L’utilité clinique d’un examen de dépistage est jugée sur le bénéfice clinique en termes d’amélioration de la santé. À ce titre, il est fréquent de constater, en échographie-Doppler, une confusion entre l’amélioration des diagnostics, c’est-à-dire une meilleure prédiction, et l’amélioration en santé, c’est-à-dire l’utilité même d’un examen. Quel que soit l’examen pratiqué, son utilité clinique doit idéalement être jugée à partir des résultats des essais randomisés : en l’occurrence, il faut savoir si l’examen effectué permet de diminuer la morbidité et la mortalité fœtales ou maternelles.
Un même test de dépistage peut ne pas avoir la même utilité clinique dans des populations à bas risque ou à haut risque.
1. Limites du Doppler de dépistage :
Le Doppler est essentiellement utilisé pour le dépistage de deux pathologies : le retard de croissance intra-utérin (RCIU) et la pré-éclampsie maternelle.
Ces deux pathologies sont suffisamment fréquentes pour poser un problème de santé publique, ce qui pourrait donc justifier un dépistage. Cependant, il n’existe pas à l’heure actuelle de traitement curatif efficace suite à un Doppler normal. Seul un renforcement de la surveillance maternelle et foetale avec une extraction en cas d’aggravation peut être proposé.
2. Doppler utérin :
1) Dans les populations à bas risque :
a) Au 2ème trimestre :
En ce cas, une femme issue d’une population générale présente 7 fois plus de risques de développer une pré-éclampsie et 14 fois plus de risques d’être confrontée à un retard de croissance intrautérin qu’une femme avec un Doppler utérin normal.
Le Doppler des artères est donc un examen prédictif de ces deux pathologies. Cependant, les taux de pré-éclampsie et de RCIU chez ces femmes à bas risque avec Doppler utérin pathologique au 2e trimestre restent relativement faibles, de 14 et 5 % respectivement.
Deux études françaises ont recherché par des essais randomisés, l’intérêt clinique d’effectuer de façon systématique un Doppler des artères utérines dans les populations à bas risque. Il a été montré l’absence de bénéfice à effectuer de la sorte cet examen, tant sur le taux de retard de croissance intra-utérin que sur le taux de prééclampsie par des essais randomisés.
Dans les populations à bas risque, le Doppler des artères utérines au 2e trimestre ne présente pas d’intérêt clinique.
b) Au 1er trimestre :
La présence de notch ou d’un index de résistance élevé est très fréquente. En effet, les résistances des artères utérines diminuent en cours de grossesse.
Même s’il existe une corrélation entre le Doppler utérin pathologique et le poids de naissance, aucune donnée dans la littérature ne permet de conclure qu’un Doppler des artères utérines devrait être proposé à l’ensemble de la population.
Si le Doppler utérin est effectué systématiquement dans une population à bas risque, 15 à 20 % des patientes risquent d’être inquiétées inutilement en raison du taux de faux positif, avec des conséquences non évaluées, et sans bénéfice prouvé en termes de santé.
2) Dans les populations à haut risque :
Dans les populations à haut risque, le Doppler utérin permet de cibler une population à risque élevé de retard de croissance intra-utérin ou de pré-éclampsie.
L’intérêt est cependant limité dans la mesure où la prévention par aspirine chez les femmes à haut risque vasculaire a normalement déjà été mise en place.
Si la bonne valeur prédictive négative de l’examen pourrait peut-être permettre de diminuer l’intensité de la surveillance, aucune étude prospective randomisée n’a toutefois encore analysé cette stratégie.
Il n’en demeure pas moins que le Doppler utérin a un intérêt étiologique devant un RCIU.
En cas de notch et/ou en cas d’index de résistance élevé avec échographie morphologique normale, le Doppler utérin oriente vers une origine vasculaire. Dans ce cas, l’intérêt de l’amniocentèse est très limité, et il est habituel de ne pas la faire.
3. Doppler ombilical :
L’analyse du Doppler ombilical est un bon prédicteur de mauvaise issue néonatale en cas de retard de croissance intra-utérin. En effet, un RCIU associé à un Doppler ombilical anormal entraîne une augmentation du risque de prématurité, d’hypotrophie, d’hospitalisation en réanimation pour le nouveau-né et enfin d’augmentation de la durée d’hospitalisation en néonatologie.
Une méta-analyse a montré que, dans une population à haut risque, le fait de réaliser un Doppler ombilical diminuait la mortalité périnatale, ainsi que le recours au déclenchement et à la césarienne.
En revanche, pour une population à bas risque, cet examen n’a d’effet ni sur la morbi-mortalité périnatale, ni sur le mode d’accouchement. Il n’a donc pas de bénéfice en termes de dépistage en population générale. Si de nombreux échographistes ont pour habitude de réaliser systématiquement un Doppler ombilical au 3e trimestre de grossesse dans le cadre des échographies de dépistage, cette pratique ne repose sur aucune preuve scientifique.
Il n’y a pas de bénéfice direct à effectuer un Doppler ombilical de routine dans les populations à bas risque, en revanche il est intéressant d’effectuer un Doppler ombilical dans les populations à risque élevé pour identifier les patientes susceptibles de développer un RCIU ou une pré-éclampsie.
Le Doppler ombilical est aussi un examen de 2ème intention après une 1ère phase de dépistage habituelle.