif des cancers du sein. En situation métastatique, les modalités de ces traitements médicamenteux sont également de mieux en mieux cernées. La poursuite de la recherche clinique doit être considérée comme une obligation éthique compte tenu du pronostic encore trop sombre des formes évoluées.