Le diagnostic de chorionicité est le but principal de l’échographie du premier trimestre des grossesses multiples. De celui-ci dépendra en effet le suivi de la grossesse (syndrome transfuseur-transfusé, interruption sélective de grossesse…).
1. Grossesse gémellaire :
La fréquence de la grossesse gémellaire est estimée entre 1 et 2 %.
Elle est cependant sous-estimée car l’arrêt d’évolution d’un sac gestationnel avant l’apparition embryonnaire ou un peu plus tard par évanescence d’un jumeau est fréquent.
Le diagnostic de grossesse gémellaire est en général possible dès 5 SA et facile dès 8 SA.
• Avant 6 SA (sac ovulaire sans embryon visible) : le nombre de lacunes ovulaires intra-utérines est le seul élément utilisable. Il est essentiel à ce stade de bien différencier un vrai deuxième sac ovulaire d’un cœlome extra-embryonnaire ou d’un hématome péri-ovulaire.
Pour affirmer qu’il ne s’agit pas d’un deuxième sac, on s’appuie sur l’absence nette de trophoblaste sur le bord du sac ovulaire.
Il est important de définir précocement s’il s’agit d’une grossesse mono ou dizygote ; la grossesse est à plus haut risque dans le premier cas que dans le second. Ce risque est encore augmenté s’il s’agit d’une grossesse monoamniotique monochoriale.
• A partir de 6 SA : le diagnostic de chorionicité peut être porté avec précision. En effet, c’est au premier trimestre que cela doit être fait.
Il s’agit de déterminer quel est le type de grossesse gémellaire ; il faut déterminer s’il y a :
– deux placentas séparés (bichoriale), donc forcément avec deux sacs : grossesse bichoriale biamniotique (Bi Bi),
– ou un placenta commun (monochoriale) : les grossesses monochoriales peuvent être :
. avec deux sacs : Mono Bi,
. ou avec les deux fœtus dans le même sac : Mono Mono.
Le fait de partager le placenta (monochoriale) rajoute des complications supplémentaires à cause d’un possible déséquilibre de la vascularisation des jumeaux, et impose une surveillance renforcée (tous les 15 jours).
RAPPELS :
Zygote = œuf.
Les grossesses DIZYGOTES [Faux jumeaux] sont forcément bichoriales, biamniotiques +++ (grossesse Bi Bi) ;
Les grossesses MONOZYGOTES [Vrais jumeaux] peuvent se présenter sous les 3 types anatomiques+++ et le type anatomique dépend de l’âge de l’œuf au moment de sa division :
– avant J4 : grossesse Bi Bi (30 % des cas des monozygotes) : fréquence absolue de 1 pour 1.000 grossesses,
– J4 à J8 : grossesse Mono Bi (70 % des cas des monozygotes) : fréquence absolue de 2 pour 1.000 grossesses,
– J8 à J13 : grossesse Mono Mono (< 1 % des cas des monozygotes) : fréquence absolue de 1 pour 30.000 grossesses,
– après J14 (formation du bouton embryonnaire) : grossesse Mono Mono mais embryons conjoints (siamois) : fréquence absolue de 1 pour 90.000 grossesses.
En ce qui concerne les sexes :
– une grossesse Mono Bi ou Mono Mono (un seul placenta mais avec une ou deux poches amniotiques) : il s’agit de vrais jumeaux ;
– mais une grossesse Bi Bi (deux placentas et deux poches amniotiques) : peut aussi bien donner des faux jumeaux que des vrais jumeaux… donc si les bébés sont :
. de sexe différent : il s’agit bien sûr de faux jumeaux ;
. de même sexe : on ne peut pas savoir ; seul un examen à la naissance permettra de déterminer s’il s’agit de vrais ou faux jumeaux. Pour cela on recherchera le groupe sanguin des bébés et si nécessaire, une analyse de l’ADN placentaire.
Les signes échographiques à rechercher entre 9 et 14 SA pour le diagnostic de chorionicité sont :
– des sites placentaires séparés ou non,
– la présence ou non d’un signe du lambda (“λ”),
– l’épaisseur de la membrane interovulaire de ± 1,5 mm.
1) Grossesse bichoriale ou dizygote (deux œufs juxtaposés) (70 %) :
– On observe, dès 5-6 SA, deux sacs ovulaires nettement distincts, entourés chacun d’une couronne trophoblastique. La séparation interovulaire est épaisse.
Dans chaque sac ovulaire apparaissent successivement la vésicule ombilicale (à partir de 5 SA) puis l’embryon (à partir de 5 SA et demie).
L’individualisation d’un embryon vivant dans chaque sac ovulaire confirme l’évolutivité des deux œufs.
En cas d’évanescence d’un jumeau (vanishing twin) liée à l’arrêt d’évolutivité ± précoce d’un embryon, celui-ci peut se lyser et ne plus être visible au sein d’un des sacs gestationnels.
Le volume du sac gestationnel non évolutif deviendra discordant par rapport à l’autre sac gestationnel qui continue à évoluer. L’embryon non vivant peut également se papyracer et se plaquer en périphérie contre le myomètre.
On peut trouver aussi l’association d’un œuf embryonné normalement évolutif et d’un œuf sans embryon visible (œuf clair) entouré d’une couronne trophoblastique peu épaisse (ce qui le distingue d’un hématome périovulaire).
– A partir de 7 SA, les deux cavités amniotiques sont visibles autour des deux embryons. Les sacs gestationnels s’accolent mais restent séparés par une délimitation épaisse, échogène.
– A partir de 8 SA, les trophoblastes s’épaississent à l’endroit où se situeront les placentas. Les cavités amniotiques s’agrandissent et refoulent progressivement les cœlomes extra-embryonnaires.
L’évolution anatomique des embryons correspond à celle d’une grossesse unique.
– A 11-13 SA, les deux trophoblastes peuvent être distincts sur des faces utérines opposées, mais si les trophoblastes sont accolés, ils donnent l’impression d’une masse unique.
Au niveau de cet accolement, du trophoblaste s’insinue dans la zone de raccordement avec les membranes amniotiques, formant une image triangulaire échogène, schématisant la lettre grecque lambda (“λ”), aspect décrit par Bessis dès 1981.
Ceci traduit avec certitude le caractère bichorial de la grossesse gémellaire.
Nb : Le signe du lambda ne doit pas être confondu avec un non-accolement des membranes amniotiques avec la membrane choriale au cours d’une grossesse monochoriale avant 14 SA.
La présence d’une membrane supérieure à 1,5 mm étudiée par une sonde de haute fréquence ou plus subjectivement “épaisse” sur l’image peut conforter la suspicion de bichorionicité ; il s’agit plus volontiers d’un signe des deuxième et troisième trimestres.
Enfin, si le sexe des embryons peut être considéré avec certitude comme opposé (possible pour certains dans 80 % des cas à 13 SA sur l’orientation différente du tubercule génital), le caractère dizygote de la grossesse peut être affirmé. Dans le cas contraire, il est impossible de conclure.
Cas particuliers :
– Superfétation : elle correspond à une seconde ovulation à quelques jours d’intervalle pendant un même cycle, ou à une double fécondation à partir de follicules bi- ou polyovocytaires. Il en découle un décalage précoce des mesures embryonnaires qui persiste sans s’aggraver pendant le reste de la grossesse.
– Faibles différences de taille entre les embryons : elles ont été décrites dans les grossesses multiples obtenues par AMP quelle que soit la méthode utilisée. A 7-8 SA, une différence de longueur embryonnaire d’au moins 3 mm augmente le risque d’arrêt d’évolution de l’embryon le plus petit de 50 %.
– Grossesse gémellaire hétérotopique secondaire à la nidation simultanée intra- et extra-utérine de deux ovules fécondés. Ces associations, autrefois exceptionnelles (1/30.000), sont en nette augmentation (3 %) depuis le recours à l’AMP. Le diagnostic échographique est difficile, souvent retardé mais l’éventualité d’une grossesse hétérotopique doit être évoquée systématiquement dans l’AMP. L’attention doit être particulièrement portée sur la région cornuale ou interstitielle.
– GEU de jumeaux ou de triplets.
– Grossesse gémellaire associant grossesse môlaire et grossesse normale : grossesse bizygote dont l’un des œufs a une évolution môlaire complète avec ses complications et l’autre une évolution normale. L’aspect vacuolaire ou typiquement môlaire d’un des trophoblastes à côté d’un œuf normal est évocateur.
2) Grossesses monozygotes (un seul œuf s’est divisé) (30 %) :
Cette variété de grossesse gémellaire ne peut pas être diagnostiquée avant l’apparition des embryons.
Trois formes anatomo-échographiques, fonction de la période ± précoce du clivage de l’œuf, peuvent être décrites :
a) Grossesse bichoriale biamniotique :
Le clivage de l’œuf est précoce, au plus tard 120 heures (5ème) après la fécondation. Elle représente 30 % des monozygotes.
Il n’y a pas de particularité par rapport à la grossesse dizygote. Les sexes sont évidemment identiques.
b) Grossesse monochoriale biamniotique :
Le clivage de l’œuf est survenu entre le 4ème et le 8ème jour. Elle représente 70 % des monozygotes.
Les deux embryons sont séparés par une fine membrane. Celle-ci peut être visible dès 8 SA.
Néanmoins, son absence d’individualisation à cet âge n’est pas significative et mérite d’être contrôlée 2 semaines plus tard. Les feuillets qui composent la membrane sont accolés ou fusionnés avec un angle de raccordement (± perpendiculaire) au trophoblaste qui est unique. Il n’y a pas de signe du lambda.
Il existe deux vésicules vitellines au sein du cœlome extraembryonnaire.
c) Grossesse monochoriale monoamniotique :
Le clivage de l’œuf a lieu entre le 8ème et le 13ème jour. Elle représente 1 % des monozygotes.
Les deux embryons siègent dans la même cavité amniotique sans interposition de membrane décelable.
Affirmer cette absence de membrane interovulaire est difficile. Les embryons peuvent paraître inhabituellement proches l’un de l’autre. Le trophoblaste est unique et l’insertion proche des deux cordons est parfois visible.
Il n’y a pas de cloison visible et donc pas de signe du lambda.
Au sein du cœlome extraembryonnaire dont l’échogénicité est légèrement supérieure à celle du liquide amniotique, on peut individualiser deux vésicules ombilicales ± éloignées, ou plus rarement une seule vésicule (en fonction du moment de séparation) traduisant avec certitude le caractère monochorial monoamniotique de la grossesse.
2. Grossesse de haut rang :
Sont définies de cette façon les grossesses multiples à partir des triplets.
L’échographie n’est pas différente de celle réalisée pour des jumeaux et la chorionicité reste l’élément essentiel à rechercher. C’est ainsi que pour des triplets, par exemple, on pourrait retrouver :
– une grossesse trichoriale (trizygote) ;
– une grossesse monochoriale triamniotique (monozygote) ;
– un “panachage” avec une association grossesse monochoriale et grossesse monochoriale biamniotique ou monochoriale monoamniotique (dizygote).
Résumé des différents types de grossesses gémellaires :
Il est important de les reconnaître car elles comportent chacune leurs propres risques. On distingue :
– la grossesse monoamniotique monochoriale : un seul sac ovulaire contenant deux embryons, une seule masse placentaire,
– la grossesse biamniotique bichoriale : deux sacs ovulaires, contenant chacun un embryon, deux masses trophoblastiques distinctes,
– lorsqu’il existe deux sacs ovulaires contenant chacun un embryon mais une seule masse placentaire apparente, il peut s’agir :
. soit d’une forme biamniotique (deux sacs distincts) monochoriale (un placenta unique commun),
. soit d’une forme biamniotique bichoriale (deux placentas anatomiquement distincts mais confondus car juxtaposés).
Seule la forme monoamniotique monochoriale permet d’affirmer le caractère monozygote des jumeaux (même caryotype). Dans les autres cas, s’il existe le signe du « λ », on peut se prononcer sur le caractère dizygote des jumeaux.
A RETENIR
La connaissance du type de placentation des grossesses multiples est primordiale pour déterminer le niveau de risque de cette grossesse.
Les grossesses monochoriales constituent en effet un groupe à risque accru de pathologies obstétricales et malformatives (hypotrophie, prématurité, MIU, syndrome transfuseur-transfusé, acardiaque et autres malformations propres aux grossesses monochoriales).
Le diagnostic de chorionicité est porté par un certain nombre d’arguments dont le principal, le plus reproductible et le plus constant est le signe du lambda (présence de tissu trophoblastique de forme triangulaire au niveau de l’insertion des membranes sur le placenta). Ce signe est fiable à un terme précoce mais sa sensibilité diminue avec l’augmentation de l’age gestationnel.
Le signe du lambda ne doit pas être confondu avec un non accolement des membranes amniotiques avec la membrane choriale au cours d’une grossesse monochoriale avant 14 SA.