Les arguments échographiques en faveur d’une affection urinaire sont :
– l’oligoamnios : mais celui-ci peut aussi être dû à un RCIU, une insuffisance placentaire ou à une rupture de la poche des eaux,
– l’ascite fœtale,
– l’augmentation du volume de l’abdomen liée à la présence de deux énormes reins,
– et enfin l’existence d’antécédents de pathologies néphro-urologiques transmissibles comme le syndrome de Meckel, les reins microkystiques et certaines formes de sténose des voies urinaires.
1. Affections rénales :
1) Agénésie rénale :
– L’agénésie rénale bilatérale ou syndrome de Potter est rare, létale, suspectée en premier devant un anamnios.
L’absence de liquide rend difficile à affirmer qu’il existe deux reins. On confirme éventuellement l’absence de diurèse fœtale par un test au furosémide. Après une injection intraveineuse maternelle, d’une ampoule, la vessie fœtale doit se remplir en 30 à 60 mn. De toute façon l’anamnios est de très mauvais pronostic. L’aplasie ou l’hypoplasie sévère rénale bilatérale a un pronostic tout aussi grave.
– L’agénésie rénale unilatérale est une malformation fréquente. Son diagnostic est cependant difficile. Un diagnostic par excès est cependant sans conséquence car il peut s’agir d’une hypoplasie ou d’un rein ectopique unilatéral méconnu.
2) Ectopie rénale :
Lorsqu’on ne voit pas de rein dans la loge rénale, il est nécessaire de le rechercher en position pelvienne, en position ectopique croisée ou encore en position pré-vertébrale dite reins en fer à cheval. Cela en réalité ne constitue pas une réelle anomalie.
3) Deux gros reins sans kystes :
– S’ils sont hyperéchogènes avec perte de la différenciation cortico-médullaire, il s’agit de la polykystose infantile : maladie rare à transmission autosomique récessive, elle est le plus souvent mortelle en post-natal immédiat.
Paradoxalement, aucun kyste n’est décelable en échographie au sein de ces gros reins car les kystes sont trop petits pour être vus.
– S’ils sont d’échostructure normale, il peut s’agir d’un syndrome de Wiedemann-Beckwith, avec macrosomie marquée et augmentation de volume de tous les organes. On cherche une omphalocèle et une protrusion de la langue.
4) Reins avec kystes :
– Les kystes multiples : aucune structure rénale normale ne peut être identifiée. Leur taille variable et leur disposition anarchique doit permettre de les différencier d’une simple hydronéphrose. L’association de kystes et d’anomalies morphologiques ou obstructives des voies excrétrices est toujours possible compte tenu des aspects anatomopathologiques variés rencontrés dans les dysplasies rénales. Ces lésions peuvent toucher le rein de façon partielle ou totale, uni ou bilatérale. La dysplasie multikystique rénale bilatérale totale est létale en raison de l’absence de cavités excrétrices. Son diagnostic est possible entre 15 et 20 SA, surtout en cas d’antécédent, devant deux énormes reins multikystiques et l’absence permanente de remplissage vésical après test au furosémide.
– Le kyste isolé cortical est exceptionnel.
5) Tumeurs du rein :
Leur diagnostic est possible en prénatal bien que très exceptionnel. Les principales sont le néphroblastome et la tumeur bénigne de Bolande. On évoque ce diagnostic devant un syndrome de masse de la fosse lombaire sans rein normal visible ou avec un rein partiellement amputé. Cette recherche est essentielle dans le syndrome de Wiedemann-Beckwith.
Le diagnostic différentiel est celui de la tumeur ou de l’hématome de la surrénale. Dans ce cas le rein normal doit être recherché refoulé le plus souvent en avant et en dehors. Seul l’hématome de la surrénale peut disparaître en cours de grossesse.
2. Dilatation des voies urinaires :
1) Obstruction haute :
– La dilatation pyélique modérée : on souhaite que le pyélon mesure moins de 5 mm en antéro-postérieur dans le 2ème trimestre et moins de 10 mm au 3ème trimestre. La dilatation pyélique peut être isolée ou associée à une dilatation calicielle tubulaire ou en boule. La dilatation calicielle peut être proportionnelle ou non à la dilatation pyélique. Il ne faut pas confondre les pyramides de Malpighi qui sont triangulaires, finement échogènes et symétriques avec l’image des calices dilatés. Des cavités pyélo-calicielles anormalement visibles peuvent signifier un début de syndrome de jonction ou n’être qu’une image transitoire régressant spontanément. On a parfois décrit de telles anomalies dans la trisomie 21, d’où l’intérêt de rechercher les autres signes évocateurs de cette anomalie chromosomique.
– L’hydronéphrose par syndrome de jonction peut être uni ou bilatérale et se démasquer dès le 2ème trimestre de la grossesse. Elle se traduit comme décrit précédemment par une dilatation pyélique et calicielle sans uretère visible. Elle évolue peu en cours de grossesse mais l’existence de quelques cas d’évolution rapide justifie une surveillance mensuelle surtout en cas de forme bilatérale. La surveillance impose la mesure des pyélons, des calices et de l’épaisseur de la corticale rénale.
2) Obstruction basse sus vésicale :
– Urétéro-hydronéphrose : c’est l’image de l’hydronéphrose du syndrome de jonction accompagné d’un uretère visible dont la taille variable n’est pas proportionnelle à l’importance de la dilatation des cavités rénales. L’uretère peut être fin et sinueux ou très large et replié créant alors de fausses images multikystiques sous rénales évoquant à tort une sténose digestive basse.
Si elle est bilatérale, on recherche les preuves d’une obstruction sous-vésicale liée à des valves de l’urètre, ou alors on évoque la possibilité de deux méga-uretères.
Si elle est unilatérale, elle peut ne porter que sur le pyélon supérieur d’une duplicité pyélique ou être la conséquence d’une urétérocèle parfois visible dans la vessie. Là encore, elle peut correspondre à un méga-uretère.
– L’urétérocèle est décelée sous forme d’une image kystique intra-vésicale souvent associée à une dilatation du haut appareil urinaire. Elle peut être uni ou bilatérale, de petit diamètre ou très importante.
3) Obstruction basse sous vésicale :
– La mégavessie ;
– Les valves de l’urètre associent une mégavessie à une urétéro-hydronéphrose bilatérale plus ou moins importante. La vessie peut être petite à paroi épaisse dite vessie de lutte.
Les anomalies étant multiples, nous avons choisi de les présenter en deux articles. Celui-ci s’intéresse aux anomalies pouvant être découvertes au premier trimestre.
Il convient ici de noter que la Conférence nationale d’échographie obstétricale et fœtale (CNEOF), dans son dernier rapport d’octobre 2022, a inclus dans ses recommandations de vérifier la présence de la vessie au premier trimestre et de fournir un cliché du fœtus en coupe sagittale avec la vessie présente ou un cliché complémentaire de la vessie entourée des deux artères ombilicales en coupe axiale.
L’utilisation de la voie vaginale est clairement mentionnée pour la réalisation de l’examen du premier trimestre.
En plus des anomalies purement vésicales, nous illustrerons ici les anomalies rénales, et celles du liquide amniotique qui les accompagnent.
1. Anomalies vésicales :
1) Mégavessie : Cf chapitre spécial
2) Absence de visualisation de la vessie :
La non-visualisation de la vessie est dans la majorité des cas liée à son absence de réplétion ; il sera donc nécessaire de vérifier sa présence plus tard dans l’examen ou même lors d’un examen à distance.
La persistance de la non-visualisation vésicale devra inciter à regarder le niveau d’insertion du cordon et l’aspect du bourgeon génital, et par ailleurs à reconvoquer la patiente pour un nouvel examen (vers 16 SA) afin d’éliminer une extrophie vésicale.
2. Anomalies rénales :
1) Agénésie rénale bilatérale :
L’absence des deux reins pourra être soupçonnée devant un liquide amniotique déjà peu abondant et des déformations des structures fœtales, en particulier des os du crâne.
Le diagnostic sera confirmé par la mise en évidence des surrénales verticalisées, de l’absence de pédicules rénaux et de la visualisation de la vessie.
2) Agénésie rénale unilatérale :
L’agénésie unilatérale sera diagnostiquée sur les mêmes arguments : absence de pédicule rénal et surrénales verticalisées.
En revanche, le liquide amniotique sera d’abondance normale et la vessie présente.
3) Dysplasie multikystique bilatérale :
Ce diagnostic sera évoqué devant la présence de multiples images anéchogènes arrondies, de taille variable au niveau des loges rénales, la vessie ne sera pas visualisée, le liquide amniotique est en faible quantité.
La découverte d’une agénésie rénale bilatérale amènera à explorer, d’une part, la voûte crânienne à la recherche d’une encéphalocèle postérieure et, d’autre part, les mains afin de mettre en évidence une hexadactylie. Cette triade permet d’évoquer une ciliopathie de type Meckel-Gruber.
4) Dysplasie multikystique unilatérale :
Un aspect nettement plus échogène qu’habituellement d’un des parenchymes rénaux pourra faire soupçonner une dysplasie multi-kystique unilatérale.
Le diagnostic ne sera confirmé que lors d’un examen de contrôle quelques semaines plus tard.
5) Anomalies positionnelles des reins :
a) Rein pelvien :
Comme au deuxième trimestre, l’absence de visualisation d’un rein dans sa loge fera rechercher une position pelvienne qui sera en général médiane au niveau de la bifurcation des vaisseaux iliaques.
b) Rein en “fer à cheval” :
L’axe des pyélons (en coupe axiale) formant un angle aigu à pointe antérieure orientera vers la présence d’une fusion des parenchymes fœtaux, en avant du rachis, réalisant un aspect de “fer à cheval”, qui sera confirmé en coupe coronale.
6) Kyste de l’ouraque :
Il sera évoqué devant la présence d’une formation liquidienne dans le prolongement antérieur de la vessie et en continuité avec celle-ci. L’évolution se fait le plus souvent vers la rupture spontanée au cours du deuxième trimestre.
De nombreuses anomalies de l’appareil urinaire sont visibles dès le premier trimestre. La mise en évidence de la vessie est une des “clés” majeures de ces diagnostics. Il est donc important que cet item ait été ajouté au compte rendu minimum de l’échographie du premier trimestre.